Le Saint Sacrement / Une homélie

(...)
« ceci est mon corps » « ceci est mon sang »
Saint Cyrille déclare : «  ne va pas te demander si c'est vrai, mais accueille plutôt avec foi les paroles du Seigneur, parce que Lui qui est la Vérité, ne ment pas »
(...)
Deux pièges nous guettent au pied de l'autel :
- D'une part, de remplacer ce corps nouveau par un corps magique.
- D'autre part, d'entrer dans cet ordre nouveau avec les repères de l'ordre ancien.

La sainte hostie n'est pas une pastille magique. Le prêtre n'est pas un magicien.
Pas de tour de passe-passe ici, pas de formule magique qui transformerait le pain en corps comme on changerait une pierre en pain... ça, c'est la proposition du diable dans le désert !
Non. C'est le Christ lui-même qui agit et qui se rend présent.
Réellement. C'est à dire sans mensonge, sans magie.
Mais il ne propose pas d’acquérir par là des super-pouvoirs...
il propose de communier à son corps,
de faire corps dans son corps. Parce que son corps est l'unique corps réel.

C'est pour ça qu'il n'existe pas de portion individuelle, son hostie à soi, son Jésus à soi, pour soi. Toute hostie est une hostie rompue, partagée. Les petites hosties ne sont que des parts de la grande hostie rompue à l'autel.
Il ne se donne pas seulement pour moi qui communie, mais pour la gloire de Dieu et le Salut du monde.

Et si il est primordial d'avoir le plus grand respect pour l'hostie consacrée, méfions-nous de nos scrupules mal placés. Ils sont la marque que nous projetons sur cette substance nouvelle ce que nous croyons connaître du corps ancien.
(...)
Ne nous trompons pas d'objet, ne refermons pas ce qui est ouvert, ne croyons pas saisir ce qui nous échappe.
N'oublions jamais que dans la célébration eucharistique, la présence réelle du Christ est en quatre lieux : Dans l'hostie consacrée évidemment, de façon substantielle et permanente, mais aussi dans la personne du ministre, dans sa parole et dans l'assemblée elle-même.
Entendez bien : vous êtes présence réelle.

Aujourd'hui, nous fêtons la rencontre de l'assemblée-présence-réelle avec le pain et le vin, présence réelle dans la substance.

Que ceux qui distribuent la communion se souviennent qu'ils doivent impérativement dire pour être entendus « le corps du Christ », et que ceux qui la reçoivent n'oublient pas qu'ils doivent répondre « Amen ». Pas pour faire joli, mais parce que c'est la marque qu'ils ont discerné le corps. Qu'ils sont là, non par habitude, mais parce qu'ils sont aimantés par la foi.
« Amen », ce n'est pas « merci », c'est « je crois ».

Amen
Sylvain diacre

« Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde »/ dimanche de la Trinité / Une homélie

Depuis la célébration de la Pentecôte nous sommes entrés dans le temps que nous appelons ordinaire, le temps de l'Esprit. C'est aussi le temps de la présence  et de la relation. 

Au début de ce long temps liturgique l'Eglise nous invite à méditer quelques mystères centraux de notre foi. Le mystère est la révélation lente et progressive au temps de notre vie terrestre de la vérité de Dieu pour nous et en nous qui se dévoilera en plénitude dans le Royaume.
 La confession de foi en un Dieu unique , Père et Fils et Esprit, est la marque spécifique des disciples du Christ et c'est Jésus lui même qui utilise cette figure trinitaire pour dire « Dieu ».

« Baptisez-les au nom du Père ET du Fils Et du Saint esprit » L'importance du ET pour dire l'unicité de Dieu et la distinction des trois « personnes » divines..
Certains penseront peut-être que la Sainte Trinité est une complication dogmatique, une sophistication théologique, une énigme à résoudre , un secret pour des initiés.

