Christ Roi de l'Univers / Jn18 33-37 / Une homélie

La fête du Christ Roi est très récente dans l’Église. C'est une fête de circonstance; Elle a été instituée par le le Pape Pie XI en 1925 pour réagir tout à la fois contre le laïcisme moderne qui reléguait l’Église dans les sacristies et contre le cléricalisme d'hier qui refusait au monde son autonomie par rapport à la foi.
A cette époque aussi les chrétiens étaient impressionnés par la montée de puissances destructrices, les grands totalitarismes, et des idéologies mortifères à leurs yeux comme le nazisme qui pointe ou le marxisme.
C'est St Jean-Paul II qui a placé cette fête au dernier dimanche de chaque année liturgique.

Mais le thème d'une royauté divine n'a pas attendu le 20es. Il traverse toute l’histoire du peuple de Dieu.
Dans la première lecture nous entendons le prophète Daniel prédire le pouvoir d'un personnage mystérieux placé entre ciel et terre pour une domination éternelle;
Dans l’Apocalypse Jean vise de façon évidente Jésus , le premier né d'entre les morts, le prince des rois de la terre,… le souverain de l'Univers.
Le titre donné à Jésus de Roi de l'Univers le place résolument du côté du créateur et de la création. Et puis on donnera à Jésus le titre de Messie c’est à dire « Celui qui a reçu l'onction » ( les rois de la terre recevaient aussi une onction)

Jésus n'a jamais revendiqué ou accepté le titre de Roi comme le témoigne ses réponses lors de sa comparution devant Pilate ( Evangile de ce jour) alors qu'il parle de son Royaume qui n'est pas de ce monde.
Généralement la figure du Roi est faite de de puissance et d'autorité.
Or la,puissance de Dieu s'exerce à travers Jésus par la faiblesse et l'humilité.

Le roi que nous fêtons a pris chair dans une étable « couché dans une une mangeoire ».
Si un jour Jésus a revêtu des attributs royaux sa couronne fut d'épine, son manteau : celui de la haine et du péché des hommes, son trône sur terre : la croix, son programme : le double commandement de l'amour et du don total, son triomphe : sa victoire sur la mort et le mal. Finalement c'est tout le mystère pascal qui se déploie dans sa royauté.

Aujourd'hui cependant, dans le monde que l'on dit déchristianisé, dans notre république laïque, où l’ Eglise secouée par des scandales, est vue avec sa hiérarchie et son décorum ( parfois royal) comme une institution moyenâgeuse, malgré le récent concile,comment évoquer le Christ Roi de l'univers ?

Cela paraît paraît décalé et incongru.
Alors devons nous raser les murs, rougir devant cette évocation. ?

Une petite phrase dans l extrait de l'Apocalypse ouvre un chemin : « Il a fait de nous un Royaume » et si nous avions pu lire le prophète Daniel un peu plus loin nous aurions entendu «Ceux qui recevront le Royaume sont les saints du Très Haut et ils posséderont le Royaume pour l'éternité. »
C'est bien la promesse qui nous est faite à notre baptême, ce sacrement qui nous fait pour l'éternité, prêtre, prophète et roi.
Jésus de Nazareth n' est pas un Messie individuel. Il partage sa royauté avec son peuple et notre vie de baptisé prend son sens dans cette révélation que nous faisons partie du Corps du Christ « Nous sommes les membres du Corps dont le Christ est la tête. » et que de ce fait nous appartenons à la vérité . »
C'est quoi la vérité ? » demande Pilate..
Il ne s agit pas d'une vérité scientifique, historique ou mondaine.
Il ne s'agit pas de considérer seulement le visible, le démontrable. Nous appartenons à DIEU lui-même qui se révèle en Jésus dans le mystère de son incarnation et de sa résurrection, Nous appartenons à cette vérité

« Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » Jésus ne dit pas « écoute mon discours, mes paroles mes arguments » mais ma voix. Nous sommes dans l'ordre de ce qui résonne non pas à mon intelligence mais à mon coeur, à mon corps, à mon être.

