Il s’en alla et se lava ; quand il revint, il voyait / Jean 9 / Une homélie

Alors comment tes yeux se sont-ils ouverts ?


Décidément le sort s'acharne sur cet homme. Il est né aveugle et quand il retrouve la vue, il est harcelé, c'est tout juste si on ne lui reproche pas sa guérison.
Imaginons dans quelles dispositions se trouve cet homme après sa guérison.
Ces yeux s'ouvrent sur la lumière, il découvre les couleurs, il découvre les visages de ceux qu'il aime, il perçoit des détails dont il n'avait pas idée. Cet homme découvre le monde avec un œil neuf, l'expression n'a jamais été plus appropriée. Il aurait tant de choses à nous dire sur ce qui le surprend, nous qui avons le regard blasé la plupart du temps, nous qui recherchons le sensationnel pour nourrir notre émotivité.
Ce qu'il voit c'est un monde suffisant qui sait.

Il n'a pas de temps à consacrer à dévorer des yeux la beauté qui l'entoure. Il est aussitôt convoqué à se justifier. "On lui demandait: alors comment tes yeux se sont-ils ouverts ?" Il ne peut dire que ce qu'il sait : "L'homme qu'on appelle Jésus a fait de la boue, il me l'a appliquée sur les yeux et il m'a dit va à Siloé et lave toi." Il ne sait même pas que Jésus a mêlé de sa salive avec de la terre pour faire de la boue, il ne l'a pas vu !
Il ne sait quasiment rien de Jésus hormis son nom. Alors, il semble répéter inlassablement le peu qu'il sait. Mais son propos ne satisfait pas. Il ne peut pas satisfaire les pharisiens car ils sont enfermés dans un paradoxe.
Le paradoxe peut se résumer ainsi : Rendre la vue à un aveugle est pour eux forcément une œuvre de Dieu. Car rendre la vue aux aveugles c'est une des prophéties du grand prophète Isaïe. Or il n'y a pas la possibilité d'accomplir l'œuvre de Dieu en trahissant le sabbat. Ceci est un commandement reçu de Moise. Les voilà devant un dilemme.
C'est aussi l'explication de la réponse de l'homme qui a retrouvé la vue. Pour lui Jésus est un prophète parce qu'il bénéficie d'une des annonces d'Isaïe.

Le parcours de cet homme dans ce texte est surprenant de vérité tant il se rapproche d'un chemin de catéchumène, du chemin de quelqu'un touché par la foi au hasard et qui cherche.
Cet homme est guéri comme si Jésus faisait une expérience ou une démonstration pour ses disciples qui l'interrogent. Jésus ne montre aucune empathie particulière vis-à-vis de cet homme qui est, comme je le disais, une sorte d'objet d'expérience, de démonstration.
C'est comme si ce qui se passe est à son corps défendant.

Il reçoit une onction du Christ lui-même. Celui-ci mêle la terre, symbole du monde, à sa salive, symbole de sa parole qui fait vivre et en oint l'aveugle. Jésus se révèle à cet homme avant même que l'aveugle-né ait exprimé une demande. C'est ainsi que se le vit le baptême. Nous sommes plongés dans les ténèbres et nous sommes sortis de l'eau, les yeux ouverts sur la lumière. Nous ne savons pas ce qui se passe, nous ne pouvons que décrire les gestes et les paroles. Nous ne pouvons décrire que des gestes et des paroles qui nous sont rapportés par nos parents parce que pour la plupart nous étions bébé lors de notre baptême.
Cet homme est interrogé un peu comme le sont les étudiants que je rencontre à l'aunônerie. Pensez-vous, il y a quelques soixante mille étudiants à Bordeaux et une petite centaine fréquente l'aumônerie étudiante. Inutile de dire, qu'ils éveillent la curiosité chez leurs camarades. Ils me disent souvent qu'ils sont questionnés sur leur foi et ils avouent souvent ne pas savoir quoi répondre.
Quand on nous demande : "qu'est-ce qui fait que tu es chrétien ?" Quoi répondre d'autre que le simple fait que nous avons été baptisés ? Que c'est inscrit en nous la foi dans un Dieu qui se fait homme pour mieux nous aimer ?

Le parcours de cet homme ne s'achève pas sans qu'il rencontre Jésus et plus précisément, sans que Jésus ne le rejoigne. Et l'ancien aveugle est touché au plus profond et reconnaît celui qui le sauve.

Jésus aujourd'hui vient à notre rencontre. Il nous rassemble aujourd'hui autour de son autel. Il vient encore inlassablement nous ouvrir les yeux à sa lumière. Le christ vient renouveler l'onction dont il nous a oints lors de notre baptême. Soyons dans l'accueil de sa parole, de sa présence révélée dans son corps et son sang. Soyons dans l'attente de sa rencontre, tournons-nous vers sa lumière.

Seigneur, pendant ce carême, donne-nous d'accepter notre aveuglement, pour nous ouvrir à ton pardon.
Seigneur, pendant ce carême, donne-nous la force de témoigner de ta lumière seulement en disant la joie de te rencontrer.
Seigneur, pendant ce carême, renouvelle en nous la force de notre baptême. 

Amen !
Dominique Bourgoin,diacre.

