Des homélies du dimanche des Rameaux

"Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !"

Ils criaient tous Hosanna au passage de Jésus !

Hosanna ! Connaissons-nous bien la signification de ce mot ? Nous le proclamons à chaque messe au début de la prière Eucharistique. Mais ce mot n'est-il pas devenu une sorte de mantra, un ensemble de son ayant un pouvoir spirituel ?

Hosanna : sauve-nous, s'il te plaît ! Ce mot qui résonne comme une supplication, un appel à l'aide. Nous le criions comme si nous étions en train de nous noyer. Mais sur le chemin qui mène à Jérusalem, il est proclamé comme un cri de joie par la foule devant le passage de Jésus.

Hosanna : il vient le salut, il est là le salut, il passe celui qui nous a sauvé. Semble plutôt s'écrier ceux qui regardent passer Jésus. C'est comme si le sens du mot avait glissé d'un appel au secours à un remerciement pour un sauvetage déjà réalisé.

Il y a comme un paradoxe. Il y a comme une tension, Jésus est acclamé comme s'il était déjà ressuscité alors qu'il se dirige vers un destin douloureux.

Certains avanceront le fait que la foule acclame Jésus comme un personnage politique venu la libérer de l'occupation romaine.

Mais nous, que sommes-nous venus faire aujourd'hui nos rameaux en main. Il n'y a plus d'occupation romaine. Il ne s'agit plus d'acclamer un leader politique. Sommes-nous juste venus pour la bénédiction des rameaux qui sauvera notre maison pendant une année ?

« Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !  Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! »

Chacun de nous, à sa manière, avec la prière la plus intime au fond du cœur, acclame le Christ quand il passe, le verbe fait chair, celui qui est annoncé par les prophètes, celui que le psalmiste implore.

Et après son passage, nous allons suivre son parcours jusqu'à la croix et de la croix jusqu'au matin de Pâques.

    Hosanna ! Seigneur le Christ,

    garde-nous fidèle dans la prière à tes côtés.

            Hosanna ! Seigneur le Père,

            donne-nous le courage nécessaire pour suivre ton Fils dans sa passion.

                Hosanna ! Seigneur Esprit,

                accorde-nous d'accueillir en vérité la bonne nouvelle de la résurrection.

Dominique Bourgoin, diacre.

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Vous l’avez entendu, c’est un détail que tout le monde repère assez facilement, il y a au cœur de la Passion un personnage étrange et furtif, une figure énigmatique : un jeune homme inconnu qui suivait Jésus habillé seulement d’un drap et qui s’enfuit nu.

Le mot qui désigne le drap dont il est revêtu, c’est le même que celui qui désigne le linceul que Joseph d’Arimatie achète à la fin du texte pour ensevelir Jésus.
On pourrait tout aussi bien traduire que ce jeune homme est vêtu d’un linceul et qu’il l’abandonne dans sa fuite.

Je vous propose d’entrer dans cette semaine en contemplant ce jeune homme.
Ce jeune homme comme un reflet de nous-même.
Nous entrons dans cette semaine pour avancer à la suite de Jésus sur le chemin de sa Passion.
Nous y entrons fragiles et nus, incertains de notre foi, frileux dans notre amour, recouverts d’un fin voile de mort et d’angoisse.
Ce linceul dont on s’est fait notre vêtement : nos peurs, nos découragements, nos lâchetés.
Que cette semaine nous dépouille de ce linceul portatif qui nous plombe quand on croit qu’il nous réchauffe.
Osons entrer dans cette semaine dénudés, nus comme au jour de notre naissance, débarrassés de tout, absolument exposés à l’effet de la Parole sur nos chairs, dégagés de tout filtre entre elle et nous... et donc aussi terriblement vulnérables.

Laissons là ce linceul. Qu’il devienne celui de Jésus lui-même. Qu’il devienne le seul linceul de l’histoire des hommes incapable de retenir le corps qui lui est confié.
Le linceul inutile, le linceul vaincu.
Que toutes nos pulsions de mort soient mises en échec dans ce linceul dérisoire.

