Un troupeau / Jn 10 11-18 / Une homélie

(...)
Nous ne sommes pas ici dans la parabole de la brebis égarée, nous sommes dans une affaire de troupeau, les brebis comme groupe, comme mis ensemble.
Ce groupe, ce troupeau n’est pas laissé seul car Jésus se donne comme berger.
Ce qui va garantir que le groupe reste un groupe, c’est la présence de ce berger, la connaissance qu’il a de ses brebis et ce qu’il fait de sa vie pour elles.

Voilà un berger qui est aussi un fils, qui connaît ses brebis comme il connaît son père et comme le père le connaît. C’est à dire une connaissance intime, une connaissance à la fois filiale et paternelle. Pas une brebis qui n’aie pour lui un visage et un nom.
Mais la fonction de ce berger, son obsession, c’est le rassemblement.
Vous avez peut-être remarqué que le loup dans ce récit, celui qui représente l’ennemi, le grand danger pour les brebis, ce loup, quand il s’empare des brebis, ce n’est pas pour les dévorer comme le ferait n’importe quel loup de fable. Non, ce loup d’évangile, s’il s’empare des brebis, c’est pour les disperser.
Le danger, le vrai danger de mort pour ce troupeau, c’est de ne plus être troupeau. C’est d’être fragmenté, isolé.

C’est difficile pour nous d’entrer dans cette logique. Parce que notre idéal est un idéal individuel, individualiste. Nous voulons exister pour nous-même, très attachés à notre caractère unique et irremplaçable.

Cette histoire commune que Jésus propose et ouvre pour nous, c’est une aventure de lien.
Un commun possible parce qu’il s’inscrit dans le lien que le Christ inaugure avec nous.
Un commun qui serait le contraire d’une aliénation de masse parce qu’il serait construit dans son individualité à lui Jésus, dans son unicité à lui.
(...)

Entrer dans la logique de ce bon berger, c’est entrer dans un monde qui accomplit cet exploit dont nous sommes incapables : penser en communion, en groupe, en troupeau, sans nier la beauté de l’unique…
C’est entrer dans un monde où les morts ne sont plus seulement des chiffres pour faire des courbes, un monde ou l’on ne compte pas les lits en oubliant que des malades souffrent dedans…

Jésus dépose sa vie pour nous… et si nous tentions de déposer un peu de notre vie en Lui ?
Nous qui nous accrochons si fort à notre vie, qui vivons dans la terreur du jour où il faudra s’en dessaisir…
Puisque nous sommes à lui, puisqu’il est le bon berger, qui nous nourrit, qui nous protège, qui nous conduit, qui assure que nous ne soyons jamais séparés les uns des autres, lui dont la présence éloigne le loup de la division, ne pourrait-on pas nous dénuder un peu à notre tour devant lui ?
(...)

╬ Amen Alleluia
Sylvain diacre

Jésus vint, et il était au milieu d'eux / Jn 20 19-31 / Une homélie


"Jésus vint, et il était là au milieu d’eux." Est-ce de la magie ? Est-ce une des premières représentations de la cabine magique ? Est-ce pour le côté spectaculaire qu'il est précisé que la porte est verrouillée ?
 
Très, certainement non, les disciples ne sont pas réunis pour un spectacle !
Ils sont unis dans le désarroi, peut-on imaginer sans trop trahir le texte.
Ils sont unis dans la prière. Nous savons bien qu'une prière nait au bord de nos lèvres lorsque nous sommes perdus. 
 
Ce qui les réunit encore plus c'est le nom de Jésus-Christ. Ne sont-ils pas ses disciples ?
 
Ainsi se réalise, dès la résurrection, une des promesses de Jésus que nous pouvons lire dans l'Evangile de saint Matthieu au chapitre 18 : "Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux."
 
La prière, signe de la présence du Christ qui met dans notre cœur les paroles que nous adressons à Dieu.
 
La prière, appel au Christ à joindre sa prière à la nôtre. Nos voix se mêlent à la sienne pour adresser au Père la prière que lui-même inscrit dans notre chair. Le "Notre Père" se fond dans notre ADN, le jour de notre baptême quand nous l'entendons, pour la première fois, revêtu alors du vêtement blanc, revêtu du Christ.
 
