Si le Seigneur nous appelle à revenir à Lui,
c’est que nous étions partis. Et si nous sommes partis, c’est qu’avant nous
étions avec Lui. Depuis quand nous sommes pris dans cette histoire ?
Depuis le commencement. Depuis que Dieu a dit : Faisons l’homme à notre
image et à notre ressemblance… et pas seulement une espèce d’animal parmi
d’autres, plus évolué parce qu’il pense.
L’acte premier de cette soif de Dieu pour les
hommes fut de nous parler. Cet amour premier inscrit au plus profond de
l’homme, au plus secret de sa chair, l’énergie de cette tendresse de Dieu.
Chaque homme peut être lié à la valeur des objets qu’il acquiert, et à la place
qu’il cherche à tenir au milieu des autres,
mais il est d’abord lié à la parole que Dieu lui adresse. La dynamique
native de la condition humaine est la soif que Dieu a pour nous.
Mais
pourquoi nous faut-il alors entrer dans le carême par l’imposition des cendres
et la parole qui va avec : « souviens-toi que tu es poussière et
que tu retourneras à la poussière » ?
L’amour ne s’explique pas. Il nous arrive et
nous transforme. Jésus-Christ est le chemin, la vérité et la vie de la soif de
Dieu pour les hommes. Jésus est venu dans le monde et il est allé vers son
Père. Son parcours, si l’on peut dire, commence avant sa venue sur terre et va
au-delà de ce que nous pouvons nous représenter. Il est venu dans le monde, il
est passé parmi nous en faisant le bien, il est mort et il est ressuscité. Il
est, dans l’histoire des hommes, l’éruption volcanique du propos amoureux de
Dieu de faire de nous ses enfants.
L’écouter, croire en Lui et le suivre, c’est
vivre dans le monde, dans le temps et les conditions historiques qui nous sont
fixées, comme engendrement des fils de Dieu, à son image et à sa ressemblance.
C’est pourquoi il nous est rappelé au début
du carême que le temps de la vie que nous connaissons est limité : nous
avons été tirés de la terre et nous y retournons. Il en est ainsi parce que ce
temps est celui de la germination de la terre : la vie de l’homme est
celle que Dieu a semé ; elle y pousse, que nous veillions ou que nous
dormions ; elle porte l’épi puis le grain. Et quand vient le temps de la
moisson, le grain est engrangé par Dieu et la paille est brûlée.
C’est un enfantement douloureux. Car nous
sommes dans le monde, attachés à ses idoles, habitués à ses mirages, en pensée,
en action et en omission, soumis à des addictions de toutes sortes. Aveugles et
sourds en pratique à l’œuvre de Dieu dans le monde.
Revenir à Dieu c’est reconnaître le travail
d’enfantement de Notre Père qui est aux cieux aujourd’hui dans le monde, dans
le ventre de notre terre maternelle.
Tous les hommes, aujourd’hui comme hier,
pressentent ou savent que « nous ne
sommes pas d’ici ». Bien des gémissements et des larmes des hommes ne
viennent pas seulement de l’enthousiasme déçu, de l’interminable échec de leur
vouloir tout maîtriser, ni du mal vivre des faibles. La plainte des hommes
vient de ce que la soif de Dieu nous a impacté d’origine et définitivement.
C’est cette soif de Dieu pour les hommes qui coule dans les veines des
croyants.
Notre foi en Christ est donc une pratique.
Une pratique qui refuse de souhaiter la
mort de qui que ce soit, ennemi compris. Une pratique qui résiste, au
quotidien, à toute injustice qui paralyse, éteint ou dévore la puissance de vie
que Dieu a semée et cultive en chaque homme. Une pratique qui témoigne dans le
monde que vivent des hommes et des femmes chez lesquels la soif de Dieu pour
les hommes a pris le commandement de leur désir.
Jean-Pierre
Duplantier
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