Leve-toi et mange / Jn6 41-51 / Une homélie

(...)
Pour remettre Elie en route, Dieu vient lui donner à manger :
« Lève-toi et mange ! »
Deux fois de suite, l'ange le touche, le réveille et ordonne « lève-toi et mange ! »
Pas de grands discours, pas de cellule psychologique : du pain et de l'eau.
(...)

Il y a donc un lien entre notre vie spirituelle la plus élevée et notre estomac.
Il y a un lien entre nos états d'âme et l'état de notre ventre.
Aujourd'hui, c'est très à la mode de dire que notre ventre est notre deuxième cerveau et l'on redécouvre avec émerveillement le rôle de nos entrailles dans notre équilibre psychique.
Mais l'Ecriture le sait bien depuis toujours, notre Dieu ne cesse de parler à notre ventre !
Depuis le fruit si séduisant du jardin de la genèse, jusqu'au petit livre avalé par Jean aux dernières pages de l'Apocalypse...

(...)

Dans nos vies, il arrive que, comme Elie, nous ayons la tentation de nous replier au désert, de nous installer sous un buisson et de dormir en attendant la fin.
Dans nos vies de foi, dans nos vies spirituelles, ça arrive bien souvent.
« Je n'y comprends plus rien, Dieu ne m'entend pas, je suis fatigué, j'ai assez donné, maintenant, que le Seigneur fasse sans moi... je me retranche dans ma solitude, ou dans mon silence... je me recroqueville sous le buisson de ma lassitude ou de mon amertume et j'attends que ça passe... »

« Lève-toi et mange ! »
(...)
L'ange ne dit pas vraiment à Elie « Lève-toi et mange car il est long le chemin qui te reste »,
il dit « lève-toi et mange car le chemin est trop grand pour toi »...
Et oui, évidemment !
Le chemin qui nous mène au Père, le chemin qui nous mène à la vie éternelle, ce chemin est trop grand pour nous, il n'est pas à notre mesure... il est trop grand pour que nous comptions sur nos propres ressources...
Le Seigneur nous donne la nourriture qu'il faut pour faire la route.
Il y a un pain pour cette route, c'est un pain qui se mange debout et qui met debout ceux qui le mangent...
Debout spirituellement, debout dans la foi, debout dans nos désert, dans nos défaites et nos fatigues, dans nos vieillesses et nos maladies, dans nos vies comme elles sont ...

Ce pain vivant descendu du ciel, ce n'est pas seulement l'hostie de nos eucharisties...
Le Christ donne sa chair de bien d'autres manières...
car la chair du Fils c'est aussi sa Parole,
puisque le Fils, c'est le Verbe,
et que le Verbe s'est fait chair.

Alors que nos ventres et nos oreilles soient aux aguets...
avec le Christ, ils sont désormais indissociables.

Elie doit manger , il doit aussi entendre qu'il doit manger

Levons-nous et mangeons

Amen
Sylvain, diacre

Jésus savait bien ce qu'il allait faire / Jn 6 1-15 / Une homélie

« Une grande foule suivait Jésus parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait en guérissant les malades. »
La foule tient une grande place dans l'Evangile.. Dans l'Evangile que nous avons entendu Jésus est avec ses disciples, mais c'est la présence de la foule sur laquelle il pose son regard qui amène la suite.
Cette foule est comme la figure de toutes les foules humaines, y compris les foules de notre temps. Ce matin nous sommes aussi la foule rassemblée et je voudrais évoquer d'autres foules . Celles des pèlerins (ceux du chemin de St Jacques, mais aussi ceux Lourdes, Fatima, Rome et bien d'autres). Je pense aussi aux foules de notre histoire : les foules qui protestent, les foules qui luttent..., les foules qui fêtent... et ces foules immenses qui traversent les mers et les continents en quête de paix et d'une vie meilleure.
La foule sur laquelle Jésus porte son regard est une foule en attente qui avait eu connaissances des guérisons , Ce n'est pas précisément une foule qui demande du pain (rien n'est dit à ce sujet) mais c'est une foule qui cherche son prophète ou son roi, son messie.

