De la part des anciens combattants / Texte de 2016



J'ai mis mes bagages dans le "compartiment à bagages" de l'avion et je me suis assis à ma place. Cela allait être un long vol. Juste avant le décollage, plusieurs soldats sont entrés dans l'allée et ont pris tous Les sièges vacants autour de moi. J'ai demandé "Où allez-vous ?" BAYONNE, me répondit l'un d'eux. Nous allons être là pendant deux semaines pour une formation spéciale, et puis nous irons en déploiement en Afghanistan.
Après une heure de vol, une annonce a été faite que les «déjeuners sacs» étaient disponibles pour 5€. Comme je prenais mon portefeuille pour payer le déjeuner, j'ai entendu un soldat demander à son copain s'il avait prévu d'acheter le déjeuner. «Non ça semble être beaucoup d'argent pour juste un déjeuner sac ». Je vais attendre que nous rentrions à la base. " Son ami était d'accord, et s'abstint lui-aussi ; aucun n'a commandé de déjeuner.
Je me suis rendu à l'arrière de l'avion et remis à l'hôtesse un billet de 50€. «Donnez s.v.p. un déjeuner à chaque soldat»."
Prenant dix sacs, elle s'est dirigée dans l'allée à l'endroit où les soldats étaient assis. Après avoir fini de manger, un homme m'a arrêté  «J'ai vu ce que vous avez fait. Je veux être de la partie. Tenez, prenez cela. Il me tendit 25€».
Plus tard, comme je marchais à l'avant de l'avion pour me dégourdir les jambes, un homme me tendit la main. Et me laissa 25€
Lorsque nous avons atterri, un 3°-homme m'a arrêté pour me mettre quelque chose dans la poche de chemise, et s'éloigna sans dire un mot. Encore vingt-cinq € !
En entrant dans le terminal, j'ai vu les soldats se rassembler pour la suite de leur voyage. Je me suis dirigé vers eux et leur ai remis les 75€. Il vous faudra un certain temps pour atteindre votre destination et vous prendrez sûrement un sandwich le long de la route. « Dieu vous bénisse » me répondit l'un des soldats qui prit l'argent.
Comme je me dirigeais vivement vers ma voiture, je dis intérieurement une prière pour leur retour en toute sécurité. Ces soldats donnaient leur vie pour notre pays et notre protection. Je ne pouvais leur donner qu'un repas. Cela me semblait si peu.

Un ancien combattant est une personne qui, à un moment donné de sa vie, a écrit un chèque en blanc à l'ordre de la "FRANCE"
pour un montant allant jusqu'au prix de sa vie. "

«Seigneur, protégez nos troupes en mission dans le monde. Protégez-les comme ils nous protègent tous, à l'abri dans nos foyers. Bénissez-les ainsi que leur famille pour les actes désintéressés qu'ils accomplissent pour nous. Que la paix soit. Amen»

Pélerinage diocésain Inter-Génération à Lourdes / 2016

De nombreux paroissiens sont partis faire ce pèlerinage, présidé par Monseigneur Jean-Pierre Ricard, et chacun est revenu heureux d’avoir partagé ce temps fraternel de ressourcement. A Lourdes, cette année, une centaine de jeunes collégiens accompagnés de leurs parents, catéchistes, prêtres se sont joints au millier de pèlerins : ce fut l’occasion de rencontrer quelques connaissances et de commencer ensemble ce pèlerinage.
Au moment de l’accueil nous chantons : ‘’Heureux les cœurs miséricordieux car ils obtiendront miséricorde - Heureux les cœurs aimants ouverts à l’amour de Dieu le Père’’
Suit la lecture de l’évangile de St Jean 10, 9 où Jésus dit : «Je suis la porte si quelqu’un entre en passant par moi il sera sauvé ; il entrera et sortira, et trouvera un pâturage » Oui vraiment, il est la porte qui conduit au Père qui attend son enfant !

