Prophète en son pays / Lc 4 21-30 / l'homélie

On a bien compris ce qui se passe à Nazareth avec la venue de Jésus : L'enfant du pays est devenu célèbre ! Pour les gens de Nazareth c'est à la fois une joie et un étonnement que ces paroles de grâce sortent de la bouche de quelqu'un de chez eux.
Le danger, on le voit bien, c'est de s'arrêter là, de garder Jésus comme l'enfant du pays et donc d'une certaine manière, de s'en saisir, d'oublier d'où il parle...

Jésus va donc aussitôt les refroidir : « Aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays ». Et il va leur rappeler dans l'Ecriture des exemples où les prophètes ont été envoyés pour l'étranger, à la marge.
Alors, c'est la fureur qui s'empare des auditeurs : Comment peut-il nous échapper, nous qui savons tout de lui ? Et on l’entraîne pour le jeter du haut de la montagne.

Un prophète, ce n'est pas un devin, ce n'est pas non plus un illuminé qui annonce des catastrophes en marchant dans la rue, comme celui des albums de Tintin...

Un prophète, c'est quelqu'un qui est traversé par la voix d'un autre, quelqu'un qui est porteur de la voix du Père. Vous vous souvenez de Jean-baptiste « voix qui crie dans le désert »,
un prophète c'est d'abord une voix...
avant d'être un message,
c'est un corps avant d'être un discours.

« J'aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j'aurais beau avoir toute la foi jusqu'à transporter les montagnes, s'il me manque l'amour, je ne suis rien ».
Être prophète, ce n'est donc pas une question de science ou de formation, ce n'est même pas une question de foi ! Un prophète sans l'amour, sans l'amour dont parle Paul, ce n'est rien.
Ce texte de Paul, nous le connaissons bien, c'est un monument, il ne faut jamais cesser de le lire et de le relire.
Pas parce qu'il nous donne un traité de bonne conduite, le manuel du bon chrétien (et qui pointerait au passage toutes nos défaillances), mais parce qu'il dresse le portrait d'un amour absolument nouveau, unique.
Cet amour ce n'est pas une idée ou un sentiment, ce n'est pas un beau discours sur une belle philosophie de vie... cet amour c'est quelqu'un.
Le prophète, il se rend perméable à cet Amour,
il ne témoigne pas d'une idée mais de la rencontre avec quelqu'un,
avec le Père, par le Fils, dans l'Esprit.

Nous sommes prophètes vous le savez, nous sommes prophètes par notre baptême.
Mais nous ne sommes pas prophètes pour nous-même, pas même pour nos proches.
Ça n'a pas à nous attrister, Jésus nous dit que c'est inévitable.
Pas besoin de se morfondre donc en voyant ses enfants ne plus aller à la messe, pas besoin de se lamenter si personne ne répond aux appels à l'aide des groupes paroissiaux... bien sûr, c'est décevant, c'est douloureux, (c'est même un gros problème) mais nous ne serons des prophètes efficaces que pour les autres, que pour « ailleurs ».
(...)

Amen
Sylvain diacre 

Journée mondiale du Migrant / 2016

Le 17 janvier 2016, l'Eglise universelle célèbre la 102e Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié pour laquelle le Pape François a choisi comme thème de réflexion et de prière: « Migrants et réfugiés nous interpellent. La réponse de l'Evangile de la miséricorde»

A la mondialisation des échanges économiques, à la mondialisation du phénomène migratoire, le pape ajoute qu’il faut répondre par la mondialisation de la charité et de la coopération de manière à humaniser les conditions des migrants. N’avait-il pas dénoncé, au lendemain de Lampedusa, une autre mondialisation, celle de l’indifférence?
Il souligne ainsi l’importance des migrants et réfugiés : « Vous avez une place spéciale dans le cœur de l'Eglise, et vous l'aidez à élargir les dimensions de son cœur pour manifester sa maternité envers la famille humaine tout entière » (Extraits du message du Pape François pour cette journée)
Cette journée est, pour chaque paroisse, l'occasion de faire l'expérience de la miséricorde dans l'accueil et la rencontre de nos frères et sœurs venus d'ailleurs.

