Etre digne, être tuyau / Mt 10 37 42 / Une homélie

Il arrive parfois avant la messe que l’on demande à tel ou tel « voulez-vous aider à la distribution de la communion ? » et, souvent, on reçoit en réponse « désolé mais non, je n’en suis pas digne ».

Je ne suis pas digne de distribuer la communion... de recevoir l’hostie dans la main… de faire une lecture… de préparer une liturgie… de prendre une responsabilité dans la paroisse… Je ne suis pas digne.

Alors aujourd’hui, Jésus lui-même se tourne vers chacun de nous :
« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi »
« celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. »

Qui aime le Christ plus que son père, sa mère ou ses enfants ? Personne. Donc, personne n’est digne de Lui. Voilà une manière très simple de résoudre la question.
Si nous voulons être digne de Lui, si nous attendons d’être digne de Lui pour nous y mettre, c’est perdu d’avance ! Sur le terrain de la dignité, nous sommes tous disqualifiés ! Parce que nous aimerons toujours plus nos enfants que nous ne l’aimons, Lui.

Oui, nous sommes tous indignes, et pourtant le Christ a besoin de nous.
Car « qui vous accueille m’accueille ». Si nous voulons que le Christ soit accueilli, il faut que nous nous laissions accueillir… que nous nous laissions aimer comme nous sommes… pas comme nous nous rêvons.

L’Église sait depuis toujours que ses ministres sont tous indignes des fonctions qu’ils assument. Un prêtre, un diacre, ou celui qui est appelé à assumer un service n’est qu’un instrument dans les mains de Celui qui a besoin de lui.
Qu’importe que le tuyau soit d’or ou de plomb si l’eau coule à travers lui*.

Consentir à être l’instrument indigne dans les mains du Seigneur, c’est peut-être ça « perdre sa vie ». « Perdre sa vie », ce n’est pas « mourir », c’est accepter qu’elle n’est pas à moi, qu’elle est à celui qui en a besoin.
« Porter sa croix », ce n’est pas être condamné à traîner pour toujours sur son dos toutes ses douleurs, toutes les épreuves de sa vie… c’est mettre en mouvement ce qui, normalement, est planté en terre. Mettre en mouvement ce qui me paraît dressé devant moi comme le point fixe de ma condamnation. Par exemple ? mon indignité.
Se saisir de ce lieu de mort, et se mettre en marche. Ne pas faire comme s’il n’existait pas, mais ne pas se laisser arrêter par lui. Et faire confiance au Christ qui marche devant.

Notre indignité nous empêcherait d’agir pour le Seigneur ? Mais le Seigneur n’en n’a que faire, et il se pourrait même que ce soit cette indignité qui compte pour Lui : Dans la nuit de Pâques, au tout début de l’exultet, le diacre qui chante s’adresse à l’assemblée et dit : « Et vous, mes frères bien-aimés, ne cessez pas d’en appeler avec moi à la bonté du tout puissant. Il m’a choisi dans mon indignité pour être à son service ».
Il ne m’a pas choisi malgré mon indignité, il m’a choisi dans mon indignité…. c’est là qu’il m’a choisi, justement là. J’aurais été digne, il ne m’aurait pas choisi !

Et puis que disons-nous à chaque eucharistie quand nous disons « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et je serai guéri » ? Nous ne sommes pas dignes, mais la parole est dite. Allons-nous faire comme s’il n’avait rien dit ?

Quand on vous demande « voulez-vous aider à distribuer la communion ? », ne répondez pas « je n’en suis pas digne »… ça, on le sait déjà… tout le monde le sait, le Seigneur le sait.
Vous pouvez nous dire « je n’ai pas envie », « je ne sais pas faire », « ça me fait peur », « ça ne m’intéresse pas »… mais pas « je ne suis pas digne »
Le Seigneur cherche un tuyau pour abreuver son peuple. Il se moque qu’il soit en or ou en plomb. Acceptez simplement d’être tuyau.

