La Pentecôte dans le souffle de l'acte créateur de Dieu / Une homélie de JP Duplantier

Les apôtres se tenaient ensemble dans la maison. C’est ce qui leur restait de plus tangible de leur aventure avec Jésus, qui était mort maintenant, et ressuscité bien sûr, mais devenu insaisissable. Il leur restait de se tenir ensemble en son nom.
Et voici qu’un bruit, un son, quelque chose qui frappe l’oreille emplit la maison et çà fait un violent coup de vent... comme une présence impalpable mais concrète qui vient balayer toutes leurs idées, leurs émotions, leurs peurs, leurs projets... Et çà atteint aussi leurs yeux : des langues comme du feu sur chacun !...
Pas un discours avec des phrases à expliquer, des mots qui font images. Non ! une voix qui vous bouleverse, vous prend tout entier, rien que le son de sa voix, rien qu’une langue de feu !
 
Or cette chose leur est arrivée après la disparition de Jésus, après qu’ils aient commencé à réaliser qu’ils ne le connaissaient pas vraiment. Qu’il était beaucoup plus grand qu’ils se l’étaient représenté, même s’il leur avait fait, des mois durant, une forte impression. Cette Pentecôte-là leur est arrivée après qu’ils aient commencé à comprendre que leurs liens avec Jésus dépassaient infiniment la chaleur d’une bande d’amis pleins d’espoir et de vigueur. Lorsqu’ils ont commencé à entendre que la langue de Jésus leur était largement inconnue, qu’il y avait le feu au théâtre de leur vie, maintenant.
Çà faisait des millénaires que cet Esprit saint planait sur les eaux et qu’il attendait de se poser chez nous. Le grand souffle au commencement, la Parole au commencement, l’acte créateur en marche, la grande force de la douceur divine, l’immense sagesse de l’œuvre de Dieu. Pas le big bang du commencement selon la science, pas la raison humaine comme seul guide de l’aventure humaine, mais la voix de l’origine de notre aventure d’hommes créés à sa ressemblance, façonnés par sa Parole.
Sur les bords du Jourdain, l’Esprit s’est posé sur Jésus, comme la colombe sortie de l’arche de Noé, et qui attendait un corps d’homme pour y faire sa demeure. Et la Voix a troué le ciel : Tu es mon fils bien aimé. Ce qui parlait ainsi dés l’origine, se révélait maintenant comme l’horizon, le port d’attache, l’unique destination, le royaume pour lequel nous avons été faits.
Les apôtres, ces hommes qui attendaient dans la maison, la peur au ventre, avaient entendu déjà cette voix, comme leurs pères au Sinaï. La Loi qui leur avait été donnée les conduisaint par la main, chaque jour, dans toutes les circonstances de leurs vies singulières. Mais vooici, qu’aujourd’hui cette voix, ce don premier de la vie divine, n’était plus seulement dans les Ecritures ; elle avait pris chair en la personne de Jésus le Christ. Et de Lui et de son Père ce don initial se répandait sur chacun d’eux, avant même que çà devienne un projet, une construction, un engagement. C’était l’origine qui les rattrapait enfin, c’était leur vérité qui se réveillait en eux.
Alors ils se sont mis à parler et tous ceux qui étaient là entendaient les merveilles de Dieu, chacun dans sa propre langue, parce que ce n’était pas seulement des discours, ni même des témoignages, ni mêmes des sacrifices, pas encore. C’était l’Esprit de Dieu qui les traversait, c’était la puissante douceur divine qui jaillissait du plus profond d’eux-mêmes. Et çà resituait leurs vies singulières, leurs désirs, leurs ratages, leurs maladies, leurs passions, leurs taches quotidiennes et l’avenir de leurs enfants, dans le fleuve de la vie selon l’acte créateur de Dieu. Le cours des choses en était tout bouleversé, chahuté, réorienté en direction de la vie éternelle.
 