Il y a une dizaine d'années, au cours d'une retraite d'enfant, j'ai entendu une perle magnifique. Un enfant de neuf ans à qui on demandait de dire ce qu'était la Sainte Trinité à répondu : « Tu ne sais pas ce que c'est? Eh bien je vais te l'apprendre : on ne peut pas aimer tout seul » Comment être plus clair pour dire ce mystère qui nous dévoile en quelque sorte l'intimité de Dieu et nous ouvre aussi au mystère de tout humain.
Le mystère de la Trinité nous fait découvrir ce qu'aimer veut dire. A travers les évangiles et la liturgie de l'Eglise c'est flagrant : Le Père et le Fils et l'Esprit chacun renvoie aux deux autres et s'efface pour mettre les autres en valeur. ;
le PERE : (un nom) Lui que nul n'a jamais vu s'efface devant le Fils ( Dans le symbole des apôtres , deux lignes pour le Père et dix lignes pour le Fils) Le Père ne fait rien sans l'Esprit dès le début de son oeuvre créatrice.
LE FILS ( un corps) Dans le chant du « Gloire à Dieu » on le réfère tellement au Père qu'on dit de lui « Seigneur Dieu, Agneau de Dieu, le Fils du Père » Superbe pléonasme qui souligne l'impossibilité de parler de Jésus sans parler du Père. Jésus renvoie toujours au Père et s'efface devant l'Esprit qu'il annonce et promet.  « Il est bon que je m'en aille. » « L'Esprit vous donnera des choses plus grandes encore. »
L'ESPRIT. (le souffle d'une relation) C'est lui qui fait nommer Dieu « Père »- « L'Esprit fait de nous des fils qui crions vers Dieu en l'appelant « Abba » L'Esprit nous oriente vers le Père et nous renvoie toujours à Jésus. »
La fête de la Sainte Trinité nous rappelle que aimer c'est ne pas chercher sa propre gloire, mais vouloir que l'autre grandisse, aime et soit aimé. Ce mystère est comme un repère qui nous renvoie à notre propre vivre ensemble.
C'est ce que souligne le Pape François dans son exhortation « La joie de l'amour » en déclarant que
« Le Dieu Trinité est communion d'amour et la famille humaine est son reflet vivant. Dieu dans son mystère le plus intime, n'est pas une solitude, mais une famille puisqu'il porte lui-même la paternité, la filiation, et l'essence de la famille qui est l'amour incarnée par l'Esprit Saint. »-  «  En contemplant le mystère de la communion divine faite d'unité et de distinction, on pressent que la vie d'une famille est faite d'une juste autonomie des personnes, et en même temps d'une nécessaire interdépendance. »(fdc) Il n y a d'unité possible que dans la distinction, sinon c'est la confusion.
Même si souvent en ce 21e siècle la famille est en crise , ou blessée, voire amputée, chacun peut avoir à coeur, même dans les situations difficiles, d'agir plutôt pour l'autre et non pour soi même. D'invoquer et de contempler le Dieu Trinité pour discerner.
Et puis nous pouvons élargir ce que dit le Pape sur la famille, au sens plus large de ce mot. La famille humaine, nos relations de voisinage, de communauté, de travail etc.. .
Souvenons-nous que l'amour trinitaire est répandu en nous dès notre baptême, au nom du Père et du Fils et du saint Esprit. Que la grâce de cet amour nous est donnée à chaque Eucharistie qui est une liturgie hautement trinitaire. Au cours de la messe nous ne cessons de prier le Père qui nous donne le Fils par l'action de l'Esprit Saint.
« Toi qui est vraiment saint...sanctifie ces offrandes en répandant sur elle ton Esprit ; qu'elles deviennent pour nous le corps et le sang de Jésus le Christ notre Seigneur. » (Prière eucharistique )
Le mystère de la Sainte Trinité nous dit que la Bonne Nouvelle est une relation d'amour jamais achevée, toujours nouvelle, toujours ouverte et toujours à construire. L'amour trinitaire n'est pas une idéologie, mais une expérience à vivre et à partager dans le quotidien comme dans les grands moments de notre vie.
Jésus est clair il envoie les disciples comme les transmetteurs passionnés «  Apprenez-leur à observer ce que je vous ai commandé. » Cet envoi nous est adressé aujourd'hui.