La transfiguration / Matthieu 17 / Une homélie

La transfiguration, c'est d'abord une histoire de lumière : 
"son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière".
Puis voilà qu'une nuée lumineuse prend les disciples sous son ombre.
(...)
Comment se fait-il que cette scène ne remplisse pas les disciples de terreur, ou au moins d'un peu de retenue ?
Mais la nuée lumineuse les prend sous son ombre et la voix retentit. 
C'est alors seulement, au son de la voix, que les disciples tombent face contre terre et sont saisis d'une grande crainte.
Il y a donc quelque chose pour les yeux et quelque chose pour les oreilles.
Et l'Evangile pointe ce avec quoi nous nous débattons en permanence dans notre foi : le voir et l'entendre.
Il y a d'abord le spectacle éblouissant de la gloire de Jésus.
Pas de mots pour le décrire, mais ce spectacle nous attire, nous voudrions voir.
Il y a du côté des yeux une part de jouissance qui, comme pour Pierre, nous fascine, nous invite à nous fixer, nous figer dans l'image.
Nous envions les disciples spectateurs de cette vision, mais cette vision se dérobe, elle n'est pas un lieu où demeurer.
Au moment du plus spectaculaire, il n'y a plus rien à voir ! 
Il n'y a rien à voir, il y a à entendre : 
"Ecoutez-le" conclue la voix. "Ecoutez-le", comme un commandement
La voix qui le désigne comme fils bien-aimé nous interdit de le contempler, elle le soustrait à la jouissance de nos regards, elle demande l'écoute.
Elle ferme les yeux, face contre terre, mais elle ouvre les oreilles.
On nous demande de demeurer dans la Parole, pas dans l'image.
Comme Marie la sœur de Marthe au pieds de Jésus, comme Abraham dans la première lecture, qui change sa vie à l'oreille, parce qu'il entend la voix qui lui dit "quitte ton pays et va".
(...)
Dans notre chemin vers le matin de Pâques, souvenons-nous de cette nuée lumineuse qui fait de l'ombre car bientôt ce qu'il y aura à voir va nous scandaliser, dans quelques semaines, au soir du vendredi saint : c'est un Christ crucifié, défiguré, souillé, sombrant dans la nuit qu'il nous sera donné de contempler.
Thérèse de Lisieux écrit : "Vivre d'amour, ce n'est pas sur la terre, planter sa tente au sommet du Thabor, avec Jésus, c'est gravir le calvaire, c'est regarder la croix comme un trésor".
- Devant la croix misérable du vendredi saint, souvenons-nous que s'y manifeste pour nous la plus haute gloire du Fils. Et que nous n'aurons rien d'autre à contempler.
- Pierre Jacques et jean seront les seuls témoins de la gloire et de la croix, parce que la gloire et la croix, c'est la même chose !
- La résurrection se fait sans témoin, dans le creux du rocher...
Rien pour les yeux dans la résurrection...
Mais nos oreilles ont de quoi faire, et ce sont elles qu'il réclame...

Le Fils de l'homme s'avance vers la croix pour ressusciter d'entre les morts.
Ne nous trompons pas de trésor, n'espérons pas de spectacle...
Mais que nos oreilles se réjouissent

Écoutons-le

╬ Amen
Sylvain, diacre


Homélie du dimanche,
"Pour les enfants"
(...) On me dit que, parmi vous, il y en a qui s'ennuient à la messe ...
Alors, d'abord, je vous dis tout de suite que ça arrive à tout le monde, que les gens qui ne se sont jamais ennuyés à la messe, ils ne sont pas nombreux.
Ensuite, je vous dirai que ce n'est pas très grave... qu'on a le droit de s'ennuyer à la messe, mais que ce n'est pas une raison pour ne pas y aller!
Parce qu'on n'y vient pas pour nous, mais pour Jésus qui nous y invite, ce n'est pas notre plaisir que l'on vient chercher à la messe, mais le sien à Lui !
Je vous dis tout ça parce que je crois que dans ce texte de la transfiguration, il y a peut-être une piste pour moins s'ennuyer à la messe.
La messe, ce n'est pas un spectacle...
Il y a de la musique, mais elle n'est pas toujours merveilleuse ! il y a des types habillés bizarrement, sur une estrade qui ressemble à une scène, mais on peut pas dire qu'ils soient très beaux, ni très intéressants, ni qu'ils fassent des cascades très impressionnantes...
La messe, ce n'est pas un spectacle...
Si on vient pour assister à un spectacle pour réjouir nos yeux, comme on va à un concert ou au cinéma, là, c'est certain, on sera déçu...
Pourtant, il y a bien des choses à voir, mais elles sont toutes petites : des bougies, des fleurs, des morceaux de pain, des coupes de vin, des types habillés en blanc qui font des gestes, et chaque geste est important, et chaque geste veut dire quelque chose....
Et puis surtout, il y a vous.
Ce n'est pas un spectacle parce que ce sont les gens rassemblés qui sont les acteurs de la messe... tous... personne n'est en dehors.
Nous, ici nous ne sommes que les serviteurs de votre action à vous...
ce qui compte, c'est ce que nos oreilles entendent.
Ce sont nos oreilles qui apprennent à nos yeux la vérité et la beauté de ce qui se passe.
Que Jésus se mette à briller comme le soleil, c'est bien beau, mais Dieu ferme les yeux des disciples pour leur ouvrir les oreilles.
Il faut se méfier de ce que nos yeux voient et de ce qu'ils voudraient voir.
(...)
La messe, pour ne pas s'y ennuyer, il faut y venir souvent, parce qu'on est dur de la feuille et que nos yeux ont du mal à voir en vérité ce qui s'y passe.
Nous ne faisons pas du spectacle, si nous voulions en faire, nous mentirions.
Dieu ne veut pas que nous soyons fascinés par une image, mais que nous soyons ouverts à sa Parole.
Sylvain diacre
╬ Amen