Voilà ce qui leur est arrivé. Voilà ce qui nous est offert aujourd’hui, qui que nous soyons, quel que soit l’état où nous nous trouvons. Voilà ce qu’il en est de la vérité de notre maintenant : l’œuvre de Dieu s’avance fidèlement, imperturbablement.
Car vous aussi, comme moi, et comme une multitude de personnes, nous avons entendu à tel ou tel moment de notre existence cette voix se posait près de nous, sur nous. Bien sur c’était juste un instant, vite oublié, souvent refoulé. Bien sur ce ne fut qu’un petit coin lumineux de notre jardin secret. Et nous n’osons pas nous en souvenir. Ce n’était peut-être que des émotions d’enfants ou des compensations fugitives dans des moments troublés de notre existence. Et nous n’osons pas nous le raconter, parce que rien n’est moins sur. Rien de ces éclairs de présence n’est explicable, démontrable, sérieux en somme. Certains pensent même que c’est purement psychologique ou encore de vieux restes de pensée archaïque.
C’est pourtant cela que nous célébrons aujourd’hui : la visite de l’Esprit de Dieu chez les hommes dans le sillage de la venue de Jésus parmi nous.
 
Aujourd’hui, respectons ce qui nous a été donné. Dans nos moments de bonheur comme dans nos situations tragiques, il n’y a pas que l’exaltation ou la chute des images que nous avons construites de nous, des autres, et même de Dieu. Il n’y a pas que les habitudes de notre environnement, fussent-elles la pensée dominante de tout un pays. Et il n’est pas bon que ces images soient les seules à peser sur nos décisions. Et il n’est pas juste que ces habitudes décident des actes essentiels de notre vie. Il y a aussi le don de Dieu, sa parole au commencement : Il nous a aimé, Il nous aime, Il nous aimera !
Cela vaut pour bien des situations inattendues dans la famille, dans le travail, dans la place que chacun a à prendre dans la société. Il ne sert à rien de vouloir écarter soit les pesanteurs de nos mondes imaginaires, soit la force des constructions collectives, soit l’acte de Dieu qui parle et qui fait. Les trois sont là. Pour moi comme pour vous, au jour le jour, l’Esprit nous donne de faire avec.
Saint Paul ose écrire que nous sommes devenus des justes. N’allez pas croire qu’un juste est quelqu’un qui fait tout de bien. Quelqu’un qui réussit, lui aussi, mais dans le Bien. Non le juste n’est pas un extraterrestre, c’est quelqu’un qui remet en scène le don de Dieu jour après jour au beau milieu des habitudes de notre environnement et des poussées souvent inconscientes de nos aventures singulières. La justice n’est pas l’application mécanique de la Loi, ni le courage stoïque d’une conviction religieuse, ni la musculature idéologique permettant de tout faire tenir sur une hiérarchie des valeurs, dont la science tient le haut de l’échelle. La justice c’est le parcours des hommes qui acceptent de tenir compte du don de la vie divine dans le cours des constructions humaines. Le juste est celui qui laisse venir la Parole de Dieu au vif de sa vie. Le juste vit de la foi. Il vit à hauteur d’homme dans la mouvance de l’Esprit saint.
On n’entre pas dans l’Eglise du Seigneur, comme on entre dans une association ou dans un mouvement. On n’y entre pas selon l’objet visé, l’objectif à atteindre, le projet à promouvoir, une tache à accomplir. Car les pensées du Seigneur ne sont pas les nôtres, et nous ne savons pas ce qu’est le Royaume de Dieu, sinon que Jésus nous en parle. On y entre parce qu’il a parlé, Lui, le premier, et qu’on lui répond, chacun de façon singulière. Tout le reste vient de surcroît.
Si Jésus prie le père pour nous afin qu’il nous envoie un Défenseur, contre qui et contre quoi vient-il donc nous défendre ? Qui nous menace ? J’ai reçu de mes pères que notre adversaire c’est l’oubli de Lui ; c’est l’oubli que beaucoup de nos décisions sont commandées par des constructions faites de mains d’hommes ; c’est l’oubli que beaucoup de choses que nous faisons ensemble nous les faisons sans Lui.
« L’esprit saint que le Père enverra en mon nom, dit Jésus, vous enseignera tout et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Çà me fait du bien d’entendre cela et je vous en souhaite autant, jusqu'à ce que nous ayons envie de dire du bien de nous, des autres et de ce qui nous vient de la part de Dieu.
Jean-Pierre DUPLANTIER