Dieu, Père et Fils et Esprit saint, donne-nous la force et le courage d'être artisans de ton amour tous les jours auprès de ceux que tu mets sur notre route « Toi qui es avec nous jusqu'à la fin du monde »

Amen

Marie, Mère de l'Eglise / Lundi de Pentecôte / Une homélie

Aujourd'hui nous fêtons la bienheureuse vierge Marie, mère de l'Eglise.
Selon la volonté du Pape François, l'Église de rite romain célébrera désormais, chaque année, la mémoire de « la bienheureuse Vierge Marie Mère de l'Église » le lundi après la Pentecôte.
Comment s'articulent les relations de Marie et de l'Eglise ?
Tout d'abord, Marie est là, au pied de la croix quand son Fils rend son dernier souffle. Elle est parmi les témoins de la résurrection de son fils. Et Marie est présente en prière, discrète après l'Ascension du Christ.
Depuis l'origine, Marie, celle qui a été choisie pour porter le Fils de Dieu, elle veille sur le Fils. Tout ce qui blesse le corps de son Fils l'atteint comme un glaive qui lui transperce l'âme comme cela est relaté dans l'Evangile de Luc par Syméon.
Ensuite nous avons l'Eglise qui, depuis la Pentecôte, a reçu l'Esprit de Dieu.
L'Esprit Saint souffle sur les disciples et donne la force aux baptisés d'annoncer l'Evangile. L'Eglise est en marche. L'Église a reçu son carburant : l'Esprit-Saint.
L'Eglise a également reçu sa feuille de route, elle a pour mission d'annoncer la bonne nouvelle à toutes les nations et de baptiser les disciples au nom du Père et du Fils et de l'Esprit-Saint.
Grâce à Paul, on comprend mieux la relation de Marie et de l'Eglise.
Paul dans sa première lettre aux Corinthien s'adressant aux disciples du Christ de Corinthe et à nous par la même occasion, leur dit : "Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps."
Aujourd'hui encore, Marie, mère de l'Eglise, veille sur le corps de son Fils.
Ainsi tout le long du pèlerinage de l'Eglise sur terre, Marie, discrète, veille. Marie prie pour protéger l'Eglise des tourments. Elle souffre des blessures infligées au corps du Christ. Et quand ce corps s'atrophie, quand il dépérit, elle apparait. Elle apparait car elle a reçu de son fils la mission de veiller sur l’Eglise.
Nous venons de le partager, Jésus sur la croix, juste avant de rendre son dernier souffle, confie l'Église à sa mère. "Jésus, voyant sa mère, et près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : Femme, voici ton fils."
Et oui, Marie mère de l'Eglise n'est pas une image. Ne voyons pas dans "Marie, mère de l'Église" un concept de théologien, un symbole désincarné, l'objet d'un discours. Non Marie est bien une mère pour l'Eglise, c'est réel, c'est vrai.
Elle a toutes les attentions d'une mère pour son Fils. Comme nous le révèle Paul, Marie continue de prendre soin du corps de son Fils. Elle soigne tous les membres du corps de son Fils.


