Ton Père qui voit dans le secret te le rendra / Cendres / Une homélie

Ce soir, mes amis, nous entrons dans ce beau temps du carême.
Ce temps propice à la conversion. Ce temps favorable pour laisser le Père scruter notre cœur. Pour nous laisser regarder. Il est venu le temps de faire la vérité sur nous-même.

Ce soir il est question de regard dans l'Evangile de Matthieu
"Ton Père qui voit dans le secret te le rendra."
Je propose que nous nous arrêtions sur ce regard. Sur ces regards.
Dans les trois invitations de Jésus pour devenir juste, nous retrouvons une opposition entre le regard des autres que certains essayent de capter et le regard du Père dans le secret.
Le regard est important pour nous. Outre le fait que parfois nous aimons être regardés, admirés, le regard nous fait exister.
Parfois, des personnes ont un sentiment d'exclusion car elles sentent sur elles des regards qui se détournent. De fait, le regard est une composante importante de l'intégration sociale. Je pense à ce SDF que nous évitons. A cette personne handicapée devant laquelle nous baissons le regard. Les actes de violence que nous ne voulons pas voir.
Imaginons-nous dans la peau de l'homme invisible. Personne ne porte le regard sur nous dans la rue. Personne ne nous salue sur notre lieu de travail. Plus personne ne se soucie de nous. Nous sommes comme morts. La folie nous guette comme cela est raconté dans le livre d'Herbert Georges Wells. Et cette folie peut aller jusqu'à la violence et le meurtre.
Dans le texte de Matthieu, il n'est pas question de ce genre de regard. Il s'agit de capter le regard des autres et de forcer l'admiration. Le regard des autres est retenu prisonnier par des artifices, la musique, le bruit, l'attitude. C'est l'autre versant de notre péché. Parfois nous ne voulons pas regarder et par ailleurs nous cédons de temps en temps au désir d'être admirés.
Le temps du Carême nous invite à nous défaire de tous nos artifices pour faire la vérité en nous devant le Père.
Pensons à Jésus qui n'a pas soigné son image, comme on dit. Pensons à ce qu'il donne à voir de lui sur la croix. Lui qui n'a pas péché, est identifié au péché. Parce qu'il est cloué sur le bois de la croix comme un malfaiteur.
Jésus nous invite à nous débarrasser de cette tendance pour laisser venir sur nous, le regard du Père. Il s'agit de découvrir un regard plein de tendresse et de miséricorde. Il s'agit d'être vrai car le Père nous connait. Il sait ce qui est de l'ordre de l'ombre chez nous.
Et si, en se mettant en vérité devant le Père, le cœur ouvert, viennent les larmes, soyez consolés, ce sont de belles larmes qui purifient.
Ce regard, les Evangiles en parlent abondamment. Jésus pose de nombreuse fois son regard sur ceux qu'il rencontre.
Le regard du Christ s'adresse à chaque personne en particulier. Ainsi il s'adresse à Zachée sur lequel il lève les yeux et le rejoint dans sa maison.
Il lève son regard sur la femme adultère qu'il ne condamne pas.
Il pose son regard et aime le jeune homme riche qu'il ne juge pas.
Il regarde Pierre dans les yeux et ne l'accable pas en dépit de sa trahison.
Il pose même son regard sur les pharisiens avec lesquels il partage des repas. Les pharisiens qu'il enseigne et qu'il admoneste sans les rejeter.
Son regard est un enseignement vivant qui nous permet de nous interroger sur notre regard. Sur quoi portons-nous notre regard ? Comment regardons-nous les autres et les événements ? Quel regard portons-nous sur nous-même ? Comment nous laissons nous regardés, scrutés par Dieu ? Comment laissons-nous la lumière nous rejoindre ?
Dans un instant, nous allons recevoir une marque sur le front. Cette marque, nous allons la recevoir avec de la cendre. La cendre c'est un résidu, un résidu de lumière. La cendre c’est de la lumière qui a disparu.
Dans la nuit de Pâques, nous recevrons un cierge allumé. Ce cierge sera la lumière du Christ que nous porterons.
Entre temps, nous disposons de quarante jours pour vivre comme des saints. Comme nous le proposait Calixte dimanche dernier. Nous avons quarante jours pour vivre un saint Carême.
Laissons venir la lumière. Chassons l'ombre qui empêche le regard de faire lumière.
Je propose pour cette entrée en carême de chasser en nous la cendre qui obscurcit la lumière.
Je propose de nous retirer du regard des hommes, pour mieux sentir sur nous le regard du père.