La présence de notre sauveur, nous l'expérimentons chaque fois que nous nous réunissons dans cette église pour la messe. Le Christ est présent dès avant que nous franchissions le seuil. C'est lui et lui seul qui nous réunit, nous qui portons son nom. Il nous accompagne jusque dans nos maisons, jusque dans nos activités quotidiennes.
 
Il est présent également dans notre maison quand nous nous réunissons pour une prière domestique. Il accompagne également les personnes seules qui ne peuvent plus se rendre à l'église mais qui suivent la messe sur un écran.
 
La méditation de ce dimanche nous aide à mieux inscrire en nous-même cette phrase : "Jésus vint, et il était là au milieu d’eux."
 
Que produit cette venue ? Que perçoit-on de la présence du Christ au milieu de nous ? J'ose affirmer que nous recevons la paix : "Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »"
 
La paix est un des signes de la présence du ressuscité. La paix qui est adressée aux disciples, leur est confiée pour le monde. Cette paix reçue n'est pas destinée à rester dans un cocon. Elle n'est pas une richesse gardée jalousement par les baptisés, elle est à partager. Elle s'enrichit quand elle est diffusée.
 
La preuve que la présence du Christ ressuscité porte la paix avec sa parole nous est donnée par le comportement de Thomas. Il n'a pas des paroles apaisées quand les disciples lui relatent l'événement. Ses paroles sont dures, écœurantes. Il faut la deuxième apparition du Christ pour que Thomas trouve la paix.
 
La paix elle vient sur nous aujourd'hui comme tous les dimanches.
 
La demande de paix est présente dans toutes nos intentions de prières universelles, même si elle n'est pas explicitement exprimée.
 
Tout le long du carême, nous avons prié pour le squat de Gradignan, nous avons prié pour que l'évacuation se passe dans le respect et la dignité de ses habitants. Ainsi tout le long du carême, nous avons appelé l'aide du Christ pour que la paix déborde de ces murs et s'étende à quelques centaines de mètres.
 
C'est ce à quoi nous avons été invités. Il faudrait qu'un jour lors d'un forum, soient présentées, aux disciples que nous sommes, les belles choses qui sont réalisées suite à notre prière.
Les belles choses réalisées l'ont été grâce à notre conversion.
 
La conversion est un autre des signes de la présence du ressuscité. "Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux"
 
Le geste du Christ en rappelle un autre, celui relaté dans la genèse, quand Dieu souffle dans les narines d'Adam, quand il fait de lui un homme.
 
Dans l'Evangile de ce dimanche, le Christ recrée à son image ses disciples. Il les équipe du pouvoir de porter la paix au monde. Il leur donne la force d'annoncer l'Evangile au monde.
Aujourd'hui, le christ souffle sur nous et recrée pour que nous trouvions les forces nécessaires pour que germe la paix. Le souffle du Christ ravive notre baptême. Le souffle du ressuscité nous recrée à son image et nous introduit dans sa fraternité.
 
Recevons aujourd'hui ce souffle sur nous pour qu'il nous conduise dans la foi vers la Pentecôte, un souffle qui construit son Eglise sur des fondations solides car il en est la pierre d'angle.
 
Rendons grâce au Seigneur qui nous rassemble. Rendons grâce pour sa présence. Rendons grâce pour la paix qu'il nous adresse dans son souffle.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.
Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !
 
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Pâques, une joyeuse espérance


Après le don de l'Eucharistie et la passion de Notre Seigneur, vient le dimanche de Pâques qui commence avec la Vigile pascale, normalement dès le samedi saint au soir.

Cette année, suite au couvre-feu, nous la vivons à l'aube. La Vigile pascale est l'entrée dans le dimanche de Pâques avec cette veillée qui se veut un déploiement de l'Histoire Sainte avec ses grands thèmes : la Création, la Libération, l'Exode, la Purification, l'Alliance, la Rédemption, la Vie Nouvelle des enfants de Dieu dans le Christ Ressuscité.