Ainsi à notre baptême, quand nous sommes incorporés au corps du Christ, nous gagnons une mère. Une mère qui veille sur nous comme sur tous les membres du corps de son Fils.
Et quand un membre de ce corps souffre, c'est tous les membres du corps qui souffrent et Marie avec eux ; et quand un membre de ce corps est à l'honneur, c'est tous les membres de ce corps qui sont à l'honneur et Marie avec eux. Tout cela nous pouvons le dire à la suite de Paul dans sa lettre aux corinthiens.
Alors, nous pouvons nous adresser à Marie, comme à une mère. Ce n'est pas compliqué nous avons tous une mère, nous avons tous une mère qui veille ou a veillé sur nous.
Nous avons tous fait l'expérience, du moins je l'espère, de notre mère au bord de notre lit alors qu'enfant, nous étions malades. Nous avons perçu dans les yeux de notre maman la joie quand nous avons annoncé une réussite.
Nous gardons le souvenir d'une caresse ou d'un câlin quand nous avons eu un gros chagrin.
Nous sommes appelés à la même relation avec Marie. Elle nous prend dans ses bras comme elle prend dans ses bras le corps de son Fils pour le consoler.
Marie exprime sa joie quand un des membres du corps de son fils se convertit et croit à l'Evangile.
Soyons confiants dans la constance de Marie, car jamais elle n'abandonnera son Fils. Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

L'Ascension / Une homélie

(...)
Jésus s'en va.
Il n'en fait pas un spectacle, en quelques mots l'affaire est faite et il y a même un petit nuage qui vient tirer le rideau.
L'ascension n'est donc pas à regarder.
Elle est là, non pour manifester un pouvoir magique de Jésus qui s'envole, comme superman le fera après lui. Elle est là pour dire le changement de lieu du corps de Jésus.
(...)
Jésus s'en va.
Mais jésus, c'est l'Homme et Dieu mêlé.
Vous vous souvenez : en Jésus la divinité et l'humanité sont liés pour toujours et sans distance entre l'une et l'autre.
Jésus, s'il monte au ciel, c'est l'humanité qui monte au ciel avec lui.
C'est notre nature qui monte au ciel. Le ciel devient notre terrain à nous aussi, le ciel de Dieu devient notre lieu, le lieu de notre chair.
Alors, vous l'avez compris désormais notre terrain est double !
Nous avons un pied sur terre, un autre dans le ciel !

Reste la liste... La liste un peu gênante de l'évangile.
Cette liste, probablement qu'elle est à lire. Qu'il faudrait la faire notre, l'apprivoiser, l'interpréter, en chercher les échos au plus profond de nous....
Cette liste, ce n'est pas la carte d'identité du croyant, c'est ce qui accompagne les croyants.
Ce n'est pas ce qui définit le croyant, ce qu'il faudrait manifester pour savoir si on est ou pas croyant, c'est ce qui se manifeste, qu'on le veuille ou non, quand on est croyant.

Les choses alors se renversent et à y regarder de plus près, je ne dis pas que tout sera plus clair, mais nous aurons peut-être des surprises :

- Peut-être que nous expulsons des démons... en son nom, sans le savoir.
Quand nous consolons quelqu'un, quand nous bousculons quelqu'un dans ses certitudes, dans ses idées fixes qui le tiennent en esclavage....

- Peut-être que nous parlons des langues nouvelles... en son nom, sans le savoir.
Quand par nos bouches, quelqu'un entend quelque chose qu'il n'avait jamais entendu, qu'on ne lui avait jamais dit comme ça, qu'il entend comme une langue nouvelle.

- Peut-être que nous saisissons des serpents... en son nom, sans le savoir.
Quand nous refusons que la Parole de Dieu soit pervertie (c'est le travail du serpent de la genèse), quand nous empêchons que la Parole se fasse sinueuse, louvoyante, empoisonnée.

- Peut-être que nous survivons à des boissons mortelles... en son nom, sans le savoir.
Quand on nous fait boire l'eau croupie du discours du monde, quand on nous fait avaler que des missiles sont intelligents ou que les pauvres sont des escrocs, ou que ceux qui ne croient pas au même Dieu que nous nous menacent... quand on nous fait avaler des couleuvres.

- Peut-être enfin que nos mains soulagent les malades... en son nom, sans le savoir.
Quand on serre une autre main.
(...)

Amen, Alléluia !
Sylvain diacre