La sainte famille / Mt 2 13-23 / Une homélie

Il y a quelques jours à peine, nous fêtions la naissance de jésus.
Noël n’est pas la fête de la naissance d’un héros mais la mémoire du surgissement dans le monde du verbe fait chair…
L’incarnation ce n’est pas Dieu entrant dans un corps d’homme comme les dieux antiques descendaient dans des corps de mortels ou d’animaux,
l’incarnation, c’est le Verbe de Dieu, sa parole créatrice, agissante qui se fait chair.
Une union parfaite et définitive, comme l’eau dans le vin…
Dieu prend la chair au sérieux, il ne fait pas semblant, il ne triche pas.

Comme dimanche dernier, c’est Joseph qui est le centre de l’évangile.
Un Joseph muet qui passe son temps à recevoir la visite de l’ange du Seigneur.
Il ne dit pas un mot dans toute l’écriture et on ne rapporte pas un mot de lui
C’est un corps d’homme sans parole
Joseph est sans cesse visité par un ange, c’est à dire par des mots sans corps

Un ange, ce sont les mots de Dieu qui nous visitent.
Un ange ça n’a pas de corps, c’est du langage, c’est de la parole
Je crois que c’est très important pour nous aujourd’hui.
Parce que si vous croyez qu’un ange c’est un blondinet avec des ailes, et bien vous aurez beau attendre, vous n’aurez jamais la visite d’un ange.Vous passerez votre vie à attendre et vous conclurez que les anges n’existent pas… ou pire, vous croirez que Dieu ne vous parle pas !
Par contre, si vous comprenez que les anges ce sont les mots de Dieu qui nous visitent… alors là, ouvrez bien les oreilles parce que vous n’avez pas finis d’avoir affaire avec les anges.
Dans votre sommeil comme Joseph, dans la bouche de vos amis, de vos enfants, mais aussi de la boulangère et du garagiste !
Voilà donc une situation passionnante :
Pour préserver la parole incarnée, Jésus, le Verbe fait chair,
il faut que se combinent, que se mettent en rapport des mots sans corps et un corps sans mots !!
Ces deux-là s’unissent pour sauver l’enfant, pour le mettre à l’abri, pour se mettre en mouvement.
« Lève-toi, prends l’enfant et sa mère et fuis » « Lève-toi… et pars »
Et Joseph se lève et part.

(...)
Voilà donc le tableau complet :
- Un corps sans parole : Joseph
- Des paroles sans corps : l’ange
- La Parole faite corps : Jésus
- et ce qui refuse à la fois le corps et la Parole : le monde

Je n’oublie pas que nous fêtons aujourd’hui la sainte famille
Mais tout ce que je viens de dire n’est pas étranger à la question de la famille.
C’est quoi la sainte famille ? Ça marche comment une sainte famille ?
La famille de l’évangile, elle semble prise au cœur de ce tourbillon étrange de chair et de parole… Inscrite dans ce réseau serré dont le centre est occupé par cet enfant pleinement chair et pleinement parole, pleinement Homme et pleinement Dieu.

(...)
Une sainte famille, c’est une famille qui sait se taire pour écouter les anges
une famille qui, quand elle a entendu les anges, accepte de se mettre en mouvement
une famille qui ne résiste pas à la venue de la Parole dans la chair
c’est à dire qui accepte chez elle la nouveauté, l’inédit de la Parole…
et donc qui s’émerveille en découvrant qu’il y a de l’inconnu dans ses enfants, de l’inconnu dans ses parents…

