Enlevez celà d'ici / Jn 2 13-25 / Une homélie

Ce dimanche, je vous propose de méditer sur deux questions à propos de la colère de Jésus et à propos des vendeurs de colombe pour en arriver à la conclusion et chercher ensemble la bonne nouvelle.
Tout d'abord qu'est-ce qui peut bien mettre en colère Jésus ? Car on devine de la fureur chez lui à tel point qu'il se fabrique un fouet, l'arme de la justice impitoyable.
Qu'est-ce qui peut bien déclencher un tel emportement chez l'homme des béatitudes ? Lui Jésus qu'on imagine parler avec douceur, lui qui appelle à aimer ses ennemis, doit être bien scandalisé.
Qu'est-ce qui peut mettre dans une juste colère un homme pacifique ?
L'amour qui unit le Père et le Fils se révèle dans cet épisode.
Jésus ne cesse de dire que celui qui le voit, voit le Père. Et dans le contexte de cet Evangile, on a comme le sentiment que les marchands et les bêtes encombrent le temple et sont comme des obstacles à la prière, comme un obstacle pour ceux qui veulent voir le Père. Ils ralentissent l'élan des fidèles.
Alors Jésus fait place nette, il renverse ce qui gêne. Lui le doux, il a une position intransigeante, on ne compose pas avec le Père. On ne s'interpose pas entre le Père et le Fils. Sinon la réaction est ferme.
Le lieu de la prière vers le Père est corrompu. C'est insupportable pour Jésus, lui le Fils qui redit sans cesse la miséricorde du Père. La miséricorde, ça ne s'achète pas.
Y-a-t-il violence ? Les propos, les gestes sont physiquement violents mais il n'est pas écrit que Jésus ait levé la main sur les hommes, qu'il se soit servi de son fouet pour faire couler le sang. Il a servi pour libérer les animaux et renverser les tables, un bon coup de balai.
Ce que nous pouvons retenir de cet épisode, c'est que Le Père et le Fils ne font qu'un. Et que ça le prend aux tripes si on ne respecte pas la maison de son Père


Deuxième question, pourquoi Jésus s'adresse-t'il plus particulièrement aux vendeurs de colombes ?
"Il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs,
et dit aux marchands de colombes :
Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce.
"
Ce passage entre en résonnance avec un autre passage dans l'Evangile de Luc lors de la présentation au temple de Jésus par ses parents.
"Ils venaient aussi offrir le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur :
un couple de tourterelles ou deux petites colombes
." (Lc 2, 24)
C'est comme s'il y avait une rancœur de Jésus envers les vendeurs de colombe sur le fait que deux colombes aient été sacrifiées pour sa présentation au temple.
Lui qui est venu dire au monde que l'essentiel dans la vie c'est l'attitude, c'est se tourner vers le Père et en appeler à sa miséricorde, lui Jésus porte dans son histoire le sacrifice de deux colombes qui n'ont rien demandé.
Deux colombes ont été sacrifiées pour lui, et ça peut-être qu'il en garde le souvenir.
Ainsi lors de l'appel de l'apôtre Matthieu, il dira :
"Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice.
En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs.
" (Mt 9, 13)
Il ne demande pas de sacrifice, à la suite des prophètes, il abolie les sacrifices. Seule compte la prière, le renoncement et la conversion.
Lui seul donnera sa vie en rançon pour la multitude. C'est lui celui qui se sacrifie.

Et en conclusion la bonne nouvelle de ce dimanche ?
Les relations du Père et du Fils et que seul le sacrifice du Christ compte pour nous, nous amène à mieux saisir la logique de la phrase suivante :
"Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai."
La réponse de Jésus est curieuse et a du déstabiliser ses interlocuteurs, celui qui a une attitude de destruction c'est lui Jésus. Il vient bousculer le ronron quotidien du temple, il vient renverser les habitudes, il remet en cause les rites. Et il accuse en quelque sorte ses contradicteurs de détruire le sanctuaire.
La bonne nouvelle est que dans cet échange verbal se devine la force de l'incarnation de notre Dieu. La maison du Père, le temple, et le corps de Jésus se confondent.
Notre Dieu n'est pas un dieu stratosphérique. C'est un Dieu qui s'incarne, qui est avec nous. Il ne nous regarde pas de haut. Quand il plonge son regard dans le nôtre, il s'abaisse et lève les yeux sur nous comme il le fait pour Zachée ou la femme adultère.
Mais pour ceux que Dieu appelle,
qu’ils soient juifs ou grecs,
ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Parmis les bêtes sauvages et les anges / Mc1 12-15 / Une homélie

Nous y voilà, depuis mercredi, nous voilà en carême,
nous voilà en quarantaine, c'est le sens du mot « carême ».
Quarante jours au désert, quarante jours au silence.