Monseigneur Ricard, en cette année jubilaire, nous invite à passer par la Porte Sainte, signe de vie nouvelle et à recevoir l’aspersion, rappel de notre baptême. Nous entrons avec la certitude que quelque chose va se passer en nous. Pour certains, une parole de l’évangile va peut-être les toucher. Pour d’autres, le témoignage d’une personne va peut-être les bouleverser et les entraîner à faire l’expérience des sacrements proposés.
Sur les piliers de la porte nous lisons : « Quiconque entrera, pourra faire l’expérience de l’amour de Dieu qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance »
Chacun prend son chemin qui le mène vers la grotte pour prier avec Marie, à boire à la source comme Bernadette, vers le chemin de Croix pour suivre celui qui nous montre la route et la fait avec nous.

Le Dimanche, nous nous retrouvons pour la messe diocésaine. Dans l’évangile, Jésus ressuscité apparaît à Pierre, lui qui l’avait renié 3 fois. Jésus lui demande à 3 reprises «Pierre m’aimes-tu ? » Jésus lui fait confiance, lui confie son Eglise et lui dit : «Suis-moi, sois mon témoin».
Dans l’après-midi, au moment de l’envoi, Monseigneur Ricard s’adresse à tous : «Et nous, quelle réponse allons-nous donner au Seigneur? Saurons-nous l’écouter, répondre à son appel, être son ami, son témoin, faire ce qu’il nous commande, aimer tous ceux qui nous entourent ? Saurons-nous lui dire : « Seigneur je voudrais tellement changer mon cœur de pierre en cœur de chair.»

Nous nous quittons joyeux, en chantant jusqu’à l’esplanade. Puis vient l’heure du retour à Gradignan, heureux d’avoir vécu ces deux journées.

Mes brebis écoutent ma voix / Jn 10 27-30 / Une homélie


« Mes brebis écoutent ma voix, moi je les connaîs et elles me suivent. »
Prenons cette phrase comme définition de la vocation.
Au commencement, il y a la connaissance que le Seigneur a de nous.
Si il nous connaît, il sait de quoi nos vies sont faîtes, nos forces et nos talents, nos misères et nos blessures... C'est là-dedans, dans cette confusion-là, au cœur de cette matière opaque à nous-même, qu'il donne de la voix.
Il ne fait pas de discours, il ne délivre pas de message, il ne prononce même pas de mots, sa voix suffit.
Comme la voix des parents que l'enfant à naître entend dans le ventre de sa mère sans percevoir encore le sens des mots...
la voix, comme la voix de l'enfant qu'on entend jouer dans le jardin sans écouter ce qu'il se raconte,
la voix, comme la voix de l'épouse qu'on devine au milieu des conversations de la fête et qui réjouit l'époux.
La voix suffit à dire la haute tendresse...

(...)

Et que la brebis ne s'inquiète pas de l'autorité de son pasteur : avez-vous remarqué dans le texte de l'apocalypse : « Ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l'agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. »
Le pasteur des brebis, c'est un agneau.
Les brebis sont menées, soignées, nourries, par le plus petit et le plus doux d'entre elles.

Ne prions pas pour que les séminaires se remplissent.
            Prions pour que les brebis aient des oreilles.
Que les brebis écoutent la voix,
            alors des hommes et des femmes se mettront debout,
                      alors des pasteurs se lèveront.



Amen

Sylvain Diacre

Le goût de l'autre

Le goût de l’autre semble prendre racine à Gradignan. C’était ce 3 avril, la troisième édition, entrecoupée, au cours d’années écoulées, de quelques après-midi Rois ou crêpes.
        C’est toujours l’occasion de se rencontrer autour d’une table où chacun peut apporter sa contribution sous une forme ou une autre. C’est ainsi que la bouteille d’apéritif «Troussetinette» rappelle la région vendéenne que l’on a quittée. Elle côtoie le poulet aux arachides camerounais sans oublier le grenier médocain, l’axoa basque... Les nombreuses préparations ne sont pas toutes citées. On goûte, on apprécie et le repas se termine par de délicieuses pâtisseries « maison ». Puis le récit de Jonas nous invite à la réflexion tandis que chacun anime à sa façon la fin d’une après-midi conviviale et chaleureuse.
        Mais si l’essentiel n’était pas dans l’assiette mais plutôt dans ce désir de rencontrer l’autre, dans un statut différent qui voit se mêler la personne qui tend la main à la porte de l’église à celle qui la lui serre en donnant une pièce ? Ces repas nous donnent peut-être la réponse car en tant que chrétiens, nous sommes invités à accueillir l’étranger, ce n’est pas uniquement par charité à son égard mais parce que l’Evangile est avant tout une invitation à la rencontre. Une rencontre qui évoque la vie portée par chacun, qui provoque à aller plus loin et qui convoque à faire chemin ensemble. Ce chemin nous pourrons le prendre ensemble avec la quarantaine de paroissiens qui, répondant au questionnaire distribué lors de la journée des Migrants de janvier, se mobilise pour cet accueil, accueil qui en Gironde tarde malheureusement à se concrétiser.
        C’est aussi une quarantaine de personnes qui a osé cette rencontre fraternelle du 3 avril. Osons. Osons la rencontre, osons l’accueil.