Que saint Joseph et ses anges bénissent nos familles… saintes

Amen
Sylvain diacre

Il prit chez lui son épouse / Mt 1 18-24 / Une homélie

"Il prit chez lui son épouse" quel chemin parcouru par Joseph, de la déception à l'accueil dans sa maison de son épouse et de l'enfant qu'elle porte.
On peut imaginer la déception de Joseph quand il a appris que Marie, son épouse, attend un enfant alors qu'ils n'ont pas consommé le mariage.
Le texte ne dit pas comment, Joseph l'a appris. Est-ce la rumeur malveillante qui a porté à ses oreilles cette information ? Ou tout simplement a-t'il constaté que le ventre de Marie s'arrondissait ?
Mais, peu importe. Nous les hommes, nous imaginons la déception de Joseph. N'est-ce pas la toute-puissance de sa virilité qui est en cause. Joseph n'est pas le père de l'enfant que porte Marie son épouse.
Il y a de quoi être déçu, et le mot est faible. Pourtant, Joseph ne cède ni à la colère ni à des actes irréfléchis. J'ai envie de dire qu'il se raisonne car il aime Marie.
Dans le peu de mots du texte, nous pouvons définir le caractère de Joseph. Il n'y a pas d'emportement de sa part. Le texte dit que Joseph est un homme juste. Nous, nous aurions peut-être dit que c'est un homme doux, calme, paisible. Et que c'est pour cela qu'il ne veut pas d'esclandre. Mais le texte dit que Joseph est un homme juste.
Que vient faire la justice ou la justesse dans cette affaire ?
Est-ce parce que la peine encourue par Marie ne serait pas juste si la chose se sait ? Ou plutôt n'est-ce pas que Joseph est ajusté à Dieu et qu'il sera réceptif à l'intervention de l'ange.
Etant ajusté à Dieu, il pose un regard de miséricorde sur sa femme. Il ne s'appesantit pas sur sa virilité blessée.
Joseph, quel exemple pour nous les hommes ! Combien notre société s'apaiserait si la figure de Joseph était montrée en exemple d'une manière plus forte. Notre société serait plus juste si la force de caractère de Joseph était plus soulignée dans ce qu'elle a de respectueux et de réfléchi, dans ce que l'amour de sa femme révèle.
Il y a dans cet épisode comme un renversement de ce qui est écrit dans le livre de la genèse. Là où Adam dénonce sa femme comme étant celle qui a péché, Joseph lui ne dénonce pas.
Et puis il y a le songe.
Dans son sommeil, l'ange s'adresse à Joseph. C'est plus facile d'entendre un ange dans son sommeil que de le voir et l'entendre dans sa maison comme Marie en a fait l'expérience.
Car Joseph a tout de même dans l'idée de se débarrasser de Marie. Pardonnez-moi l'expression mais Joseph ne veut pas garder son épouse. C'est clairement écrit.
Alors, l'ange s'adresse à Joseph dans un moment où il est sans défense. Dans son sommeil, Joseph est plus réceptif. Dans son sommeil, Joseph accepte les arguments de l'ange. En fait, dans le songe, Joseph accepte l'inimaginable. "L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint."
Et, l'ange lui murmure qu'il ne doit pas craindre de prendre Marie chez lui. Craindre. Mais de quoi Joseph aurait-il peur ?
Joseph aurait-il peur de cette vie qui se développe dans le ventre de Marie ?
Les pères de cette assemblée comprendrons ce que je vais dire. La vie qui se développe dans le ventre de nos femmes, nous surprend et nous interroge. Nous les pères, comme Joseph, nous ne sommes que spectateurs de l'événement. Nous avons bien mis la main sur le ventre de nos femmes et nous avons bien senti que ça bougeait. Mais cela nous est un peu étrange et étranger.
Dieu se révèle dans ce moment particulier de la gestation d'une certaine manière. Inconsciemment, nous apprenons que la vie nous traverse, qu'elle est un don, que l'enfant à venir ne nous appartient pas, qu'il n'est pas notre chose. L'enfant est un don et notre devoir c'est de le protéger et de l'aider à grandir.
Le Seigneur entre ainsi dans l'histoire des hommes humblement. Tous les hommes touchent cette réalité qu'ils soient pères, qu'ils soient frères ou oncles. L'enfant paraît et les hommes s'interrogent.
Vous les femmes, j'espère que vous me pardonnerez de parler en votre nom, vous les femmes j'imagine que vous comprenez mieux que cette vie qui se développe en vous n'est pas vous mais que vous êtes un réceptacle de la vie. J'imagine que vous percevez mieux ce que Dieu donne.
Dieu humblement s'est incarné dans l'histoire de l'humanité. Et Joseph l'a accueilli comme un père accueille son enfant. Joseph a élevé Jésus comme son fils. Joseph a enseigné son métier à son fils.
La manière dont Dieu entre en nos histoires humaines c'est parce que :


"Quand Joseph se réveilla,
il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit :
il prit chez lui son épouse."


Amen !
Dominique Bourgoin, diacre

Lc 2 1-14 / Nuit de Noël / Une homélie

Noël est décidément une fête étrange.
Voilà que nous quittons la chaleur de nos maisons, nos bons repas, nos beaux cadeaux, pour venir encenser un bébé en plâtre en chantant de vieux refrains.

Il doit bien y avoir quelque chose de sérieux qui nous amène ici ?
Je ne veux pas croire que la force de l’habitude, le folklore de nos traditions fantasmées, de nos nostalgies, suffisent à tout expliquer.
Et que dire de la posture surplombante de celui à qui on ne la fait pas, qui regarde tout ça avec ironie (je lisais ce matin dans la presse : « Noël, machine à consommer et piège à bons sentiments »), c’est souvent le même qui est furieux si on lui refuse sa dose d’Anges dans nos campagnes.