Pour nous, paroisse saint Pierre de Gradignan, l’opportunité est offerte de participer de façon efficace à l’accueil de migrants. La mairie n’est pas insensible à ce problème et réfléchit avec des organisations de solidarité : Entraide Bordeaux-sud et à Nous Tous sur une collaboration à mettre en place.
L’occasion s’offre ainsi à tout paroissien, qui ne peut rester insensible au drame provoqué par l’exil de familles, de participer pleinement à une lecture efficace de l’Evangile. Cette efficacité peut revêtir  plusieurs formes : la prière bien sûr mais aussi la participation active. Pour être efficace, il faut fédérer les énergies et comme on dit dans nos campagnes profondes ; « ne pas rester les deux pieds dans le même sabot ».
Les volontaires sont attendus, soit :
-      pour épauler les actions mises en place par un engagement personnel d’accompagnement :
-      démarches à accomplir,
-      traductions,
-      insertion dans la vie française,
-      vie spirituelle,
-      partage de moments,
-     

-      pour épauler financièrement en s’engageant pour une durée déterminée dont il faut étudier les modalités.

Il faut noter que la mairie prendrait en charge tout ce qui relève de la scolarité : alphabétisation, formation professionnelle et soutien scolaire.

Vous pouvez remplir la fiche signalant ce que vous pouvez faire et la remettre dans l’urne qui sera disposée au pied de l’autel.

Les noces de Cana / Une homélie de JP Duplantier

Nous venons de lire trois textes, un d’Isaïe, un second de saint Paul et un troisième de saint Jean, l’épisode des noces de Cana. Il y a un lien à trouver ; un chemin à suivre. Le prophète Isaïe pose un point de départ : Dieu dit : « plus personne ne dira à ton pays, c’est la désolation chez vous. Ta terre, je vais l’épouser… comme le jeune homme qui épouse une jeune femme, ton bâtisseur, ton créateur va t’épouser. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. »
 
A Cana, lors d’une noce, Jésus reprends au vol cette promesse de Dieu, et ouvre une nouvelle phase de cette aventure pour nous. C’est Marie qui perçoit, la première, la situation: quelque chose manque dans cette noce. Et ce qui manque c’est le vin. Pas le vin dont on dit qu’il faut le  boire avec modération, parce que l’alcool est la cause de beaucoup d’accidents. Mais le vin qui réjouit le cœur de l’homme, quelque chose qui donne un supplément de vitalité à notre vie ordinaire, qui la bouscule un peu, l’enlève, là-bas comme chantait Jean-Jacques Goldmann.
A Cana, les gens de la noce étaient équipés depuis longtemps par des rites qui les aidaient à vivre ensemble. C’était des jarres de pierre que l’on remplissait d’eau pour se purifier. Pour vivre ensemble, il faut en effet des moments où nous acceptons de revenir les uns et les autres à une loi commune, à une alliance, pour nettoyer la zizanie qui pousse entre nous et qui complique de plus en plus nos relations. Mais à Cana, même ces rites de purifications, le système d’éducation qui va avec, et toute les réglementations de la vie sociale, ne fonctionnaient plus. Il y avait les jarres de pierre, mais elles étaient vides et on ne s’en servait plus. Et le goût de vivre s’était éteint. Même dans une noce, le vin s’était mis à manquer pour la fête. 
 
C’est là que Jésus intervient. C’est son premier signe selon l’évangile de Jean. D’abord il demande qu’on remette en marche le système de purification. On remplit à nouveau les jarres d’eau. On en revient à la loi qui unit un peuple, qui lui donne une orientation, un horizon. Puis Jésus ordonne, non pas qu’on utilise cette eau seulement pour nettoyer nos manières de vivre et de penser, mais qu’on se risque à la boire, et qu’elle se mette à désaltérer la soif des gens et pas seulement à réguler ses envies d’un moment. 
 
Et soudain la noce reprend des couleurs. Le maitre du repas constate que l’eau est devenue du vin et du meilleur. Et il appelle le marié : « d’habitude on sert le bon vin en premier et quand les gens ont bien bu, on sert le moins bon. D’abord on émoustille les gens avec de bonnes choses ; après on peut servir n’importe quoi. Mais toi c’est maintenant que tu sers le bon vin ».

Qui donc est en train de nous servir ce bon vin maintenant ?
Si c’est Jésus-Christ qui nous le sert maintenant ce bon vin, que faut-il entendre ? Qui est-il au juste ce Jésus?
Nous venons de célébrer son baptême. Nous avons entendu que la vie de ce Fils d’homme était entièrement commandée par le lien avec son Père. Qu’il était venu en ce monde pour y vivre selon une seule Loi : l’énergie d’amour entre lui et son Père ; l’énergie de l’Esprit saint. Et vivre pour lui, c’est habiter ce monde en situation de transit vers son Père. C’est aller de ce monde à son Père. 
 