Pierre, m'aimes-tu ? / Jean 21, 1-19 / Une homélie de JP Duplantier

C’est pour nous que ce récit est écrit. Qu’est-ce que les apôtres ont fait au lendemain de sa mort et de sa résurrection ? Qu’est-ce que nous faisons au lendemain de la semaine sainte et du dimanche de Pâque ?
 
  • Pierre et ses collègues pécheurs reviennent à leur métier d’avant…
C’est Jésus qui reprend la main, sur le rivage, entre une nuit où ils n’ont rien pris et un matin où la pèche est quasi miraculeuse. Pierre et ses collègues ne le reconnaissent pas. Mais il n’y a pas que Jésus qui leur échappe. L’étonnant avec Jésus, et plus encore depuis qu’il est mort et ressuscité, c’est que le scénario qu’il propose et ceux que nous mettons en route, par nécessité ou habitude, sont à la fois très proches matériellement, et profondément divergents.
C’est au plus près de leur métier de pécheur que Jésus les interpelle : avez-vous quelque chose à manger ? C’est de fait l’objectif de leur pêche : ils sortent pour prendre du poisson, et ils en capturent pour se nourrir. Comme cette nuit-là ils n’ont rien pris, ils n’ont rien à donner. Jésus leur demande alors d’essayer à nouveau, mais cette fois-ci c’est lui qui fixe l’endroit ils doivent jeter leur filet : juste à côté de leur barque. Un patron de pêche, c’est celui qui sait où il a des chances de trouver du poisson. Cette fois-ci c’est Jésus qui commande la pêche, et, on ne sait comment, ils obéissent. Le résultat est totalement inattendu. Quand on s’en remet à Jésus, le filet déborde de visages à aimer, à écouter… Jusque-là ils n’ont pas reconnu Jésus. Maintenant, quelque chose leur revient de ce qu’ils ont vécu avec lui. C’est son style : la vie qu’il mène et qu’il offre est au premier abord tout à fait semblable à notre quotidien, puis soudain l’horizon s’élargit démesurément. 
 
  • Il y a une deuxième étrangeté dans cette histoire.
L’affaire commence avec une demande de Jésus : avez-vous quelque chose à manger ? A la fin, ce sont les pécheurs qui sont invités à un repas. Ils ont amené les gros poissons qu’ils viennent de prendre, mais ce sont les petits poissons que Jésus a amené qu’ils mangent ; et c’est Jésus qui les a cuisiné sur un feu de braise, sur son rivage a Lui. Quel est donc ce rivage où il nous invite ?

·        Nous avons souvent entendu parler de ce rivage, mais, mon Dieu, que c’est long de s’engager vraiment sur ce chemin.
C’est ainsi depuis le commencement ; depuis que Dieu a dit : faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ; depuis que Dieu a façonné l’homme avec la poussière du sol et a déposé en lui son haleine de vie et que l’homme est devenu une âme vivante ; depuis que le désir de Dieu nous tire vers cette condition de fils de Dieu, engendré par son souffle. Cela nous dépasse complètement, mais c’est là, d’avant, pour maintenant, et devant nous. C’est cette condition de fils que Jésus est venu vivre en chair et en os au milieu de nous. Tous ces gestes, toutes ces paroles jouent chaque jour la partition de Dieu, de son Père, dans les moindres détails et quoiqu’il arrive. Et cette vie est lumière pour les hommes. 
 