C'est au bénéfice de cette foule que Jésus prend une initiative :
« où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ? »
« JESUS SAVAIT BIEN CE QU'ILALLAIT FAIRE »
Ce qu'il veut faire dans un premier temps c'est nourrir la foule assemblée. C'est le miracle que nous appelons « la multiplication des pains ».
Le terme multiplication n'est pas ici une notion mathématique. Jésus ne calcule pas.
Ceux qui calculent se sont les disciples comme pour mettre en évidence la démesure du désir de Jésus

Et il va donner à manger à plus de 5000 hommes sans compter les femmes et les enfants, en partant de cinq pain d'orge et 2 poissons.
Le miracle a été concrètement possible parce qu'un petit garçon qui avait amené son repas pour la longue marche et la longue journée donne tout ce qu 'il a pour que Jésus puisse nourrir toute la foule et qu'il en reste « et il en restera douze corbeilles ».
Pour que que Dieu puisse agir il faut que l'homme apporte quelque chose , ce qu'il a et qui est sans proportion avec le don qui lui sera fait.
Jésus pris les pains et ayant rendu grâce il les distribua aux convives. La foule a changé de statut. Le miracle n a pas été fait devant elle, mais pour elle.

Et nous changeons de dimension. Le miracle DE LA FRACTION DU PAIN devient un signe et annonce une présence. (Emmaüs)
« Jesus savait bien ce qu'il allait faire » il allait faire ce pourquoi il a été envoyé par le Père, ce pourquoi il était venu, dans le monde, par l'action de l'Esprit Saint.

C'était juste avant la Pâques.
Le denier repas avec ses disciples approche, puis la passion, la mort de Jésus et sa résurrection. Jésus sait qu'il donnera tout ce qu'il a, sa vie car il est le CHRIST ( messie) FILS DE DIEU SAUVEUR.
Il dit de lui même « Je suis le pain de vie descendu du ciel » Voilà ce que Jésus annonce par son miracle qui devient un signe.
Nous sommes aujourd’hui les convives au repas du Seigneur. Nous sommes des femmes et des hommes en attente. Jésus connaît la faim de notre foule/ Nous sommes invités chacun à discerner quelle est notre faim et de la nommer.
Ce que nous attendons s'accomplit déjà.

Dans un instant vont être portés à l'autel le pain fruit de la terre et du travail des hommes, le vin fruit de la vigne et du travail des hommes »
A travers le pain et le vin c'est toute notre vie, tout notre être qui sont offerts pour être transformés, par le don du Christ.
La messe n'est pas une cérémonie religieuse symbolique et pieuse.
La messe nous engage, car le Christ s'engage; L'Eucharistie c'est l'accomplissement de la présence du Seigneur pour nous et en nous par son corps livré et son sang versé ; Nous ne mesurons pas assez la profondeur et l'ampleur de la grâce qui nous est faite.

Vous les marcheurs de St Jacques, et vous qui prenez d'autres chemin vous avez choisi de vous unir aux paroissiens qui sont là, pour célébrer la messe ?
Savez vous pourquoi vous prenez ce chemin ?
Ce que vous savez et vous en témoignez c'est l'attrait du chemin, c'est que c'est tout votre corps qui est sollicité par la marche, l'avancée, la progression . Vous y mettez du vôtre… Vous êtes partie prenante. Votre vie n'est pas étrangère à votre marche. Et le chemin n'est que le support de votre quête, de vôtre recherche et de votre consentement.
Vous êtes en union avec tous les pélerins. Et à l'arrivée quelle joie au milieu de la foule.Et au retour vers le quotidien il reste en vous une trace ineffaçable, vous ne revenez pas comme vous êtes partis. Et votre désir est d'y retourner...ou d'en garder le souvenir.

Permettez-moi une analogie avec l'Eucharistie
A la fin de chaque eucharistie, Nourris par la Parole et le Corps et le sang du Christ, vous ne repartez pas comme avant.
Depuis notre baptême la trace du Seigneur dans nos corps mortels n'est pas un souvenir, mais une réalité.
Nous sommes participants et partie prenante, en communion avec le Seigneur, en communion les uns avec les autres et avec tous les hommes. si nous consentons, corps et Esprit, à nous laisser transformer par la présence en nous de Celui qui nous nourrit de sa propre vie. Si nous laissons le Seigneur faire son travail en nous, cela se verra dans notre vie de foi, dans nos engagements humains, dans nos relations, et nous serons les signes de son amour et de sa paix pour tous les hommes.
Il faut que nous y mettions du notre, et le Seigneur donnera en abondance.
« Il en resta douze corbeilles. »

Robert Zimmermann
diacre

Homélie prononcée en présence des pélerins de St Jacques au prieuré de Cayac le 29 juillet 2018