Jésus, poussé par l'Esprit se retrouve quarante jours au désert.
Emboîtons-lui le pas, que son expérience soit la nôtre.
Alors regardons un peu ce qui nous attend dans ce désert.
Car ce désert est habité :
« Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient »
Il va donc falloir que nous aussi, nous nous tenions entre les bêtes sauvages et les anges.

Pas besoin pour cela d'aller au zoo, ces bêtes sauvages, ce sont nos bêtes sauvages intérieures.
Ce sont toutes nos forces intérieures que nous ne parvenons jamais vraiment à apprivoiser, nos mouvements intérieurs qui résistent à nos efforts pour les civiliser, pour les policer...
C'est ce qui parle en nous sans les mots, le corps sans les paroles.
Il ne s'agit pas de lutter contre elles, il s'agit de prendre du temps pour « vivre avec »... ne plus faire semblant, ne plus faire comme si elles n'existaient pas, ne plus les ignorer.
Elles peuvent s’appeler colère, envie, jalousie, orgueil ou dévoration... mais elles s'appellent aussi désir, joie, émerveillement, fou-rire...

Et puis se faire servir par les anges.
Les anges, je le redis (on ne le redit jamais assez), n'ont rien à voir avec des types avec des ailes dans le dos... les anges, ce sont les mots de Dieu. Ils ne sont que paroles.
Ce sont les paroles sans le corps, les paroles sans la chair...
Quarante jours pour accepter de tendre l'oreille et consentir à être servi par les anges, recevoir de la Parole ce dont nous avons besoin en vérité.
Que les mots de Dieu nous servent, que les mots de Dieu nous nourrissent au désert.
(...)

Quarante jours au désert, parmi les bêtes sauvages et le service des anges...
mais il manque quelqu'un
N'oublions pas Satan.
Que fait-il là ? Il tente.
Il tente le coup !
Le moment est trop beau pour lui, il ne peut pas rater ça.
(...)

Si nous entrons dans le désert, dans le silence, prêtant nos oreilles à la fois aux bêtes sauvages et aux anges, l'adversaire va forcément pointer son nez !
- Satan nous dira par exemple que nos bêtes sauvages, nos pulsions, sont nos ennemies et sont à combattre alors que Dieu nous invite à vivre avec, à les connaître, à nous réconcilier avec elles, en nous souvenant de l'arc-en-ciel qui fait alliance.
- Satan nous dira par exemple que nous devons devenir des anges, nous libérer de notre chair pour devenir de purs esprits, tout en adoration et en louanges, alors que Dieu a pris chair de notre chair et qu'il va bientôt racheter notre chair sur le bois de la croix et par un tombeau vide.
(...)

Quelqu'un écrit (François Cassingena-Reverdy)
« Jésus est ton désert (...) ; enfonce-toi en Lui »
Convertissons-nous
et joyeuse quarantaine

Amen
Sylvain, Diacre

Une rencontre qui ouvre à toutes les rencontres / les cendres / Une homélie


Comment étiez vous ce matin en réalisant que nous sommes le mercredi des cendres , et à 40 jours de la lumière de Pâques.
Peut-être avez vous été pris de panique car il nous faut et suivre les prescriptions et prendre des résolutions de carême.. Lesquelles ? Peut-être recycler celles que j'ai prises l'année dernière et que j'ai eu tant de mal à porter au terme.
Ou peut-être étiez-vous dans cette joie frémissante d'un nouveau départ, stimulé par le chemin qui se poursuit à un nouveau rythme ?
Acceptez que je nous souhaite un heureux carême !!