N’aie pas peur ! Laisse-toi regarder par le Christ,
Laisse-toi regarder car il t’aime (bis)
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre

Appelés à faire de notre relation aux autres le reflet de la sainteté divine / Mt 5, 38-48 / Une homélie du Père Koulaté


 
Voici une belle affiche pour ce 7e dimanche ordinaire, le dernier avant l’entrée en Carême de cette année.
Elle contient tout à la fois notre identité chrétienne, indissociable de notre identité sociale ; elle nous révèle à nous-mêmes et elle rappelle que nous sommes, dans le monde, appelés à être missionnaires de la sainteté divine.
1.      Appelés à la sainteté
Qu’est-ce que la sainteté ?
Sans nous embarrasser d’envolées intellectuelles et de démonstrations théologiques, retenons simplement la conception paulinienne, qui me semble très universelle comme le terme lui-même.
Alors que chez les Hébreux l’on assimilait la sainteté strictement à Dieu et aux lieux de sa demeure (Jérusalem et le Temple), ou bien, chez les Grecs, à des lieux redoutés et objets à l’égard desquels on éprouve une crainte respectueuse, Paul, lui, applique le mot à des vivants :
« Paul, apôtre du Christ Jésus, par la volonté de Dieu, aux saints et fidèles dans le Christ Jésus qui sont à Ephèse » (Ep 1, 1).
« Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience » (Col 3, 12).
On peut multiplier les exemples.
La conception de Paul est en réalité l’usage du Nouveau Testament qui applique la sainteté à des vivants, des hommes et des femmes de tous les jours. Et cet usage témoigne d'une étonnante évolution, marquée par une compréhension très profonde du message du Christ : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ».
Alors que Luc opte pour le terme "miséricorde", Mathieu préfère l’adjectif "parfait" pour désigner la sainteté : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Cette invitation peut nous paraître incroyable, prétentieuse et nous amener à nous demander comment le Seigneur peut-il nous assigner un objectif aussi haut. Assurément, le Christ ne nous incite pas à singer le Créateur dans une ridicule imitation. Il nous invite au contraire à nous vider de notre vanité, à laisser s'évaporer nos prétentions et nos ambitions, même les plus légitimes, pour laisser nos vies être transfigurées par le Père en les habitant par sa présence. Comme vous pouvez le constater, « la perfection divine n'est pas une abstraction. Elle est une réalité concrète qui se révèle dans notre monde ». Car le Père habite le monde.
Ne perdons pas de vue que depuis dimanche dernier, nous méditons le sermon de Jésus sur la montagne : ce discours qui, par la densité de son contenu, mais aussi par sa place et sa longueur (il couvre 3 chapitres) est bien le premier des 5 que Mathieu attribue à Jésus. La station de Jésus sur la montagne est l'expression symbolique de l'habitation divine dans notre monde. « Dieu fait homme montre aux hommes que Dieu est présent en leurs vies. Dieu se manifeste dans sa Création par la créature faite à son image ». Dès lors, frères et sœurs puisque nous avons été appelés à être configurés au Père saint, n’oublions pas nous sommes aujourd’hui les missionnaires de la sainteté dans le monde.
2.      Missionnaires de la sainteté dans le monde
Comment, concrètement, annoncer aujourd’hui la bonne nouvelle de la sainteté :
-          Dans un monde où la religion est continuellement suspectée, où les avancées de la science et de la technologiques défient les fondements de la foi et rivalisent avec le Créateur dans leurs inventions ?
-          Dans un monde à où la violence et la contrainte sont devenues le langage des puissants, des forts, si bien que ne pas riposter c’est manquer de caractère.
-          Dans un monde où les relations entre les hommes sont empreintes de haine, ou tout au moins de méfiance ?
Moïse avait fondé un droit qui représentait déjà, en son temps, une considérable humanisation des rapports sociaux ; c’est la loi du talion, qui venait limiter la vengeance et mesurer la juste compensation d’une offense : un œil (et non pas 2) pour un œil ; une dent (et non pas une mâchoire) pour une dent abîmée.
Mais Jésus énonce aujourd’hui une solution radicale : « Ne pas riposter au méchant ». C’est une voie révolutionnaire pour ceux qui ont choisi la sainteté comme style de vie et qui savent désormais que le coup "justement" rendu n’est pas une fin, mais le début d’une réaction en chaîne de la violence. Tel est l’exigence du Royaume qui appelle à vaincre le mal par l’amour et suppose une dilatation du cœur de l’homme désormais ouvert à tous. Même aux méchant. Car sur eux aussi, le Seigneur fait lever son soleil ; et même aux injustes, il accorde les bienfaits de la pluie.
Le pape François avait donc raison de dire que « la sainteté c'est une qualité du regard qui fait que dans l'autre je ne vois pas d'abord le mal mais la manière dont il est aimé par Dieu ».
Et si Mathieu préfère parler de "perfection", c’est que pour lui la miséricorde étendue jusqu’à l’amour de l’ennemi constitue cette perfection attendue des fils.
Être missionnaires de la sainteté dans le monde aujourd’hui sera pour nous, frères et sœur bien-aimés, d’ordonner notre vie à l'évangile de la miséricorde pour nous mettre au service du monde et de la société. Personnellement et collectivement. Pénétrés de la sagesse rayonnante de Dieu, récusons avec courage toutes les fausses sagesses qui ne contribuent qu’à ériger des murs entre les hommes et à inoculer le venin de la haine sous toutes ses formes : raciale, religieuse, sociale,).
Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse. Amen.
Père Calixte Koulate