Son Père l’a envoyé pour qu’il nous révèle cette manière de vivre dans le monde, et qu’il l’épouse. C’est son désir, son amour, pour la terre et pour nous. Il offre à tous les hommes de vivre avec Lui, par Lui, et en Lui. Tous ceux qui ont été envoyés par Dieu sont désormais clairement les témoins de ce qu’est la vie humaine : une migration vers le Père, habité par la force d’aimer de son Fils.
Tel est le bon vin qui nous est servi maintenant : chaque fois que vient en nous ou chez l’une des personnes que nous côtoyons quelque chose qui nous éblouit, qui nous déborde, qui nous entraine au-delà du champ clos de nos habitudes, de nos points d’appui, de nos références, plus loin que la zone où tout est réglé d’avance, maîtrisée, sécurisée, protégé, c’est le parole de Dieu qui visite notre chair, qui y plante sa tente. Ne laissons pas passer ces impacts de la présence du Christ en nous. Ne disons pas qu’ils sont trop rares pour rendre compte de notre condition humaine, et pour tenir une importance véritable dans le cours de nos vies et des relations. Rendons grâces pour ces impacts du travail de Dieu chez nous. Gardons en la mémoire. C’est vital pour nous et notre monde.

Aujourd’hui c’est la 102° journée mondiale du migrant et du réfugié. La plupart d’entre eux n’ont pas de toit, pas de travail, pas d’accès aux soins ni à l’éducation de leurs enfants. Quand ils arrivent chez nous, ils ne nous montrent pas seulement les effets dévastateurs de la violence des uns et de l’égoïsme des autres. Ils mettent sous nos yeux une part du mystère de l’humanité, celle de notre migration vers notre Père qui est aux cieux. Ils attendent de nous un geste de réconfort, de partage, qui soit le signe que le Christ ne les a pas oubliés ou abandonnés. Ils attendent que nous leur donnions à boire leur part du vin des noces de Cana.
Vu de chez nous, ils ne sont pas forcément les bienvenus. Leur arrivée risque de modifier certains aspects de notre culture, de diminuer nos chances pour une croissance confortable. Ils sont alors pour nous l’autre versant du témoignage de Jésus-Christ, celui des souffrances humaines, de notre résistance à sortir de nos acquis, de notre crispation sur les choses qui passent, de notre peur devant notre propre condition de migrant. 
 
La paroisse est un vieux mot qui désignait dans la ville un quartier où vivaient les gens de passage. Nous habitons symboliquement dans le monde des endroits où les hommes ont appris du Christ que nous sommes en transit vers la maison du Père. C’est dans cette perspective que les migrants et les réfugiés peuvent devenir aussi une opportunité pour vivre une autre croissance humaine, sociale et spirituelle.
De toute façon ils font partie du moment de l’histoire que nous avons à vivre. A nous d’y voir un moment favorable pour notre trajectoire d’êtres humains en route vers la condition commune d’enfants de Dieu. A chacun d’y prendre la part qui lui paraît possible.
 
Il nous est proposé aujourd’hui de remplir des fiches sur lesquelles figurent quelques-unes des façons concrètes de nous préparer à les accueillir. L’année de la miséricorde est le temps qui nous est donné pour reprendre conscience de la façon dont Dieu aime les hommes ; comment il insiste, et nous prend par la main pour passer de notre condition terrestre à celle de fils de Dieu. La miséricorde nous vient de Lui, sans qu’on en choisisse forcément les circonstances et les conditions. A nous de décider la forme d’hospitalité que nous allons lui offrir.