Comme d’habitude lors de la Vigile, rassemblés autour du feu de Pâques, nous suivons le Cierge pascal pour nous réjouir de « Sa Lumière ». Comme nous l'avons entendu dire à Noël : « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. » Le peuple qui marchait dans les ténèbres est « le peuple de tous ceux qui sont marqués par la mort et qui revoient dans le Christ ressuscité celui qui a marqué leur passé, qui marque leur présent et leur avenir. Le Christ devient l'alpha et l'oméga. A partir de Lui, nous comprenons qui nous sommes et c'est lui qui nous fait comprendre aussi notre vocation. »

Cette fête de Pâques est à vivre dans la joie, avec un cœur renouvelé. Quand nous aurons à dire « le Christ est ressuscité », on nous répondra « Il est vraiment ressuscité », prendrons-nous conscience que nous participons à une page de l'Histoire Sainte ?

« Chacune de nos vies est appelée à être une page de l'Histoire Sainte ! »

Nos vies, toutes, sont des histoires plus ou moins compliquées, marquées par bien des difficultés parfois, tout comme les histoires de la Bible : d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, des prophètes à tant d'autres, sont des histoires très compliquées ; « mais ils ont tous cru et remis leur espérance dans le Seigneur ! »

Alors, avec le Christ ressuscité, il y a plus que l'espérance : c'est lui-même notre Espérance !

Lui qui nous appelle à la vie, à nous lever, à sortir de nos tombeaux (nos enfermements), à sortir de nous-mêmes et à reconnaître la splendeur de la lumière qui illumine toute existence, la nôtre, en particulier.

Alors, chantons notre Espérance, à la gloire de Dieu le Père, à son Fils ressuscité et à l'Esprit consolateur ! Alléluia, Amen !

Joyeuses Pâques !

Un matin / Mc 16 1-8 / Une homélie de veillée pascale


Je voulais faire une homélie qui serait un grand cri de joie, une homélie exaltée qui proclamerait la victoire de la vie, le règne de la lumière….
Et puis, j’ai senti que quelque chose ne tournait pas rond, tout ce que j’écrivais me semblait sonner faux, je n’étais plus très sûr d’être vraiment dans ces phrases...
Comment va-t-on crier notre joie dans un monde qui va si mal ? Dans un pays si plein d’angoisses, contraints par cette pandémie qui n’en finit pas ?
N’est-ce pas artificiel de proclamer la victoire de la vie quand la mort semble à l’œuvre partout ?

J’étais donc dans une impasse, et, au fond, je crois que ça venait toucher aux limites de ma foi.
Si je vous dis tout ça, ce n’est pas parce que ma vie est intéressante, mais parce que ça rejoint peut-être une impression commune, particulière au temps que nous traversons.

C’est l’évangile qui m’a tiré de là.
C’est la fin de cet évangile, la toute fin, le dernier verset que, de manière étrange, la liturgie ne voulait pas nous faire entendre mais que j’ai rajouté :
« Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. »

Voilà la clef.
Elles ont vu le tombeau vide, elles ont entendu le message, elles sont les premières informées de l’événement, elles venaient trouver un mort, on leur confirme un vivant, elles prennent de plein fouet l’indescriptible joie…. Et elles repartent pétries de peur, tremblantes et silencieuses.

Ce n’est pas parce que nous croyons profondément à la réalité de la résurrection, que nous sommes libérés de nos angoisses.
Nous pouvons être sincèrement convaincus de la victoire de la vie sur la mort, et trembler devant la mort.
Il n’y a pas à avoir honte, cette faiblesse est inscrite dans l’évangile lui-même : le silence et les tremblements de ces femmes ressemblent aux nôtres….

La joie de Pâques ne peut que dépasser notre entendement, elle ne peut que nous dérouter, au fond, croire à la résurrection c’est le grand rendez-vous de notre foi.
Être désarmé par cette joie ne doit pas nous empêcher de l’affirmer au cœur même de nos contradictions !
Le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité !
En le proclamant dans ce monde tel qu’il est, dans notre monde malade, nous ne faisons pas semblant, ce n’est pas du théâtre, ce n’est pas de l’auto-suggestion… cette joie est possible en vérité
      … dans la foi.
 