Ne craignons pas d’entreprendre le grand voyage de textes qu’est la semaine sainte en lecteurs tout nus, nus comme au jour de nos genèses, comme Jésus sur la croix assumant toute nudité.

Que le matin de Pâque nous trouve tout prêts à revêtir la robe blanche du ressuscité.

╬ Amen
Sylvain diacre
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Depuis que nous nous sommes rassemblés aujourd'hui nous avons entendu la description de deux cortèges. D’abord celui de l’entrée triomphale de Jésus a Jérusalem ; jésus acclamé par la foule, accueilli comme un roi, reçu aussi par certains comme le Messie.* »Béni soit celui qui vient , le Fils de David’
L’autre cortège est celui d’un condamné à mort accompagné par une foule haineuse vers le lieu de son supplice, ou mieux celui de son sacrifice.
Le roi qu’acclamait la foule n’est pas celui qu’elle attend
Il aura suffi de quelques heures pour que ceux qui acclamaient en lui le Messie fasse de Jésus un criminel. Alors que les apôtres grisés par la liesse de l’entrée dans la ville, finalement s’endorment ils s’enfuient dans la nuit abandonnent Jésus
Nous reconnaissons nos propres endormissements, nos fuites/
Le Messie sera un roi livré.

JESUS NE RETINT PAS JALOUSEMENT LE RANG QUI L’ÉGALAIT A DIEU ;
Livré par Judas au sanhédrin
Puis livré aux Romains. Pilate qui le livre Hérode, qui lui le redonne à Pilate. Pilate le livre a la foule
Et la foule le livre à la mort.
C’est l’emballement de la violence et de la haine.
Dans cette violence nous pouvons reconnaître celles de notre temps, cette violence peut nous habiter ; La haine qui aujourd'hui peut encore tuer.
Le Golgotha est dans tous les lieux où l’on meurt par la faute des hommes, dans tous les lieux ou la haine est une loi.

JESUS C'EST FAUT OBÉISSANT JUSQU A LA MORT ET LA MORT SUR LA CROIX.
On ne peut comprendre Jésus qu’en le contemplant sur la croix où il est amour absolu.

VRAIMENT CET HOMME ÉTAIT LE FILS DE DIEU ;
Le centurion romain, un païen, un étranger, qui est là en service, qui pense n’avoir rien à voir avec l’évènement du jour, est saisi par le Cri de Jésus
C’est à notre tour de nous laisser saisir par ce cri d’abandon au Père.
Il saisit notre histoire pour la mettre dans les pas du Christ
Il saisit nos souffrances pour les porter à la croix où le Fils se donne.
Il saisit notre solitude et nous porte a la rencontre avec le sauveur crucifié.
Il saisit nos incapacités à pardonner pour nous conduire dans la miséricorde du Père.
Il saisit nos ténèbres pour les illuminer de la grâce de Pâques.

C’EST POURQUOI DIEU L’A EXALTE, IL L’A DOTE DU NOM QUI EST AU DESSUS DE TOUT NOM..

Par le don de son corps Jésus nous a donné la vie
« Ceci est mon corps » Jeudi saint , le mystère eucharistique
« Ceci est mon corps » sur le bois de la croix, vendredi saint
« Ceci est mon corps « le corps glorieux, qui se lèvera dans la lumière de Pâques.

Entrons dans la semaine sainte qui donne sens à toutes les autres semaines de nos vies
Ces rameaux que nous amenons dans nos maisons ne sont pas des grigris pour nous protéger
Nous les recevons comme des signes exposés chez nous pour que toute notre vie soit exposée à la vie du Christ, toutes nos histoires humaines qui se récapitulent dans cette histoire sainte par laquelle Dieu a élevé notre condition mortelle.
Marchons à présent vers la lumière de Pâques : Tout commence, tout s’accomplit

