Aveugle de naissance ! Ce n'est pas normal. Chacun a le droit d'entrer
dans la vie avec toutes ses chances. S'il est dans cet état, c'est que
quelqu'un en est responsable. Il y a eu une faute quelque part. Et comme
l'homme est crée bon, ce ne peut être
une erreur de sa part, c'est donc forcément
une faute des parents ou de lui-même. Voilà ce que pensent les disciples. Et
nous sommes comme eux. Il y a la création, puis le péché et à la fin la rédemption.
Or Jésus refuse ce discours
imaginaire. Ce n'est pas du côté du péché qu'il faut regarder, mais du côté de l'oeuvre de Dieu qui va se manifester
chez cet aveugle. Le péché est ailleurs. Je vous invite ce soir à garder et à
contempler cette révélation du Christ.
D'abord le geste de Jésus
: de la terre et de la salive sur ses yeux. Une manière d'évoquer l'acte
créateur de Dieu. Nous avons été modelés avec de la poussière et la parole de Dieu. Mais cet acte créateur ne s'arrête pas là. Jésus ajoute la piscine
de Siloé, de l'envoyé : il faut y aller se laver. Comme l'écrit saint Irénée,
«Dieu a modelé l'homme en vue de ses dons..., Il lui fallait encore habituer
l'homme sur la terre à porter son Esprit, à vivre en communion avec Lui.» Il
fallait que l'homme aille se laver de tout ce qu'il construisait à son propre
compte qu'il apprenne à tenir compte pas à pas de ce que l'envoyé du Seigneur
lui montrait, concernant le chemin qu'il devait suivre pour que s'accomplisse
ce que Dieu désire pour lui. Il fallait qu'il puisse voir dans le cours
de sa vie sur terre comment le Christ Jésus le
conduit par la main.
Voilà ce que voit Jésus chez l'aveugle-né : au commencement, l'homme
reçoit de Dieu tout ce qu'il faut pour qu'il devienne fils à son image et à sa
ressemblance. Mais il ne peut pas devenir ce Fils par lui-même. Sa
connaissance, sa volonté et sa force sont incomplètes. Il ne peut pas vivre
sans la présence de l'Esprit, la Parole
de Dieu en Jésus-Christ et la grâce du Père. Le péché, c'est résister,
puis refuser l'oeuvre de Dieu au long cours, à chaque moment de son existence charnelle. C'est résisté maintenant.
Tous les acteurs du récit que nous venons d'entendre s'efforcent de ne
pas voir ce qu'ils ont sous les yeux. Les voisins, les pharisiens, les parents
ont tous de bonnes raisons de ne pas faire le lien avec la guérison de cet
aveugle et leur propre situation. Alors ils le chassent. Et Jésus va
retrouver l'aveugle. Il vient nous retrouver ce soir, maintenant. Crois-tu au
Fils de l'homme ? Qui est-il ? C'est
moi qui te parle. Viens te laver dans la piscine de l'envoyé. Tu as appris à nager plus ou moins bien dans les eaux du
monde où tu vis. Comme beaucoup tu as peur de te noyer dans ces eaux
tumultueuses et incontrôlables. Tu t'accroches à tout ce qui te semble flotter encore : Les habitudes, les
convictions, le valeurs qui soutiennent le vie familiale, nos parcours
professionnels, nos comportements sociaux. En eux-mêmes ces repères ne
sont pas notre péché. Le danger réel vient de ce qu'ils nous enlèvent le temps
et le goût de devenir familier au quotidien
du travail que fait le Christ Jésus en nous et autour de nous, d'en prendre les
moyens et d'obéir à ce qu'il nous montre.
Nous allons vivre deux
gestes : celui de l'aveu et celui du pardon. L'aveu de l'état de notre relation
avec le Christ, de notre prière, de notre capacité à voir ce qu'il fait en nous
et autour de nous en ce moment. Le pardon qui nous est donné dans le geste du
prêtre, afin de nous donner à voir sa miséricorde : le Seigneur se réjouit de
ce que nous revenons à Lui.
Jean-Pierre DUPLANTIER
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