Si nous pensons que nos mains ne sont pas dignes de recevoir le corps du Christ, nous oublions que nos langues le sont encore moins, elles qui prononcent des horreurs. Nous oublions que c’est le corps du Christ qui sanctifiera nos mains. Que c’est dans ce sens et uniquement dans ce sens que ça fonctionne. Nos mains ne peuvent rien contre Lui et il peut tout pour elles.

Si l’on hésite à s’engager pour l’Église parce qu’on se trouve indigne, souvenons-nous « il m’a choisi dans mon indignité ». Sommes-nous indignes de donner un verre d’eau à celui qui a soif ? Celui qui a soif, c’est le Christ.

Seigneur je ne suis pas digne, mais tu as dis une Parole
Je ne suis pas digne et tu es mort pour moi
Je ne suis pas digne de te recevoir, mais ton amour pour moi a effacé mon indignité

Reste mon péché… mais pour ça, « pensez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ. »
╬ Amen
Sylvain diacre

* « Les ministres de l’Eglise agissent en vertu de la puissance supérieure qui les fait mouvoir ils sont des instruments dans l’administration des sacrements. Or dans un instrument il se rencontre parfois quelque chose d’accidentel en dehors de ce qu’exige sa nature. Que le corps d’un médecin pour nous servir d’une comparaison soit sain ou malade, il peut également être l’instrument de l’âme qui possède l’art de guérir. Un tuyau peut très bien être d’argent ou de plomb et servir dans les deux cas à conduire de l’eau. Il en est ainsi des ministres de l’Église. Mauvais ou bons ils confèrent validement les sacrements. »
Saint Thomas d’Aquin Somme Théologique partie III question 64

Comme des brebis sans berger / Mt 9 36-10 / une homélie

« Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger. » Jésus se présente parfois comme un berger. Ainsi dans l’Evangile de Jean dit-il qu’il est le bon pasteur. Or ce dimanche, il semble qu’il ne soit pas question de lui comme berger.
Il constate qu’il y a un manque de berger parmi ceux qui le suivent. Cette situation le prend aux entrailles. Ce n’est pas une petite déception, Jésus est pris de compassion.
Aujourd’hui, sommes-nous dans la même situation ? Jésus voit-il des foules sans berger ?
Cependant si dans la foule, Jésus voit en moi une brebis bêlante, je ne me trouve pas flatter, je pense même, limite vexé, presque insulté.
Alors démêlons tout cela, qui sont les brebis et qui est le berger ?
La brebis a pour caractéristique de suivre la brebis qui la précède et ainsi de suite. Ce comportement se retrouve dans les groupes sociaux. La caractéristique d’un groupe c’est l’uniformité de son action. Il est en effet plus confortable d’agir comme les autres. Faire preuve de conformisme, être dans l’air du temps.
Voilà ce qui peut se comparer à un comportement de brebis. Ainsi, je ne veux pas me distinguer. Je ne veux pas laisser s’exprimer mes désirs intérieurs car ils risquent de ne pas être conformes au temps. Le monde veut un monde uniforme, qui se base sur des valeurs.
 
Mais un chrétien doit agir à temps et à contre-temps.
 
Le chrétien marche au temps de Dieu. Il marche poussé par le souffle de l’Esprit qui se répand sur l’Eglise à la Pentecôte. Il ne marche pas comme celui qui est devant.
Le Seigneur ne nous veut pas brebis, il nous veut berger. Il nous veut doués d’intelligence, capables de décider par nous-mêmes. C’est pour cela que le baptême dans l’eau s’accompagne du symbole du saint Chrême. Le ministre du baptême juste avant d’oindre le nouveau baptisé prononce ces paroles : « Tu es maintenant baptisé : […] et tu participes à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi. Dieu te marque de l’huile du salut afin que tu demeures dans le Christ pour la Vie éternelle. »
Le prêtre c’est celui qui rassemble comme le berger. Le prophète c’est celui qui parle à tous comme le berger à ses brebis. Le roi c’est celui qui est juste comme le berger.
 
