*Panneau accroché sur la porte de l'église St Pierre de Gradignan. Probablement ancien panneau de la chaire aujourd'hui disparue. |
A la question de Jésus « vous, qui dites-vous que je suis ? », Simon, fils de Yonas, répond « tu es le Christ, le fils du Dieu vivant »
Et
pour confirmer à Simon qu’il est quelqu’un de solide, que sa foi
est hors du commun, Jésus le renommerait Pierre, et ferait de cette
pierre la fondation de son Eglise. Il lui donnerait le trousseau de
clé du Paradis et donc le pouvoir de décider qui entre et qui reste
dehors.
Alors,
on ferait de Pierre un chef, un pape pourquoi pas, on construirait sur sa tombe la
plus grosse église du monde, que l’on remplirait d’or et de
marbre, on se saisirait de ses clés pour juger les hommes en leur
expliquant ce qu’il faut faire, et surtout, ce qu’il ne faut pas
faire, pour entrer dans le paradis.
Et
ça ferait 2000 ans que ça dure….
Reprenons
depuis le début
Qui
parle quand Simon répond à Jésus « Tu es le Christ, le
fils du Dieu vivant » ?
Jésus
le dit bien : « ce n’est ni la chair ni le
sang » « c’est mon père qui est aux cieux ». Ce
qui parle, ce n’est pas la foi de Simon, c’est le Père qui parle
en lui, qui vient habiter sa chair et son sang ….
En
parlant, Simon s’est laissé déborder, il s’est laissé
traverser par une parole qui n’est pas la sienne… et c’est
justement ça qui est extraordinaire, et c’est ça que Jésus
salue.
C’est
parce qu’il est dessaisi de sa parole pour laisser parler la voix
du Père à travers lui que Simon devient pierre. Ce
n’est pas un changement de nom, c’est un changement de nature. Jésus
ne dit pas « tu t’appelles Pierre », il dit « tu
es pierre » tu es roc, rocher. C’est
quand tu te laisses modeler par le Père que tu es pierre.
Simon
n’est pas plus solide qu’un autre, on verra qu’il est même
probablement le plus faible des disciples, celui qui va se faire
traiter de Satan dans quelques lignes, celui qui va renier, celui qui
va pleurer, celui qui ne croira pas en voyant le tombeau vide, celui
qui voudra retourner à la pêche comme si de rien n’était le
lendemain de Pâques….
Il
est pierre, solide, stable et fiable pour le temps où il se laisse
habiter par le Père…. Probablement que c’est un état passager. C’est
justement là-dessus, sur cette dépossession de soi que Jésus veut
fonder son Eglise. Pas
St Pierre de Rome, pas l’institution Romaine, pas la papauté…
l’Église. Eglise
ça veut dire « rassemblement » « convocation ».
Que
faire de cette histoire de clef ?
Avec
des clefs, on ouvre ou on ferme. Mais
ici, on lie et on délie…. Il
ne s’agit pas d’ouvrir ou de fermer la terrible porte du paradis,
il s’agit de créer des liens sur terre qui s’inscriront dans le
lieu de Dieu, là où il règne… susciter des liens qui libèrent. Et
il s’agit de délier d’autres liens, ceux qui nous empêchent
d’avancer, ceux qui nous emprisonnent, pour qu’ils se délient
aussi dans le royaume.
Le
Royaume n’est pas le Paradis, les clefs ne sont pas la serrurerie
divine qui verrouillerait le passage aux gens pas comme il faut. Jésus
est venu justement pour nous ouvrir le royaume ! Il n’a de
cesse de proclamer que les pécheurs et les prostituées entrent
avant nous dans ce royaume ! Ce n’est donc pas un lieu pour
les gens comme il faut ! Et c’est une bonne nouvelle pour
nous !
En
passant par la porte de cette église, levez la tête et vous verrez
un panneau de bois sculpté qui représente Jésus donnant les clefs
à Pierre*. Et
puis montez ici dans l’abside et retournez-vous et vous verrez le
vitrail de la façade. Il représente la tiare du pape entourée des
clefs, une en or pour le ciel, une en argent pour la terre**.
Regardez
bien et dites-vous que ces clefs, elles ne servent ni à ouvrir ni à
fermer mais à lier et à délier.
● Dites-vous
que Jésus ne les confie pas au pape, mais à ceux qui, l’espace
d’une seconde, sans s’en apercevoir, se laissent habiter par la
parole du Père. Quand
vous vous laissez traverser par la Parole, ces clefs sont les vôtres.
● Dites-vous
que c’est vous qui avez le pouvoir de jouer sur les liens, de lier
et de délier… que c’est ici et maintenant qu’il faut y
travailler puisque ce qui se joue ici et maintenant se joue aussi
dans le royaume.
● Dites-vous
enfin que chaque fois que, dans votre faiblesse, vous vous remettez
dans les mains du Père, vous êtes pierre, celle que se choisit le Père pour construire non pas une forteresse
romaine qui se fissure de partout, mais son royaume éternel contre
lequel les forces de la mort ne peuvent rien.
╬ Amen