Dimanche 23 septembre : Une homélie de JP Duplantier

« Le fils de l'homme est livré aux mains des hommes, ils le tueront et le troisième jour il se lèvera ». Les disciples ne comprennent pas et n'osent pas l'interroger.
Il y a de quoi. Dans la bouche de Jésus, cela n'a rien d'une indication prémonitoire. C'est l'affirmation d'une loi du Fils de l'homme : les hommes ne veulent pas du Fils de l'homme ; ils veulent l'éliminer. Les hommes ont un gros problème avec ce Fils de l'homme. Quelle étrange chose : les hommes refusent ce genre de descendance. Ce fils d'homme est un danger pour eux. Il est contradictoire avec ce que les hommes pensent de leur avenir.
Or cette loi du Fils de l'homme comporte une issue tout aussi inéluctable que sa mort : le troisième jour, il se lèvera, ou ressuscitera comme nous traduisons habituellement.
Je ne sais ce que vous en pensez ; mais à une époque où seule la raison décide de tout, c'est une double folie. Du côté de l'humanité, tout d'abord : il y a chez les hommes une hostilité native à l'égard de ce Fils, et du côté de Dieu, la mort n'est pas la fin : trois jours après ce Fils se lève.
Comment les disciples s'en sortent ? Ils laissent filer et parlent entre eux de qui est le plus grand.
Mais Jésus ne lâche pas le morceau. Arrivé à Capharnaüm, il s'assoit et réamorce la discussion sur l'effet de sa déclaration sur les relations entre les disciples. Rien n'est dit sur ce que les disciples se disent à propos du plus grand. Est-ce celui qui est arrivé le premier, ou qui est le mieux formé, ou le plus croyant, ou le plus aimé de Jésus ? Ou encore quelque chose que l'un d'entre eux aurait de plus que les autres. Aucune information là-dessus. Jésus passe du plus grand à celui qui veut être le premier. Or dans la loi du Fils de l'homme, le premier c'est le dernier de tous et le serviteur de tous. Le premier est celui qui se réfère à tous, comme dernier et serviteur. Il ne se compare aux autres, il se règle sur ce qu'il peut apporter à tous. C'est le chemin de tous qui lui importe, pas le sien.
Et il précise par une parabole en acte : il place un enfant au milieu d'eux et déclare que c'est l'accueil de cet enfant en son nom, qui est l'accueil de Jésus et de Celui qui l'a envoyé. Qu'est-ce qu'accueillir un enfant au nom de Jésus ? J'entends ceci : c'est accueillir un petit d'homme dans la parenté de Jésus et de son Père qui l'envoie. Ce n'est pas accueillir un enfant pour en faire un enfant selon la loi de la famille, ou de sa société ou du monde. Cela s'est déjà le livrer aux mains des hommes. Mais c'est l'accueillir comme un fils en lequel va s'accomplir l'acte créateur de Dieu ; c'est se réjouir qu'il soit aimé par Dieu et de ce que cet amour gratuit total va susciter en lui son chemin singulier, sa vérité, sa vie. C'est s'émerveiller de ce qu'il va développer toutes ses potentialités, toute sa liberté dans la lumière de Dieu. Pour celui-là, trois jours après sa mort, il se lèvera comme un soleil levant dans la maison du Père.
Comme le dit Jacques dans sa lettre : toute autre perspective offerte à un enfant laisse le champ libre à la jalousie, aux rivalités, aux conflits d'intérêts, aux guerres, parce que toutes les richesses qu'il demande n'ont d'autre horizon que de tout dépenser dans ses propres plaisirs.
Cette affirmation de Jacques me semble éclairer la situation dans laquelle nous nous trouvons. En effet, les hommes ne sont pas à classer entre deux populations antagonistes, à savoir ceux qui ont la haine de Dieu et ceux qui aiment Dieu. Nous ne sommes pas prédestinés à camper soit dans un camp, soit dans l'autre, comme semblent le revendiquer les intégristes. En réalité, nous sommes tous pris dans un tissu de contradictions. La forme la plus globale de cette contradiction interne à l'aventure humaine consiste à tenir en même temps « tout dépenser dans nos propres plaisirs » et « désirer être aimé par un autre que soi-même ». Or dépasser cette contradiction en nous et chez les autres est hors de notre portée. Mais ce qui est impossible à l'homme, Dieu le fait. C'est son acte créateur. Être le dernier de tous et le serviteur de tous est la posture de celui qui est accepte cette contradiction en lui-même et chez les autres : c'est le premier effet de la grâce.
Pour les disciples de Jésus-Christ, il y a d'ailleurs une contradiction majeure que nous ne pouvons surmonter : Jésus est vrai homme et vrai Dieu. Qui peut nous conduire par la main vers l'unité impensable de l'unité de ces deux réalités opposées, sinon Celui qui en envoyé Jésus, le chemin, la vérité, la vie.
Croire en Jésus c'est marcher vers cet espace où toutes nos contradictions s'effaceront, comme le Christ en fait la prière la veille de sa passions : qu'ils soient un, comme moi et mon Père sommes un. Ce jour-là, le troisième jour, tous les fils d'homme se lèveront dans la lumière de Dieu. Ce jour-là, nos contradictions les plus massives seront comme les fleurs des champs, belles et fragiles pendant un temps, puis disparaissant un soir, laissant la place pour l'éternité à ce que l'amour de Dieu aura fait de nous, des fils qui portent sa ressemblance.

Jean-Pierre Duplantier
23 septembre 2012
26° Dimanche du Temps Ordinaire

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