Contre son frère/ Mt 5 17-37 / Une homélie

(...)
Ça change quoi le surgissement du frère ?
Le surgissement du frère dans nos vies, marque la fin du Deux pour ouvrir le temps du Trois.
Le Christ, en nous faisant entrer dans une filiation nouvelle, en nous donnant un Père, nous retire d’un monde binaire, il nous fait entrer dans un monde trinitaire, un monde dans lequel il faudra désormais compter jusqu’à trois : Dieu, moi, et mon frère.

La fraternité que nous donne le Christ comme Fils, n’est pas celle des frontons de nos mairies.
Celle-là est une fraternité sans Père, c’est une fraternité « de principe », une fraternité de théorie, c’est une fraternité qui compte jusqu’à deux : il y a ceux qui en sont et ceux qui n’en sont pas.
Méfions-nous de ne pas transformer la fraternité évangélique, c’est à dire reçue sans cesse d’un autre, en cette fraternité volontariste dont nous serions les seuls artisans.

Ce que Jésus inaugure avec ce simple balancement dans le langage : « on vous a dit… et moi je vous dis » c’est une révolution, disons une conversion… un retournement.
Il n’abolit rien de la Loi, il la rend parfaite, complète, accomplie.
« vous avez appris… et moi je vous dis »
« Je vous dis » parce que je suis la Parole elle-même.

Vous avez appris qu’il y avait du deux, et moi je vous dis qu’il y a du trois
Vous avez appris qu’il y a l’eau et le feu
Et moi je vous dis que Dieu peut faire surgir le feu du milieu de l’eau,
comme pour Elie, comme pour le baptême à venir.

Vous avez appris qu’il y a la vie et la mort.
Et moi je vous dis que vous ignorez ce qu’est la vie et que la mort n’est pas ce que vous croyez.
Je vous dis que Lazare dort, et que ceux qui ne gardent pas ma Parole sont morts,
je vous dis que la vie véritable n’a rien à voir avec celle qui vous quittera bientôt.

Vous avez appris que le pain n’est que de la farine et de l’eau.
Et moi je vous dis que lorsqu’il est mêlé à de la Parole et du souffle, il devient un corps,
un corps qui n’est pas celui que vous connaissez,
un corps qui se donne et qui fait de nous des Fils… des frères.

Entrons joyeusement dans ce mystère
Avançons sans crainte dans cette Loi parfaite,
elle nous empêche de nous payer de mots et nous demande de consentir à la Parole véritable…
Avec elle, Dieu se glisse entre mon frère et moi.
Avec elle, mon frère se glisse entre Dieu et moi.

