L'homélie du 15 août - Une homélie de JP Duplantier

Les textes que nous venons d’entendre sont un superbe cadeau de Dieu. C’est leur envergure qui m’impressionne. Cà commence par une révélation, une apocalypse comme on dit dans la Bible : le travail de Dieu, que nous nommons la création, a une dimension cosmique. Deux signes grandioses dans le ciel, et chacun d’eux avec deux faces. Le premier signe est l’apparition d’une femme, dans un temple qui s’ouvre soudain dans le ciel. La première face de ce signe est effectivement clairement cosmique, comme je le disais à l’instant : cette femme a le soleil pour manteau, la lune sous ses pieds et, sur la tête, une couronne d’étoiles. Une vision semblable à celle qui impressionne de plus en plus nos contemporains depuis que, grâce au développement de la technique, nous découvrons l’immensité, la lumière et les forces de l’univers dans lequel nous sommes pris. La deuxième face de ce signe grandiose est l’état de cette femme : elle est enceinte ; elle crie, dans les douleurs de l’enfantement. A travers cette femme, nous est donné à voir l’univers en train d’accoucher d’un enfant.
Le second signe n’est pas vraiment un adversaire, c’est une bête imaginaire, un dragon rouge. Lui aussi présente deux faces. La première est à nouveau cosmique : il précipite les étoiles sur la terre ; il défait en nous tout ce qui nous émerveille et le transforme en terreur. La seconde face vise à nouveau l’enfant : il se tient à l’affut pour dévorer cet enfant dés sa naissance.
Et voici que cet enfant arrive et rien ne peut arrêter sa puissance, l’énergie de l’amour de Dieu et le pouvoir de son Christ.  Et dans ce mouvement d’enfantement, la femme, Marie, se tient à une place préparée par Dieu lui-même.
Quel est donc cet enchainement fantastique qui va de la soumission du soleil, de la lune et des étoiles à cette femme prestigieuse, à la naissance de son enfant dans les douleurs de l’enfantement ? Quel est donc cette terrible pesanteur qui nous fait imaginer pour nous et souhaiter même pour d’autres que le ciel nous tombe sur la terre, jusqu’à laisser monter l’horreur de dévorer nos enfants ou ceux des autres de peur qu’ils nous enlèvent nos rêves de puissance ? Le livre de la Genèse, tous les autres livres de la Bible, les évangiles et l’Apocalypse répondent dans une seule symphonie : c’est la création, l’œuvre de Dieu, l’énergie de son amour qui induit patiemment en toutes choses la levée du corps de son Fils bien aimé et dévoile le chemin, la vérité et la vie de chacun de nous, des chaque habitant de la planète, toutes générations confondues.
            Je n’ai pas de mal à entendre les raisonnements que certains font dans leur cœur. « Du calme, Jean-Pierre, ne t’emballe pas. Ce que tu dis est trop loin de nos préoccupations ordinaires, c’est une lumière trop forte pour nos yeux, ce sont des pensées qui nous brouillent la tête et qui ne servent à rien pour la vie concrète, pour le quotidien de chez nous.
            Alors écoutez l’autre récit, celui de la visitation de Marie chez Elisabeth. Cà s’est passé il y a longtemps dans une ville de la montagne de Judée, dans la maison de Zacharie et d’Elisabeth. C’est bien cette visite de Marie à sa cousine ; c’est une belle connivence entre deux femmes en ceints. Oui mais ce qui est raconté dépasse complètement cette convivialité familiale.
D’abord quand Elisabeth entend la voix de Marie, son enfant tressaille dans son ventre. Ce n’est pas dans sa tête que çà se passe. Et elle dit « tu es béni entre toutes les femmes ». D’où sort-elle cette phrase. De l’Esprit saint, dit le récit. Mais c’est qui, lui ? De quel droit il intervient ? Au nom de qui ? Quel est ce paquet d’énergie qui soudain fait parler ainsi cette femme ?
Puis c’est au tour de Marie de parler. « Mon âme exalte le Seigneur,… désormais tous les âges me diront bienheureuse…, Le Puissant fait pour moi des merveilles… ». Bien sur nous nous émerveillons de cette belle prière d’une craie fille d’Israël. Bien sur nous pouvons nous émerveiller de la belle prière de cette femme enceinte. Mais il y a davantage encore. Le champ des forces de l’amour de Dieu vient de la couvrir de son ombre. L’esprit saint a pris le contrôle de son corps, de son cœur. C’est lui qui ouvre ses lèvres et lui donne de publier les merveilles de Dieu. C’est Lui qui lui révèle que depuis l’origine cette puissance de la création vise le passage des fils d’homme vers le corps du fils de Dieu.
Quand je prie Marie, aujourd’hui, il m’arrive qu’elle me conduise par la main dans ce champ de forces d’amour de Dieu, que nous appelons la création. Et je vois ce que je n’avais pas encore vu, et j’entends ce que je n’avais pas encore entendu, et j’ai du respect pour des situations et des comportements auxquelles j’étais fermé jusque là, et que je rejetai même parfois violemment.
Et ces dévoilements au plus profond de moi, je les vois,  je les entends chez vous aussi. Et mon âme exalte le Seigneur avec Marie. C’est cette joie que nous célébrons ensemble ce matin.

            Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle. Pour nous ces moments de grâce ne dure qu’un moment. Et c’est ce que nous allons vivre ensemble maintenant. Jésus va nous donner du pain et du vin. Et par son geste et sa Parole, il va nous faire passer de ce pain à son corps livré et de ce vin à son sang versé. Ce n’est pas un rite que nous allons faire, c’est un événement qui nous arrive : pendant le temps de cette eucharistie nous devenons les membres de son corps. Comme Marie, quand la messe sera dite, nous rentrerons chez nous. Mais nous aurons été pris un moment dans la puissance de vie dont Jésus-Christ nous nourrit.
C’est ainsi que nous devenons sensibles, vigilants, désirants à la force créatrice du Royaume de Dieu. C’est ainsi que ce moment de grâce n’est pas seulement un petit pas vers Dieu pour chacun de nous, mais un événement dans la création toute entière, un point d’impact, tout petit mais puissamment réel, de la force d’amour de Dieu dans l’univers.
Cet amour, cet amour seul, jamais ne passera. Et Marie, et Jésus se réjouissent de notre sortie vers le Royaume.

Jean-Pierre Duplantier
15 août 2012

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