Comment cela heureux ! Alors que le prophète dit :
«  Déchirez votre cœur...Revenez à moi.. dans le jeûne, les larmes et le deuil ? »
Comment recevoir dans la joie une injonction « Convertissez-vous ? »
N'est-ce pas heureux si ce qui est tordu en nous , entre nous et dans le monde nous arrache des larmes.
C'est heureux si nous faisons le jeûne et même le deuil d'un certain nombre de choses sans lesquelles nous pensons ne pas pouvoir vivre et qui nous tiennent en esclavage. C'est heureux quand se déchire le blindage de nos cœurs, pour laisser venir à jour l'intérieur et lorsque déjà s'annonce le passage de la mort à la vie, présent dans tout le carême comme un avant goût du parfum de Pâques ;

En commençant j'ai évoqué comme des prescriptions de l'Eglise , ce n'est pas le mot juste
L 'Eglise nous offre un cadre ? Trois piliers
- La prière, présence à Dieu dans un cœur à cœur renforcé.
- Et inséparable de la prière., l'aumône : présence aux autres
- Le jeûne , présence à notre propre corps
Pour rester dans le langage médical. Ce qui est intéressant dans la Parole aujourd'hui c'est le mode d'emploi .

«  Ce que vous faites pour devenir des justes , évitez de l'accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. »
Quand les hommes nous auront applaudi et nous aurons donné la récompense qui vient d'eux « leur récompense » il ne restera plus rien après. Et de plus il n'y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux, dans le secret : « ton Père qui voit dans le secret te le rendra. »
Cette phrase est répétée 3 fois , pour chaque « pilier »  ;
D'abord comment comprendre ce secret.
Dans la construction du texte la prière est placée au milieu entre l'aumône et le jeûne comme pour marquer qu'elle est une clé de voûte centrale.
Et à propos de la prière je vous livre le texte d'origine «  Et toi quand tu pries entre dans ta chambre intérieure et ferme la porte de toi. » La chambre intérieure ?
Ce n'est pas une pièce de ma maison.
N'est-ce pas là où tu rencontres l'hôte intérieur ( Comme le dit Jean de la Croix) la où tu rencontres en profondeur et en vérité celui qui demeure en toi.

« Ferme la porte de toi » et fais SILENCE.
Voilà un quatrième pilier le SILENCE mais si difficile à atteindre dans le bruit de nos vies. Faisons donc du Silence un élément constitutif de notre carême.
Silence pour mieux rencontrer notre Dieu, silence pour mieux nous écouter entre nous..

Car il ne s' agit pas d 'un repli chacun sur soi, mais d'une rencontre qui ouvre à toutes les rencontres.

Et maintenant « Entrons dans un cœur à cœur sincère avec le Sauveur, » laissons-nous réconcilier avec lui,» car ton « Père te le rendra » dans un parfait échange , et dans la durée .
Ne laissons pas sans effet la grâce reçue de lui. Alors se tissera en chacun l'homme nouveau qui nous est promis.

Voilà le moment favorable pour recevoir du Père sa faveur.
Mais souvenons nous que sans lui nous ne pouvons rien.
« Souviens toi tu es poussière, et tu retourneras en poussière. »
C'est ce que va nous rappeler une des phrases prononcée par ceux qui vont vous imposer les cendres.
Cendres, pauvre rappel de ce qui passe, résidu de ce qui est passé. Signe de notre fragilité humaine. Mais cette poussière a une valeur infinie pour Dieu :
« Qu'est ce que l'homme Seigneur pour que tu te sois fais poussière avec lui et que tu acceptes de mourir pour lui.. ? »

Seigneur, ces cendres peuvent devenir des braises, si elles se reconnaissent pécheresses et se tournent « détordues » vers toi.
Elles deviendront du feu si elles se laissent raviver par ton Esprit qui va souffler avec puissance pendant ce temps de grâce qu'est le carême.
Elles deviendront Amour, si elles ont le soucis de réchauffer ceux qui cherchent la lumière et la chaleur.

Seigneur par l'eucharistie dans laquelle tu nous rassembles, tisses en chacun de nos corps si fragiles, ce qui sera notre force, ce qui fera de nous ton corps.

Amen

Robert Zimmermann
diacre