Ma royauté n'est pas de ce monde / Jn 18 33-37 / Une homélie


Ce dimanche, nous fêtons le Christ Roi de l'univers et aujourd'hui c'est la journée du Secours Catholique. Je me suis étonné une fois encore sur le rapport entre la figure du Christ Roi et celles des pauvres. Car ce n'est pas la première fois que je suis chargé de l'homélie pour cette occasion. Je dirai même que c'est chaque année que je prends le service de la parole pour le Christ Roi
Alors, cette année, je propose de méditer sur l'écart entre le roi et le pauvre. Commençons par décrire l'un, puis l'autre.
Le roi.
Le psaume nous donne une description assez précise de ce qu'est un roi. Un roi est vêtu de magnificence. Un roi est fort. Les volontés du roi ne peuvent pas être changées.
Dans la lecture de Daniel, le roi est un fils d'homme et tout le monde le sert.
Ces descriptions correspondent bien aux images que nous nous faisons des rois.
Le pauvre.
J'ai cherché une description du pauvre dans les Evangiles et j'en ai choisi une dans Matthieu : "Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !"
Les bénévoles du Secours Catholique, ceux de "saint Vincent de Paul" et ceux de l'association "A nous tous" peuvent témoigner que cette description correspond à la plupart des situations rencontrées lors des permanences d'accueil et d'écoutes.
Je voudrais vous donner l'exemple concret d'une rencontre au secours catholique. Lors d'une permanence, une mère de famille vient demander une aide financière. Pendant la rencontre, nous apprenons que cette famille de cinq personnes vient d'Algérie. Ils sont sans papier. Ils habitaient le squat de Gradignan qui a été évacué début juillet. Nous apprenons que quelques-unes des familles évacuées sont relogées à la cité jardin. Cette famille demande l'asile médicale parce que Malak, la petite dernière est atteinte d'une maladie qu'on ne peut pas soigner dans son pays. En revanche, elle a une chance de vivre si elle est soignée en France. En attendant leurs papiers, ils survivent tant bien que mal avec les aides financières qu'ils reçoivent ça et là. A la fin de la rencontre, j'ai dit à cette mère courage que je prierai pour Malak, sa fille. Je vous invite vous aussi à prier pour Malak et pour toutes ces mères qui font l'impossible pour leurs enfants.
Mais revenons à l'Evangile.
Ces évocations du pauvre ne correspondent-elles pas à la situation dans laquelle se trouve Jésus dans l'Evangile de ce dimanche du Christ Roi de l'univers ?
Quand Pilate interroge Jésus, celui-là n'est pas dans une situation enviable. Il est passé devant plusieurs tribunaux. Il est rejeté par les siens, les juifs, il est donc considéré comme un étranger. Il a été giflé. Il a été molesté. Il est emprisonné. Il sera dévêtu. Il sera fouetté.
Pourtant quand Pilate interroge Jésus, il lui pose une question précise à caractère politique : "Es-tu le roi des Juifs ? " Es-tu un roi destitué par ton peuple ? N'as-tu pas conspiré contre le pouvoir en place ? Es-tu la victime d'un coup d'état ?
Jésus rassure Pilate : "Ma royauté n’est pas de ce monde".
Son manteau de magnificence c'est son vêtement de laine sans couture. Sa force tient dans sa faiblesse. La domination de Jésus tient dans la question qu'il pose à Bartimée "Qu'est-ce que tu voudrais que je fasse pour toi ?"
Monseigneur Rodhain, le fondateur du Secours Catholique, écrivait « Aider, c’est d’abord aimer ; rencontrer, faire exister l’autre par la relation. » à la manière du Christ qui jamais n'impose mais demande "Qu'est-ce que tu voudrais que je fasse pour toi ?"
« Alors, tu es roi ? » lui répond Pilate. Oui, Jésus est ce roi qui lève les yeux sur ses sujets. Il est le plus bas. Il nous fait le don de la pauvreté pour nous-même. Il fait ce don pour que nous découvrions sa présence dans la pauvreté.
C'est dans cette visée que saint Vincent de Paul a dit : "Les pauvres sont nos maîtres".
Le pape François va plus loin en affirmant que les pauvres sont un sacrement du Christ. Les pauvres nous donnent la joie de la rencontre avec Jésus. Une rencontre à la fois profonde et concrète.
C'est pour cela que le service du frère est un pilier important de l'Eglise. Un pilier que tous nous sommes invités à soutenir. Ce service n'est pas réservé à quelques-uns d'entre-nous. Il est ouvert à tous. C'est même un devoir pour tous les disciples.
Et il n'y a pas d'écart entre le Christ Roi et le pauvre. Ils se confondent dans la figure de Jésus.
Toi le Roi viens nous rappeler à notre devoir.
Toi le Roi, donne-nous la joie de contempler ta magnificence dans les pauvres que nous rencontrons.
Toi le Roi, accueille-moi comme un pauvre dans ton royaume.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Heureux désastre / Marc 13 24-32 / une homélie

Codex Italien du XVème siècle

Contrairement à ce que la traduction que vous venez d’entendre dit, ce texte ne parle pas de la venue de Jésus, mais de la venue du Fils de l’homme…. Et ce n’est probablement pas la même chose.

Pour en parler, Jésus utilise une série d’images que nous connaissons bien, qui remplissent notre imaginaire et les imaginaires de tous les hommes depuis les origines.
Il est question de la fin du soleil et de la lune, de la chute des étoiles, de l’ébranlement des puissances célestes.
Ce qui est stable de toute éternité, ce qui marque nos repères de temps, de saison, ce qui rythme la vie du monde depuis toujours, ce à quoi l’on peut se raccrocher quoi qu’il arrive, tout cela se met à vaciller, à perdre de sa puissance, à tomber.
Quand les astres tombent, on appelle ça le désastre !
Et le désastre, ça nous terrifie.

Alors ? Jésus est-il en train de vouloir nous faire peur ?
Nous présente-t-il la venue du Fils de l’homme comme une menace ?
Le sommet de la Bonne Nouvelle serait-il une catastrophe ?
(...)
N’ayons pas peur du désastre.
N’ayons pas peur de voir tomber les astres qui n’ont rien à faire dans notre ciel.
Ceux qui nous encombrent, ceux qui se font passer pour Dieu, ceux qui brillent trop fort, qui parlent trop fort.
La gloire et la puissance du Fils de l’homme qui vient, c’est comme l’évidence d’un figuier qui renaît : C’est silencieux, c’est tout petit, c’est fragile.
Pourquoi s’inquiéter ? Jésus nous l’assure : le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Dans le désastre, à quoi allons-nous nous raccrocher ? Au ciel ? A la terre ? Ou à ses paroles ?

Viens Seigneur désencombrer nos cieux
Viens y éteindre ce qui n’est pas toi
Tu te tiens à la porte, tout proche

Amen
Sylvain diacre