Aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le paradis / Lc 23 35-43 / Une homélie

Par quel mystère, l'Eglise choisit ce texte de l'Evangile de Luc pour la fête du Christ roi de l'univers. Le texte de saint Paul se conçoit bien dans cet objectif. En effet quand on lit : "en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui."
Le texte de Paul embrasse l'univers, il n'oublie rien de ce qui est créé. Alors que l'Evangile se réduit à un échange entre trois personnages. Certes, cela se passe au moment de la crucifixion de Jésus, certes ce moment est important pour notre foi mais de là à voir dans Jésus le crucifié le roi de l'univers, il y a à développer un effort d'imagination certain.
Ce dimanche, recherchons ce qui justifie le choix de cet Evangile pour nous inviter à nous tourner vers Jésus et le prier en tant que Roi de l'univers.
La première référence, celle que nous pourrions trouver évidente, c'est quand Jésus dit : "aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis."
Le paradis comme tout ce qui existe est créé par Dieu. Comme le précise Paul, tout est créé dans le ciel et sur la terre. Et seul le roi des lieux peut inviter quelqu'un à y entrer. Seul le roi a ce pouvoir. Il a le pouvoir de nous inviter dans le paradis. D'ailleurs, le bon larron comme le nomme la tradition, ne demande pas dans sa prière d'entrer au paradis mais seulement que Jésus se souvienne de lui quand il sera dans son royaume. Royaume et paradis seraient-ils un seul et même lieu ? Mais cette question est une autre histoire.
Que Jésus se souvienne de lui. Que Jésus se souvienne de moi. Que Jésus se souvienne de nous. Que le Seigneur se souvienne de notre nom qui est inscrit dans la paume de sa main. Qu'il se souvienne de nous comme nous nous souvenons de notre baptême. Comme un roi qui recense son peuple, qu'il ne nous oublie pas dans sa mémoire.
Deuxième élément qui nous éclaire sur la royauté du Christ.
Le bon larron est sans conteste un brigand, un voleur ou un assassin. Il a commis un ou plusieurs crimes puisqu'il est condamné à la crucifixion. Cette peine est réservée aux pires des criminels. C'est d'ailleurs ce qui a fait hésiter Pilate, Jésus est un fauteur de troubles mais il n'a pas de sang sur les mains. La peine est disproportionnée.
Sur la croix, à l'heure de la mort, Jésus accorde son pardon à cet homme qui fait repentance, qui reconnaît ses méfaits. Comme un roi qui connaît tous les recoins de son royaume, le Christ visite les périphéries. Il n'ignore aucun endroit de son royaume, aucun lieu de la création n'échappe à sa juridiction.
Le Christ est un roi qui visite tout son royaume y compris le lieu de mes ténèbres.
Enfin dernier élément, nous pouvons être surpris du moment où tout cela se passe. Au cœur de la souffrance un malfaiteur trouve les ressources pour insulter Jésus, un autre trouve la force de le défendre, et Jésus lui les bras déjà ouverts accueille le bon larron dans son royaume.
Le malfaiteur n'est pas le seul à injurier Jésus. Avant lui, il y a les soldats qui ne s'en privent pas et avant les soldats il y a les chefs des juifs qui les premiers invitent Jésus à se sauver lui-même. Et le peuple se tient là et il observe. Il y a comme des cercles concentriques qui concentrent de plus en plus la haine jusqu'au dernier celui du malfaiteur.
Et au centre de cette haine, Jésus. Et puis il y a cet homme qui échappe à la haine et qui se distingue de la neutralité du peuple. Cet homme ne suit pas le mouvement. Il ne se laisse pas enfermé dans les cercles haineux. Il défend en quelque sorte Jésus et il invite son frère de malfaisance à sortir du cercle qui entoure Jésus de haine.
Cet homme est converti par la seule présence de Jésus, et le premier mouvement de sa conversion c'est de se tourner vers son frère pour l'aider à le sortir de sa haine. Cet homme, le bon larron, est en mission pour le Seigneur. Sa première préoccupation c'est de ramener le frère des mauvais coups vers la lumière. L'histoire ne le dit pas mais peut-être que le mauvais larron fait amende honorable.
Qui peut résister à la parole du Christ, n'entend-il pas lui aussi cette phrase : "aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis."
Jésus le Christ agit comme un roi. Il prend soin de ceux qui peuplent la création. Il nous fait grandir comme il fait grandir le bon larron. De ses sujets, il fait des disciples.
Le Christ est roi de l'univers parce qu'il est celui qui choisit son peuple. Il est roi de l'univers parce qu'aucun lieu n'échappe à sa juridiction et qu'il fait grandir son peuple.
Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »
Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Les béatitudes / homélie de la Toussaint 2019

"Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait" encore une lapalissade semble-t'il. Comment enseigner sans ouvrir la bouche ?
Mais des lapalissades, il n'y en a point dans les Évangiles. Comme le dit le père Alain Dagron, c'est dans les petits mots, les évidences que se cache souvent le souffle du texte.
Ce matin, pour ce jour de la Toussaint, je propose de chercher pourquoi Jésus ouvre la bouche pour enseigner.
"Voyant les foules, Jésus gravit la montagne" Jésus voit dans les foules. Jésus plonge son regard dans le regard de ceux qui composent les foules et soudainement, sans que cela semble préparé, Jésus décide de donner un enseignement à ses disciples.
Il s'assied et il livre à ses disciples ce qu'il a vu dans les foules. Et pour cela il ouvre la bouche. Il dit à ses disciples, il nous dit à nous ses disciples ce qu'il voit dans les foules car il ne voit pas des foules informes et anonymes.
Dans les foules, il voit des pauvres de cœur, des gens qui pleurent, des doux, des combattants pour la justice, des gens prompts à pardonner, des pacifistes et des persécutés.
Voilà ce que Jésus voit quand il plonge son regard dans celui de ceux qu'il croise. Il voit des états qui révèlent toute la diversité des êtres humains et surtout toutes leurs faiblesses. Et de ces faiblesses, il en fait une richesse, il en fait une force.
Car ce n'est pas rien d'avoir le royaume des cieux à soi, d'être consolé, d'être pardonné ou d'obtenir la justice.
Et tout cela, le Christ l'enseigne à ses disciples, il nous l'enseigne à nous ses disciples. Avons-nous cette aptitude quand nous croisons les foules ? Reconnaissons-nous dans ceux que nous croisons l'état et la faiblesse qui deviennent une force ?
Et surtout, dans toutes ces situations, Jésus voit de quoi se réjouir. Heureux ne cesse-t'il de proclamer. Heureux, non pas d'être pauvre de cœur mais à cause de cela d'avoir le royaume des cieux comme ceux qui ont été persécutés. Heureux non pas de pleurer mais parce que c'est la consolation qui vient. Heureux d'être rassasié de justice.
Heureux parce que dans chaque rencontre, Jésus y perçoit le souffle de Dieu. Voilà une des raisons pour laquelle l'évangéliste signale que Jésus ouvre la bouche pour enseigner.
Quand Jésus enseigne, l'Esprit saint enveloppe ses interlocuteurs de son souffle pour les saisir.
Et nous même ce matin sommes saisis, par ce souffle toujours présent dans ce texte. Ce souffle nous enveloppe.
C'est un peu comme une pentecôte en présence du Fils qui se produit sur la montagne. Nous ne savons pas comment les disciples reçoivent cet enseignement sur l'instant. En revanche, nous pouvons l'imaginer en mesurant l'impact de ce texte sur nous. Nous ne pouvons pas rester indifférents à ce texte des béatitudes. Il nous touche mystérieusement.
Lorsque Jésus ouvre la bouche pour livrer son enseignement c'est un peu le miracle de la genèse qui se reproduit comme quand Dieu souffle dans les narines d'Adam pour le réveiller.
Ainsi sur la montagne, Jésus souffle dans les narines de ses disciples quand il ouvre la bouche. Il réveille cette part d'humanité qui est cachée dans la chair des disciples et qui est marquée de l'image de Dieu. Cette marque fait de chacun un être humain aimé de Dieu.
Et c'est un peu ce que nous pouvons ressentir. Si ce texte des béatitudes nous prend dans son souffle, c'est parce que nous sommes baptisés et que ce souffle a déjà pénétré notre corps.
Si Jésus ouvre la bouche pour enseigner c'est que son enseignement n'est pas de nous donner une ligne de conduite. Ce n'est pas de nous apprendre à respecter des valeurs. Ce n'est pas pour nous apprendre à compter ou à hiérarchiser.
L'enseignement de Jésus c'est de toucher nos corps et de réveiller dans notre chair une nouvelle humanité qui s’épanouit dans la rencontre. Une rencontre avec l'Esprit Saint qui nous appelle à poser un regard juste sur celui que je croise, un regard qui suscite de la joie.
Ainsi, l'enseignement de Jésus n'est pas intellectuel mais charnel. Il nous enveloppe de son souffle.
Les béatitudes révèlent en nous la présence de Dieu qui fait de nous des saints. C'est ce qui me permet de souhaiter une bonne et heureuse fête à nous tous.
"Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père
pour que nous soyons appelés enfant de Dieu – Et nous le sommes. "
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.