Vive le roi que l'Eglise nous donne à contempler pour une adhésion profonde, un mouvement de tout notre être pour mettre le Christ au centre de notre vie, au centre de nos engagements et de nos relation, au centre de notre vision pastorale.
Voilà un des sens de la fête du Christ Roi de l'univers; La fête du Christ Roi est aussi un appel à l'espérance. Non Le monde ne va pas à sa perte Il y a quelqu’un au gouvernail.
Le péché n'est pas une fatalité

Le monde est mené par la puissance de l'amour et de la miséricorde de Dieu accomplis dans le mystère de la puissance de la résurrection du Christ ; Si St Jean-Paul II a placé cette fête juste avant que nous marchions vers Noël un peu comme un phare qui éclaire le chemin vers Noël, c’est peut-être pour que nous avancions vers la Nativité dans cet esprit pascal ?
Noël serait inutile sans Pâques ;

En méditant pour préparer cette homélie il m'est venu l'hymne aux Philippiens (samedi aux Vêpres) : « Le Christ Jésus ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu, mais il s'est anéanti prenant la condition de serviteur »
...devenant obéïssant jusqu'à la mort et la mort de la croix.
C'est pourquoi Dieu l'exalté , il l'a doté du nom qui est au dessus de tout nom
Souligné le C'EST POURQUOI

Si Dieu a exalté Jésus et l'a doté du nom qui est au dessus de tout nom c'est parce qu'il s’est anéanti prenant la condition de serviteur.
Pour notre part nous ne pouvons être associé à la royauté du Christ que si nous nous nous faisons nous même serviteur.
Nous ne pouvons pas rester indifférent ou tiède devant une vérité et un don aussi radicaux.
Que chacun discerne comment il est serviteur... et pas seulement dans l'Eglise
Et l’hymne aux Philippiens poursuit :
« Afin qu'au nom de Jésus tout genoux fléchisse, au ciel, sur terre et aux enfers »
Oui que nos genoux fléchissent devant le Christ Roi de l'univers
Mais que nos genoux ne restent pas à terre.


Amen
Robert Z.

On verra le Fils de l'homme / Mc 13 24-32 / Une homélie

"Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire."
Qu'est-ce que c'est que cette histoire de fils de l'homme qui arriverait en chevauchant les nuages avec une posture de conquérant accompagné de trompette ?
Elle est troublante cette image qui s'inscrit au fond de notre rétine. Surtout que les termes employés sortent de la bouche même de Jésus.
Il y a déjà un contraste entre le terme de "fils de l'homme" et le fait de venir dans les nuées avec puissance et gloire. Déjà, on entendrait mieux si c'était le Fils de Dieu qui viendrait dans les nuées avec grande puissance et grande gloire. Ça collerait mieux avec les mythologies entendues dans notre enfance.
Je voudrais à ce stade de notre méditation partager avec vous une expérience. Il n'y a pas si longtemps, je prenais souvent l'avion pour aller à Paris, au moins une fois par semaine. Je ne sais pas pourquoi mais chaque fois qu'on se préparait à atterrir, je scrutais le sol pour voir à quel moment, je percevrais des mouvements humains au sol. Et chaque fois, je me disais que si Dieu est parmi nous, il ne doit pas planer bien haut dans le ciel. Car en vol de croisière, on ne perçoit de la vie que ce qui a été modelé par l'homme. On voit des champs, des bâtiments, des routes, des ponts mais l'homme est bien trop petit pour le discerner, apercevoir. Et c'est quand l'avion s'approche près du sol qu'on perçoit la vie.
Alors, je ne sais pas ce que c'est que la nuée dont parle le texte mais je doute qu'il parle du ciel tel qu'on le voit en levant le nez.
Et ce terme de Fils de l'homme que cela évoque-t'il en nous ? Ce terme aussi casse la vision parfois mythologique qu'on peut avoir du Fils de Dieu.
Le Fils de l'homme, c'est le pauvre, le faible, celui dont on se moque, celui sur lequel on crache, celui qu'on insulte, celui qu'on torture, celui qu'on abandonne, celui qu'on dédaigne, qu'on ignore, celui qui ne mérite pas un regard.
Qui oserait ces mêmes comportements avec le Fils de Dieu ? Qui oserait, en conscience, insulter, cracher, torturer, crucifier le Fils de Dieu ?
Et alors, on relit encore une fois le début de l'Evangile, à la lumière de notre méditation : "Alors on verra le pauvre, le faible venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire." Quel contraste, entre le pauvre, le faible et la grande puissance et la gloire !
Mais ce contraste, le secours catholique et toutes les associations caritatives vous invitent à l'expérimenter.
Venez accueillir les migrants, les sans-papiers, les indigents et vous découvrirez la puissance vitale qui les anime. Combien la volonté de sortir de leur condition est chevillée à leur corps.
Imaginons la force d'humilité nécessaire pour tendre la main et malgré cela rester digne. Être digne comme un Fils d'homme, debout, le regard droit mais doux comme celui des béatitudes.
La première valeur que défend le secours catholique, c'est le respect de la dignité de la personne humaine.
Le respect de la dignité de la personne humaine, c'est regarder tout homme avec respect, c'est l'accueillir avec respect, c'est l'aider avec respect parce que c'est ce à quoi tous les êtres humains sont appelés.
Tous les humains sont marqués de la ressemblance de Dieu. Tous les fils d'hommes sont marqués de la ressemblance de Dieu. Le Fils de l'homme, quant à lui, est marqué de l'image du Père.
Et dans tout cela, dans ces histoires de filiations, les fils d'hommes trouvent les ressources pour vivre, pour les uns il s'agit d'implorer en tendant la main, pour les autres, de prendre les mains tendues dans leurs mains.
Quand les fils des hommes agissent selon ce que leur inspire le Fils de l'homme, véritablement, ils participent au royaume des cieux, aussi bien les pauvres qui crient que les fils d'hommes qui sont touchés par les cris.
Et tous les fils d'hommes se trouvent un jour dans la situation de tendre la main et un autre jour dans la situation de prendre la main.
Et tout homme sait qu'il verra un jour le soleil s'obscurcir. Tout homme verra ce qui l'entoure se transformer en brume. Tout homme verra la lune pâlir. Tout homme verra le monde qui l'entoure s'effondrer. Alors la part en lui qui appartient à Dieu, cette part qui est marquée à la ressemblance de Dieu, verra le pauvre, le faible venir dans cette nuée avec grande puissance et avec gloire pour le relever.
Le Fils de l'homme rassemblera, des quatre coins du monde de l'homme, ce qui vaut le coup, ce qui mérite d'entrer dans la gloire.
Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Le premier commandement / Mc 12 28b-34/ Une homélie