Si nous sommes sortis ce matin quand il faisait encore nuit, c’est que nous fêtons la victoire de la lumière sur les ténèbres. Nous fêtons la victoire définitive du matin.
Pourtant... il y a la nuit
Le soleil levant qui nous réjouit ce matin, dès ce soir, va se coucher.
Dès ce soir, deux hommes, sur le chemin d’Emmaüs, sentiront les angoisses du soir qui tombe.
Dès ce soir, nous-même, nous verrons revenir avec la nuit nos préoccupations et nos propres angoisses.
Bien sûr il y aura encore des nuits, bien sûr nous aurons nos nuits.
Ce matin n’est pas la négation de nos nuits à venir….
Il ne les efface pas.
Il n’efface pas la grande nuit du monde.

Alors ? qu’est-ce que c’est que cette victoire ? Quelle est la nouveauté ? Sur quoi repose notre Joie ?
La pierre du tombeau est roulée ! Et celui qui était dedans est désormais dehors !
Libéré du tombeau, il habite nos nuits, il reste avec nous quand le soir tombe.
La grande nouveauté, ce qui fait que nous vivons un nouveau matin, l’aube d’un premier jour, la possibilité d’une vrai joie, c’est qu’aucune nuit désormais ne se vivra sans lui.
Dans nos ténèbres, il descend
Dans nos angoisses du soir, il nous rejoint
Dans le très-bas de nos nuits, il nous précède
A l’heure de notre mort, il est là.
     … dans la foi.

Qui roulera la pierre de nos angoisses ?
       Elle est déjà roulée
Qui roulera pour nous la pierre de nos échecs, de nos manquements, de notre nullité ?
       Elle est déjà roulée
Qui roulera pour nous la pierre de nos morts quotidiennes ?
       Elle est déjà roulée

Ne lâchons pas ce dernier verset : « Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur »
Ça nous dit : « ne vous inquiétez pas de vos silences ! Ne culpabilisez pas de ne pas être des héros ! »
Ces femmes, témoins éblouies du matin de pâques n’ont pas réussi à dire un mot de ce qui leur était demandé ! Et pourtant nous sommes là ce matin ! 2000 ans plus tard !

Regardez ces catéchumènes qui se présentent partout aux portes de nos églises ? Sont-ils venus grâce à nous ? Non.
Sont-ils venus parce que l’Église donne un spectacle séduisant de ce qu’elle est ? j’imagine que non.
Ils viennent parce qu’ils ont entendu que le Seigneur les précède en Galilée.
Ils viennent parce qu’ils ont vu de la lumière !

Le Christ est ressuscité !
Il est vraiment ressuscité !
Osons nous laisser prendre par la joie

- Joie d’être ici ce matin ensemble !
Souvenez-vous l’année dernière
- Joie de vivre l’évangile à l’heure de l’évangile !
De finir la grande traversée de la nuit non pas pour aller se coucher, mais pour sortir dans la lumière d’un jour nouveau !
- Joie de célébrer dans une église construite à l’envers !!
Vous le savez, normalement toutes les églises sont tournées vers le soleil levant. Eh bien nous non ! A Gradignan nous avons la tête à l’ouest et les pieds à l’Est.
Quelle merveille !
Parce qu’en sortant tout à l’heure, nous sortirons vers la lumière, nous serons accueillis au monde dans le grand éblouissement du soleil levant !

Pensez-y quand vous sortirez tout à l’heure… prenez le temps de faire face à la lumière.
Au fond, tout ce que nous vivons ce matin dans cette église se trouvera accompli à ce moment-là : le moment où l’on est mis dehors, le moment où l’on se disperse dans le monde, porteur pour le monde de la certitude que le Christ est ressuscité, signes pour le monde de la Joie de Pâques, signes insignifiants comme l’étaient ces femmes.

Que cette lumière du matin s’inscrive en nous, pour qu’au temps de la nuit, nous y puisions la Joie.

╬ Amen Alleluia !
Sylvain, diacre