Jean-Pierre Duplantier

Baptême de Jésus / Une homélie

"Le peuple venu auprès de Jean le Baptiste était en attente," le peuple attendait qui ? Le peuple attendait quoi ? La question qu'il se pose en lui-même nous éclaire. "Si Jean n’était pas le Christ." Mais pourquoi attendent-ils le Christ ? Qu'attendent-ils du Christ ?
En ce temps-là, le peuple vit dans la crise économique, les pouvoirs s'empilent et prélèvent chacun des impôts diminuant ainsi le pouvoir d'achat et pénalisant la consommation. En ce temps-là, le peuple vit dans l'insécurité, les juifs sont occupés par les romains et les révoltes sporadiques sont matées violemment.
Alors le peuple se rassemble autour de Jean le Baptiste qui pourtant ne propose ni solutions économiques, ni programmes politiques. Jean le Baptiste appelle à une conversion. Il demande simplement à chacun de se reconnaître pécheur et de se fier à la miséricorde de Dieu.
Chacun est appelé à se laisser regarder par Dieu et pour marquer cette conversion à être plongé dans l'eau boueuse du Jourdain.
Jean le Baptiste, déjà s'efface devant celui qui vient, il perçoit lui-même sa petitesse, lui le précurseur, il annonce que le baptême de Jésus sera plus puissant que le sien : "Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu."
Et de fait, nous les baptisés avons été plongés dans la mort et la résurrection de Celui qui vient sauver l'humanité embourbée dans ce qu'elle crée.
En 2016, le peuple vit dans la crise économique, le chômage est endémique, il se propage et s'auto-alimente. Contrairement au temps de Jésus, la consommation augmente dans des proportions inimaginables bien au-delà de ce qui peut être acquis et produit. Elle augmente au détriment de la terre qui est créée pour nous nourrir. A la crise économique s'ajoute la crise écologique. En 2016, le peuple vit dans un environnement qui se détériore.
En 2016, le peuple vit dans l'insécurité, je ne vais pas revenir longuement sur le séisme qui nous a secoués le 13 novembre Mais depuis cette nuit de l'horreur, il ne se passe pas une semaine sans ressentir les répliques de ce tremblement. Cette semaine encore, un fanatique s'est précipité à l'assaut d'un commissariat de police à Paris. Est-ce un attentat ? On ne le sait pas mais cela est vécu comme tel.
Autant dire que l'époque n'est pas réjouissante.
Alors presque comme au temps de Jésus, nous nous rassemblons, ici autour de cet autel, invités par celui qui vient nous sauver.
Mais contrairement à ceux qui venaient auprès de Jean le Baptiste, nous nous avons été baptisés dans l'Esprit saint et le feu. Nous sommes témoins pour nous de la rencontre avec le Père qui s'adresse à nous mystérieusement et nous dit chaque jour que nous vivons notre baptême : "Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie." Le baptême en Jésus Christ fait de nous des frères en Jésus. Cette phrase : "Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie." Elle s'adresse à nous. Alors allons-nous garder cette joie pour nous ? Allons-nous la garder bien cachée en nous ? Allons-nous la contempler en nous confortablement installés dans la certitude d'être sauvés ?
Non, là n'est pas notre rôle de baptisés, là n'est pas notre devoir, là n'est pas notre responsabilité. Le baptême nous fait prêtre, prophète et roi. Les prophètes que nous sommes, sont chargés de porter l'Evangile au monde. N'oublions pas qu'Evangile signifie Bonne Nouvelle.
Alors portons cette Bonne Nouvelle, et portons-la dans la Joie, dans cette joie que le Père met et puise en nous.
Nous ne sommes pas chargés de convertir le monde, nous sommes seulement chargés d'annoncer la Bonne Nouvelle. Convertir, c'est le travail du Père, laissons-lui la tâche la plus difficile et surtout ne prenons pas sa place.
« Ne soyez jamais des hommes et des femmes tristes », exhorte le pape François, car « un chrétien ne peut jamais l’être ». En effet, explique-t-il, la joie du chrétien « n’est pas une joie qui naît du fait de posséder de nombreuses choses, mais elle naît du fait d’avoir rencontré une Personne : Jésus, qui est parmi nous ».
Et la première vraie rencontre du chrétien avec Jésus, c'est lors de son baptême. Cette joie naît de son baptême.
Alors pour 2016, puisque les vœux peuvent s'adresser jusqu'au 31 janvier, je nous souhaite de la joie.
Cette joie qui naît de la rencontre avec le Seigneur.
Cette joie qui est véritablement communicative car elle désigne le chemin vers l'Amour.
Cette joie qui n'est pas vindicative car elle mène vers la paix.
Cette joie qui est féconde car elle conduit vers la vie.

Tous, ils comptent sur toi
pour recevoir leur nourriture au temps voulu.
Tu donnes : eux, ils ramassent ;
tu ouvres la main : ils sont comblés.

Amen !
Dominique Bourgoin, diacre