Interrogeons-nous sur la vraie raison de notre présence ici ce soir...
Essayons de creuser sous le sucre, pour tenter d’entrevoir sur quoi repose toute cette histoire…
...
Si nous sommes là cette nuit, au fond, je crois que c’est parce que nous avons tous entendu la voix de l’ange.
Quelque chose en nous a entendu « Ne craignez pas, voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un sauveur, le Christ, le Seigneur. Et Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »

Je le redis, parce qu’il ne faut jamais cesser de le redire, les anges ne sont pas des types avec des ailes dans le dos… ça, ça n’existe pas, c’est de la mauvaise image.
Les anges, ça n’a pas d’aile, parce que les anges ce sont des mots, ce sont des paroles…
Un ange, c’est des mots de Dieu qui circulent entre Lui et nous…
et ça je peux vous dire que non seulement ça existe, mais que nous sommes sans arrêt bombardés d’anges…

Celui de cette nuit vient nous dire au moins deux choses :
1 : aujourd’hui un sauveur nous est né
et 2 : On nous en donne un signe.

Un sauveur…. ??
Un sauveur pour quoi faire ?
Un sauveur pour nous sauver de quoi ?

Nos vies sont chaotiques, chacun porte son angoisse, ses échecs, ses maladies, chacun est marqué de son humiliation, de sa souffrance, chacun traîne avec lui ses déchirures et ses blessures, et, au bout du circuit, chacun va mourir, c’est à peu près la seule chose dont on soit sûr !

Quoi entre ce bébé en plâtre qu’on est venu encenser et l’état de ma vie ?

(...)

Aujourd’hui, un sauveur nous est né.
Aujourd’hui, c’est à dire à l’aujourd’hui où j’entends l’ange me le dire, c’est à dire à l’aujourd’hui où j’ouvre mes oreilles aux mots de Dieu !

(...)

 
Soyons assez malins pour nous laisser faire.
Approchons-nous de cet enfant.
Laissons-nous interroger par lui.
Venons le lire

Prenons Noël au sérieux

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux »
et bénis soient nos bébés en plâtre.

Amen
Sylvain diacre

Comme un voleur / Mt 24 37-44 / Une homélie

C'est le moment, l'heure est venue de sortir de notre sommeil...
Le Fils de l’homme vient…

On nous demande d’attendre, de nous tenir éveillés, de guetter le Fils de l’homme qui vient
et dans le même temps, on nous dit que cette veille n’empêchera pas la surprise...
Nous aurons beau faire, sa venue en nous sera toujours inattendue.
Voilà donc que nous devons attendre quelqu’un que nous avons la certitude de rater !
Continuer d’attendre quelqu’un même quand on est sûr de rater, n’est-ce pas ce qui peut définir les amoureux ?
Si l’on comprend cette posture de veilleur comme celle d’un amoureux, ça nous évitera de prendre cette attente comme un exercice purement théorique, une posture abstraite.
(...)

Le fils de l'homme quand il vient, restaure de l'unique.
Il recrée l'unité, non pas en fusionnant, mais en faisant du tri, en retirant ce qui est en trop.

Nous sommes au premier jour de l'avent, l'Eglise nous invite à nous mettre « en attente », nous voilà en tension vers la nuit de Noël.
Nous avons quelques semaines pour nous préparer, pour nous mettre en attente amoureuse.

Mais dans cette attente, gardons bien présente la figure du voleur…Il vient comme un voleur.
Prenons cette affaire de voleur au sérieux.
Je sais que nous avons été nombreux à être cambriolés dernièrement, voilà qui va nous aider à comprendre !

Le voleur, il vient pour prendre.
Il vient pour prendre ce qu'on ne lui donne pas.

Et ce voleur-là n'est pas un petit voleur comme ceux qui entrent chez nous en forçant une fenêtre… celui-là perce les murs !
Et l’évangile est clair : nous n'échapperons pas à la visite de ce voleur !
(...)

Quand le Fils de l'homme vient, pas un mur ne lui résiste.
Nous aurons beau croire avoir tout verrouillé, il passera.
Et même si nous croyons qu'il n'y a rien en nous pour lui, il prendra ce qu'il s'est choisi.
Et ce qu'il s'est choisi, n'est probablement pas ce que nous avions prévu de lui donner !
Alors nous serons sauvés !

Car c'est bien pour ça qu'il vient, c'est bien pour ça que nous l'attendons.
C’est un vol nécessaire, il nous mène à la vie...
mais comme dans tout vol, ne croyons pas que ce sera simple et sans douleur !

Devant l'enfant de la crèche, ne croyons pas qu'il vient pour nous donner, nous donner ce que nous attendons de lui,
il vient pour prendre... comme un voleur...
que nous le voulions ou non, son amour percera les murs,
il retirera en nous ce qui est double et qui encombre,
il ouvrira la voie pour son désir à lui.

Aurons-nous l’audace de dire avec Mère Thérésa :
« Jésus, je ne vous aime pas pour ce que vous donnez, mais pour ce que vous prenez ».

La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche
Amen
Sylvain diacre