Amen
Sylvain, diacre





Vous êtes la lumière du monde / Mt 5 13-16 / Une homélie

"Vous êtes la lumière du monde." Jésus adresse à ses disciples cette phrase célèbre Il la prononce après les béatitudes sur la montagne près du lac de Tibériade.
"Vous êtes la lumière du monde." C'est aussi à nous que Jésus s'adresse, nous les baptisés, nous les disciples d'aujourd'hui, nous qui nous réunissons non pas sur une colline mais dans cette église de Gradignan parce que nous avons décidé de le suivre.
"Vous êtes la lumière du monde." Il y a de quoi se sentir flatter ce dimanche. On pourrait presque se prendre pour des lumières. Alors que ce qui nous est demandé c'est seulement d'être des lampadaires efficaces comme nous le disait ici même, il y a quelques années, le père Jean-Loup Ducasse.
Car oui, il s'agit de porter haut la lumière du Christ. Et ce n'est pas rien.
Ce n'est pas rien et cela peut même effrayer. Et cela nous effraie car nous nous pourrions interpréter cette parole comme étant appelés à être des porte-étendards et à arpenter la ville tel un Jonas appelant à la conversion dans la ville de Ninive.
Et bien non, il s'agit juste d'être la lumière du monde en toute modestie.
Pour cela, le texte d'Isaïe de ce dimanche peut nous éclairer, si je peux me permettre ce petit jeu de mots…
Alors ta lumière jaillira comme l’aurore," nous dit le prophète. Pour cela, il propose de partager son pain, d'accueillir celui qui n'a pas de toit et de vêtir celui qui est nu. Et surtout, le prophète ajoute de ne pas se dérober devant son semblable.
En fait, pour faire briller la lumière, il faut prendre soin de son frère et pas seulement des plus démunis. Prendre soin des autres, voilà une manière simple et efficace de ne pas mettre la lumière sous le boisseau. Les manières sont multiples de prendre soin les uns des autres. Et je suis certains que tous ici vous faites briller la lumière du Christ à votre manière.
Bien sûr dans le service du frère, il y a les associations caritatives. Elles ont toujours besoin de bénévoles. Ce service n'est pas facile mais un fardeau quand il est partagé devient tout de suite plus léger.
Il y a aussi les visites des malades, des personnes âgées, les personnes seules. Je connais une personne dans mon quartier qui fait cela, hors de toute structure, en toute discrétion, seulement avec son cœur.
Il y a la pièce qu'on donne aux personnes qui tendent la main à l'entrée de l'église, ou bien simplement leur dire bonjour, leur sourire, leur donner l'occasion de se sentir semblable.
Et puis, il y a une action primordiale pour prendre soin de ses semblables. Il ne faut pas oublier la prière. Le prophète ne dit-il pas : "Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra". Prier pour ceux qu'on aime, pour ceux qu'on n'aime pas, pour ceux qu'on ne connait pas, voilà une autre manière de faire jaillir la lumière sur le monde. La petite Thérèse avait découvert dans cette action sa mission. Elle priait pour ceux qui ne croient pas. Elle a prié pour un condamné à mort afin qu'il se convertisse avant de passer à la guillotine.
Enfin, judicieusement Isaïe nous adresse une recommandation utile pour notre humilité. Je le cite : "Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche." La justice, ce n'est pas nous. La justice, elle ne nous appartient pas. La justice elle n'est pas avec nous. La justice il s'agit de la suivre. La justice c'est le Christ. Le christ, il ne nous appartient pas. Dans nos vies, nous sommes appelés à suivre le Christ, et l'étendard, qu'il ne s'agit pas de porter, c'est la gloire du Seigneur qui ferme la marche.
Alors comme Paul dans sa lettre aux corinthiens nous pourrons dire que ce n'est pas avec prestige que nous annonçons le Christ, ce n'est pas pour notre propre gloire mais nous l'annonçons dans la simplicité de nos vies, avec nos faiblesses et nos écarts.
Nous sommes porteurs de lumières dans le soin à nos frères et dans la joie de suivre le Christ.
Voilà pourquoi, je vais une nouvelle fois dire sur nous ces paroles car elles nous font du bien. Je vais nous les adresser de nouveau pour qu'elles pénètrent notre chair et touchent notre cœur. Je vais les faire reposer sur nous comme une action de grâce pour toutes les petites actions qui dans nos vies font jaillir la lumière du Christ. Je vais les redire pour que nous les accueillions dans l'humilité de nos vies :


"Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde."


Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.