Or cette condition de fils de Dieu n’est pas à la portée de nos seules forces. Nous ne pouvons pas nous faire fils, seuls ou ensemble, mais sans le Père et sans le Christ Jésus, qui nous le raconte. Nous sommes équipés d’origine avec un cœur et une chair capables de voir et d’entendre cette présence du Christ, se souffle de vie pour lequel nous sommes nés. Mais, comme nous l’a montré l’histoire d’Abraham, il nous faut quitter père et mère, et notre pays et leurs dieux. Non pas parce qu’ils sont mauvais, mais parce que la vérité des fils d’homme est d’aller plus loin, d’être attirés par ce désir de Dieu de faire de nous des fils qui portent sa ressemblance. Là est notre port d’attache, le rivage du Christ Jésus. L’esprit saint est la force d’attraction qui nous y conduit.
 
Depuis Pâques ce que sous lisons ensemble dans les Ecritures, c’est que Jésus est vivant. Dans les évangiles, il marche, il agit, il parle sur les routes de Palestine, dans les maisons de Galilée et dans le temple de Jérusalem : mais maintenant son séjour, sa présence, son action, c’est « au milieu de nous ». Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. C’est physique, actuel, c’est la vérité de notre condition de fils de Dieu qui émerge dans la vie que nous menons.
 
Voilà pourquoi çà vaut la peine d’être attentifs, vigilants, aux moindres détails qui signalent sa présence en nous et autour de nous. Quand il passe, nous ne le reconnaissons pas tout de suite. Mais c’est toujours au plus près de notre barque. C’est toujours lui qui prend l’initiative. Nous avons toujours besoin d’un frère qui nous dise : c’est Lui. Vas y ! Et notre nourriture n’est pas seulement ce que nous capturons nous-mêmes ; ce n’est pas seulement celle des nuits où ne prenons rien, ni celles des matins où nous sommes enchantés par les gros poissons qui remplissent nos filets. Notre nourriture, pour ce voyage-là, ce sont les petits poissons que Jésus nous cuisine lui-même sur un feu de braise.
 
  • Il y a encore une petite chose dans cette histoire. C’est le dialogue entre Jésus et Pierre.
 Par trois fois, Jésus lui demande : « Pierre m’aimes-t-u ? ». Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que Jésus doute de l’amour de Pierre ? Juste à la fin du dialogue, Jésus ouvre une porte : « quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller où tu voulais. Quand tu seras vieux, tu étendras les mains et c’est un autre qui te mettra la ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. »
Aimer le Christ est un itinéraire. Aimer le Christ ne peut pas être évalué par un sondage qui permettrait de cocher la case oui ou la case non. Ni pour soi-même, ni pour les autres. Ni par les jeunes, ni par les vieux. 
 
Aimer le Christ est un parcours, où il nous fait passer de faire quelque chose pour lui à découvrir la place qu’il nous donne dans son travail d’engendrement des fils de Dieu.
Faire quelque chose pour Lui connait des enthousiasmes et des ratages. Il faut du temps pour y découvrir le rôle qui y tient secrètement notre propre sort, notre propre volonté de faire bien. Découvrir la place que Dieu nous donne dans le travail du Christ, est une naissance à son désir à Lui, à sa manière de faire.
Ceci n’est pas un jugement. C’est une ligne d’horizon pour les jeunes, dans le temps où ils mettent leur ceinture eux-mêmes pour aller là où ils veulent ; et un encouragement pour les vieux, au temps où ils voient bien qu’ils ne commandent plus grand ’chose, mais qu’ils découvrent comment c’est le Christ, qui depuis longtemps déjà, les conduit par la main, là où il veut.
 
Souvenons-nous des disciples d’Emmaüs : ils l’ont reconnu à la fraction du pain et leur cœur étaient brulants, comme un feu de braise, quand il leur ouvrait les Ecritures et qu’il leur partageait l’aventure du désir de Dieu au milieu de nous. 

Jean-Pierre Duplantier