Le récit commence ainsi : « sachant que l'heure était venue
pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, qui avait aimé les siens qui
étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout, » Avoir part à Jésus c'est donc
de le laisser nous conduire vers le père à partir de maintenant. Comment Jésus
s'y est pris avec ses disciples. D'abord, il a lavé leur coeur, leur tête, leur
corps par sa Parole, à travers son enseignement et les gestes de guérison qu'il
leur a montrés. Maintenant il les prépare à aller plus loin. « Vous n'avez pas
besoin d'être lavés ; vous êtes purs, non pas tous, mais pour vous ici c'est
fait ». Le geste de leur laver les pieds n'a donc pas pour but qu'ils soient
propres. Il vise le seuil qu'ils ont maintenant à franchir, le seuil qu'il nous
faut à notre tour nous aider les uns les autres à franchir.
Quel seuil ?
Le récit de l'Exode que nous
venons d'entendre l'annonce. Jésus l'accomplit Le fléau de Dieu va frapper
l'Égypte ; il va frapper la figure de la grande puissance en matière de
religion et d'organisation politique, économique et culturelle. Le fléau va
frapper ce que les hommes ont fait de mieux avec les dons que Dieu leur a
faits, mais sans Lui. La marque du sang de l'agneau sur les portes des fils
d'Israël va les mettre au large de l'esclavage. Aujourd'hui, nous nous
souvenons du geste de Jésus : il prend soin des pieds de ses disciples il
honore la marche qu'ils ont à faire désormais il honore leur déplacement par
rapport au cours du monde,
Les disciples vont avoir
sous leurs yeux le corps de Jésus trahi, jugé, torturé et crucifié. En ce
corps, la parole de Dieu s'est faite chair. En toutes choses il épouse la
condition humaine. Excepté le péché. Excepté le refus de se laisser conduire
par son Père.
Exposé sur le bois de la
croix, il donne à voir au monde ce que les humains font avec la condition
humaine. Il est jeté dehors, comme l'aveugle de naissance, par les
organisations religieuses et politiques de son pays. Et il va traverser cette
haine aveugle, obéir à son Père et ouvrir la porte de la vie de fils, telle que
Dieu la veut pour nous tous.
Voilà pourquoi Jésus prend
soin de leurs pieds. C'est comme un envoi chaleureux pour ce qu'il leur reste à
vivre. En eux, la puissance de l'amour de Dieu va continuer à se manifester.
Tout le travail de l'humanité pour s'autodéterminer, toutes les inventons
idéologique et techniques qu'ils utilisent pour construire seuls leur destin,
vont être contestées par les comportements des disciples, puis désarticulés,
dispersés, jusqu'à ce que les hommes voient de leurs yeux ce qu'il leur reste.
Car il y a des restes : il y a les rencontres bouleversantes, les commencements
libérateurs, comme la naissance d'un enfant, d'un amour, d'une réconciliation,
d'une grâce inattendue, Au fil du temps, ce sont ces restes que Jésus
rassemble. C'est ainsi que nous devenons les membres de son corps.
Vous dont les pieds vont
être lavés, nous tous qui voyons ce geste comme un exemple à suivre, acceptons
l'honneur que le Christ nous fait de nous appeler à donner à voir au monde que
notre véritable horizon est d'être conduits par le père vers la condition de
fils. Appelés à donner à voir cette oeuvre de Dieu en cours par notre comportement,
par nos manières d'agir, de parler, par notre calme détermination à prendre le
risque d'être jeté dehors. Car suivre le Christ comporte ce risque. En effet
Jésus ne nous dit pas de quitter ce monde ou de nous en protéger, mais d'y
vivre en témoins de la marche du Christ de ce monde à son Père, en résistant
aux volontés changeantes et autoritaires du monde, en consentant à apprendre à
voir ce que l'Esprit nous montre au jour le jour.
Recevons ce geste du Seigneur avec
reconnaissance, joie, confiance. Jésus-Christ nous donne la nourriture qui
convient pour cette marche : le pain et le vin, le corps et le sang du Christ.
Jean-Pierre
Duplantier
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