Amen
Robert Zimmermann
diacre

Quand je serai élevé de terre /Jn 3 14-21 /Une homélie


« Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son fils unique :
ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais obtiendra la vie éternelle »
Voilà la joyeuse nouvelle qui résonne aujourd’hui dans le monde en ce 4e dimanche de carême.
C'est ce que confirme Paul (2e lecture) « Nous étions mort à cause de nos fautes. Dieu nous a fait revivre avec le Christ. C’est bien par grâce qu'il nous a sauvé »
Voilà encore une raison de nous réjouir au milieu de nos angoisses.
Nous sommes sauvés !
Cette parole est tellement saisissante que nous pourrions être tenté par une jubilation passive, puisque par la grâce de Dieu notre salut est assuré. Penser cela serait oublier une partie de la Parole de Jésus : « Tout homme qui croit dans le fils de l’homme ne sera pas jugé mais obtiendra la vie éternelle .»
Encore une raison d’être dans la joie. Il y a moyen d’échapper au jugement.
Y aurait-il comme une opposition entre le jugement et à la vie éternelle ?
A y regarder de près, tout simplement, il n’y a pas de jugement
D’abord parce que Jésus n’est pas venu pour juger mais pour sauver. Celui qui croit, échappe au jugement et celui qui ne croit pas est déjà jugé. Etrange !
Et pourtant Jésus donne un contenu au jugement
« Quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres, car leurs œuvres étaient mauvaises » Ce jugement est donc comme un constat de notre réalité humaine. Le jugement n’est plus ici synonyme d’une quelconque sentence divine mais une révélation du secret du cœur humain. L’humain tiré vers les ténèbres et capable de choisir et d’aspirer à la lumière. Le jugement met au jour le clivage qui est la condition de notre humanité. Le combat de tout humain. Jeudi dernier, ici même ; Mgr James, notre archevêque nous a parlé d’un combat spirituel. Et c’est au milieu de cet inévitable combat que Jésus vient nous sauver. Ce combat se réalise dans note chair, pas seulement dans notre esprit.

Dans l’évangile Jésus associe son élévation sur la croix avec l’épisode du serpent d’airain que Moise élève pour détourner le regard des hébreux dans le désert des morsures mortelles des serpents. Le serpent cet animal qui dans l’imaginaire de bien des peuples représente la mort autant que la renaissance, autant le poison que la guérison.
La croix à la fois comme représentation du mal mortel, mais aussi comme lieu, où le Fils, s’offre. Non pas un remède, mais la vie elle-même

(Jn, 12,32) une parole de Jésus avant sa passion « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » toute humanité

Dans quelques instants le prêtre dira : « élevons nos cœurs » et nous répondrons « nous le tournons vers le Seigneur » juste avant que par la liturgie eucharistique nous entrions sacramentellement dans le Mystère de la croix
Nous disons, et c’est notre foi, que le Christ descend sur l’autel pendant l’eucharistie, ou qu’il descend en nous au moment de la communion. Nous oublions peut être que c’est alors que le Seigneur s’abaisse, nous sommes élevés, que nous allons avec lui pour faire un seul corps..( lorsque nous avons communié, nous sommes ensemble élevés chez lui). Mais si nous nous tournons vers le Seigneur ce n’est pas pour monter sur un nuage et être extrait de nos vies terrestres dès aujourd’hui, mais bien pour continuer à y vivre remplis de son esprit, de sa force..

Heureux ceux qui voient dans la croix du Christ élevé de terre la vive lumière de l’amour dont nous sommes aimés et tout à la fois l’ombre de leur propre violence pour avoir le goût d’en guérir.
La lumière se trouve en marchant. L’amour demande à être vécu. Ce n’est pas une idée ou une idéologie, cela devient un choix.
Elevés avec le Christ , un écueil nous guette cependant
Une forme d’accusation du monde, qui porte en germe le pessimisme et la violence. Au risque de ne plus percevoir les signes de vie évangélique qui germent aujourd’hui au milieu de toutes nos ténèbres.
Être élevés avec le Christ, cela ne nous exonère pas d’avoir à regarder en face le poison mortel qui nous menace. Saurons-nous reconnaître, les morsures qui nous entraînent à la mort ? Saurons-nous discerner les postures, qui nous emprisonnent dans notre condition mortelle ?
Saurons-nous éviter aussi un autre écueil écueil qui serait de prétendre nous sauver de tout cela par nous-même ?