Ainsi la destinée et la mission des baptisés c’est d’être bergers.
 
L'expression "agir à temps et à contretemps" provient de la Bible, plus précisément du Nouveau Testament. Elle est mentionnée dans la deuxième lettre de Paul à Timothée, dans le chapitre 4, verset 2 : "proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire."
Dans ce contexte, "agir à temps et à contretemps" signifie qu’être chrétiens c’est partager et défendre sa foi en toute circonstance.
Le baptisé doit être prêt à témoigner de sa foi, à annoncer l'Évangile et à apporter un message d'espoir et de salut, même si cela peut être difficile voire impopulaire.
Cette attitude est la bonne quand elle extrait la brebis de sa condition et la fait grandir pour devenir berger. Le monde attend une parole. Le monde espère l’Evangile. Les brebis attendent qu’une voix touche ce qui en elles a besoin d’une parole d’Espérance. Ce désir cette attente s’appelle le besoin spirituel.
Vivre en baptisé c’est aider les personnes en quête de vérité et soutenir les membres de la communauté chrétienne.
En étant prêt à agir "à temps et à contretemps", le baptisé peut saisir les opportunités qui se présentent et être un instrument de l'amour de Dieu, de la grâce et de la vérité.

Dieu le Père, toi qui nous veux debout,
éveille en nous le berger qui dort pendant que la brebis suit le monde.

Dieu le Fils, toi qui ne perds aucun de ceux qui te sont confiés,
aide-nous à devenir toujours plus prêtre, prophète et roi.

Dieu Esprit Saint, toi qui souffles sur l’Eglise depuis la pentecôte,
donne-nous tes sept dons, et particulièrement ceux de l’intelligence et de la sagesse.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Profession de foi et eucharistie

 Ce week-end, 10 et 11 juin 2023, nous fêtons l’Eucharistie, Corps et Sang de Jésus-Christ, autrefois la ‘Fête Dieu’.  Mais ce dimanche nous aurons la grande joie d’accueillir 19 jeunes de l’aumônerie des collèges qui feront leur ‘profession de foi’ ; l'un d'entre eux accueillera l’Eucharistie pour la première fois. Quelle bonne nouvelle pour notre communauté !
Cette deuxième solennité après la Pentecôte, s’inscrit dans le temps ordinaire pour nous signifier la force de l’Esprit Saint à l’œuvre dans l’ordinaire des jours, dans le cœur de chacun et plus particulièrement pour ces jeunes qui cherchent avec courage à vivre de l‘Évangile, à la suite Jésus, le Christ.
  
La profession de foi, depuis le Concile Vatican II, est l’étape marquante proposée aux jeunes adolescents, en chemin vers le sacrement de la Confirmation. Ce sacrement viendra clore l’Initiation chrétienne [Baptême-Eucharistie-Confirmation] par l’accueil des dons de l’Esprit Saint et l’engagement à témoigner du Christ.
  
La profession de foi a été ‘inventé’ par Saint Vincent de Paul au 17° siècle. Vincent de Paul observe que les jeunes vers 14-15 ans, partis en apprentissage loin de leur village, ne pratiquent plus. Alors, il leur propose qu’avant de quitter leur famille et leur village, lors de la fête de Pâques, de professer de manière solennelle leur appartenance au Christ et à l’Église, en leur faisant promettre de continuer à prier et d’aller à la messe là où ils seront employés.  Á l’époque, la confirmation se faisait lors de la visite de l’évêque pour tous les enfants baptisés ayant communié une fois, vers l’âge de sept ans. Cette célébration de la profession de foi, judicieusement placée en début de vie de jeunes adultes, a continué jusqu’à aujourd’hui : nouvelle étape de la vie. 

Ce weekend, accompagnons par nos prières et nos encouragements, ces jeunes qui s’unissent au Christ par l’Eucharistie et leur profession de foi.
Vincent GARROS