(...)
Jésus se saisit de cette loi ancienne, pour jongler avec, pour souder ensemble des morceaux qui se trouvaient loin l’un de l’autre.
Jésus qui est le Verbe de Dieu, qui est la Parole de Dieu, est seul capable de faire ce travail de « re-montage », de « couper-coller »…
Il est seul capable de faire de l’écriture une parole, de faire de la lettre une voix qui s’entende…
car le premier mot de ce « premier plus grand commandement » est lui-même un commandement…
le premier mot qui sonne à nos oreilles et dont dépend toute la suite : « Ecoute »

« Ecoute »
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton Esprit et de toute ta force »
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Reste qu’il nous faut maintenant assumer cette loi « remodelée » par Jésus.
Il ne vient pas dire au scribe que la loi est une vieille chose dépassée, que désormais la seule chose qui compte c’est d’être gentil avec son voisin, compatissant avec les pauvres, et engagé dans son église !
Il ne vient pas nous dire : « cette affaire de loi est une affaire de scribe qui ne nous concerne plus, nous, hommes et femmes modernes, pétris de droits de l’Homme et de bons sentiments »…
Non, la loi demeure, cette triple loi nouvelle et ancienne à la fois.
« Aimer Dieu, son prochain et soi-même »

▪ Qu’est-ce que c’est « Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute sa force » ?
▪ Qui pour aimer Dieu de cette manière ?
▪ Qui peut dire « j’aime Dieu de tout mon cœur (c’est à dire que pas une part de mon cœur n’est occupée à autre chose), de toute mon âme, mon esprit et ma force (c’est à dire que pas une part de mon âme, de mon esprit et de ma force n’est occupée à autre chose) »… ?
Pour pouvoir aimer Dieu ainsi, il faudrait connaître l’objet de son amour….
▪ Qui connaît Dieu pour l’aimer ainsi ?
Pour l’homme, c’est impossible.

C’est probablement pour ça que Jésus vient coller le second commandement
Aimer son prochain comme soi-même
ici, nous sommes moins perdus… ce n’est pas plus simple, mais au moins, nous avons un repère à notre portée : nous-même.

(...)
Alors, j’aimerais pour finir vous lire un petit texte de Marie Noël.

Voici ce qu’elle écrit dans son journal. Que ce soit notre prière de ce matin :

« Mon Dieu, je ne vous aime pas, je ne le désire même pas, je m’ennuie avec vous. Peut-être même que je ne crois pas en vous.
Mais regardez-moi en passant.
Abritez-vous un moment dans mon âme, mettez-la en ordre d’un souffle, sans en avoir l’air, sans rien me dire.
Si vous avez envie que je croie en Vous, apportez-moi la foi. Si vous avez envie que je vous aime, apportez-moi l’amour. Moi, je n’en ai pas et je n’y peut rien. Je vous donne ce que j’ai : ma faiblesse, ma douleur. Et cette tendresse qui me tourmente et que vous voyez bien… Et ce désespoir… et cette honte affolée…
Mon mal, rien que mon mal
C’est tout !
Et mon espérance ! »*
╬ Amen
Sylvain Diacre
*Marie Noël Notes intimes. Stock 1959 p.41