Il s’agit bien de porter un regard de foi sur celui qui est élevé et de nous laisser attirer dans la lumière, là où le Christ nous associe à son combat contre la mort. L’Eglise nous invite aujourd’hui à être dans la joie les témoins du salut.
Au milieu de ce monde que Dieu aime, acceptons, avec audace et aussi humilité, d’être les porteurs de cette joyeuse vérité du salut, à temps et à contretemps. Il est de notre responsabilité que l’amour élevé sur la croix soit visible, de loin et pour tous. Nous ne serons pas témoin uniquement par la splendeur de nos liturgies ou la profondeur de nos prières qui nous tournent et nous élèvent vers le Christ, mais aussi par nôtre engagement de disciple auprès de tous les hommes. Si nous faisons la vérité en nous et entre nous, notre commune fraternité, illuminée et fécondée par celle du Christ, peut-devenir pour nos contemporains lumière et joie..
Tournons-nous avec confiance vers le Seigneur et demandons-lui cette grâce.

Amen
Robert Zimmermann
diacre

De la colère / Jn 2 13-25 / Une homélie



L’événement aujourd’hui, c’est la colère de Jésus.
« Il fit un fouet avec des cordes et les chassa tous hors du temple, ainsi que les brebis et les bœufs, il jeta à terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs »
Le fouet n’est pas que pour les animaux, le texte le dit bien.

On pourrait faire l’hypothèse que Jésus fait tout sans colère… froidement.
Mais je ne crois pas que l’on puisse déployer toute cette énergie sans colère.
Et l’hypothèse de la colère de Jésus, si on l’accepte, si on l’observe de prés, nous ouvre à une lecture importante de ce qui se joue dans ce texte.
        Heureux texte qui vient mettre à mal nos représentations.
(...)

Car, au fond, qu’est-ce qui met Jésus dans cet état de colère ?
« il trouva installés dans le temple les marchands de bœufs, de brebis et de colombes et les changeurs »
Qui sont-ils ces marchands ? À quoi servent tous ces animaux ?
Avec eux, la relation des hommes avec Dieu est une relation marchande. Les animaux, sont les objets du sacrifice, et les changeurs, ceux qui permettent à chacun, d’où qu’il vienne, de pouvoir monnayer son sacrifice.

C’est là qu’il nous faut ouvrir nos cœurs et nos oreilles : où en sommes-nous de cette relation marchande avec notre Dieu ?
Le temple, nous le savons, le Christ nous l’a révélé, c’est chacun de nous. Notre corps est le temple où Dieu se tient.
        Le Verbe s’est fait chair, nous sommes temple de l’Esprit.
Si Jésus revenait dans ce temple, sommes-nous certains qu’ils n’y trouverait pas, installés bien tranquilles, nos marchands de sacrifices ? Nos monnayeurs de prières et de dons ?
Nous avons nos bœufs et nos brebis intérieures, nous avons nos comptoirs de change…
(...)

Le Christ ne veut rien entendre de ce type de relation avec son Père, c’est pour lui insupportable, ça le rend triste, ça l’indigne, c’est lui faire violence.
Face à ça, le remède est énergique : il faut donner du fouet et tout renverser.
        Tout renverser pour tout remettre à l’endroit.

Car la relation qu’il nous demande, c’est celle qui règne dans la maison du Père, c’est à dire un lien filial… ça s’appelle « prière ».
On ne marchande pas avec son père, on ne calcule pas.
Les enfants demandent sans imaginer qu’il faille donner en retour. Ils demandent simplement, certains d’être exaucés, parce qu’ils savent qu’ils sont aimés et que leur père n’attend rien d’eux... que leur demande.
Le père ne demande pas des gages à son enfant.
Il ne lui demande pas des preuves de son amour.
Tout fils sait qu’il est aimé et tout père ne doute pas d’être aimé.
Dans cette relation, il n’y a rien à marchander, il n’y a rien à offrir en échange, c’est un don sans retour, sans dette. Monnayer cet amour, c’est lui faire offense.
La colère de Jésus, c’est l’amour offensé.
(...)

Amen
Sylvain diacre