Fête du Christ Roi 2014 / Une homélie


Aujourd'hui, l'Eglise fête le Christ-Roi. Aujourd'hui, nous fêtons le Christ Roi. Que cela peut-il signifier dans un monde où l’on se dit démocrate et républicain ? Comment comprendre cette fête alors que nous vivons en Europe, en France lieux dans lesquels nous choisissons nos représentants qui votent les lois ? 
 
La tentation est grande de penser que quand Jésus s'adresse à ses disciples, il fait référence à une situation politique et historique bien précise que son discours est adapte à la réalité que vivent les disciples. Pour nous, les temps ont changé, nous ne sommes plus sous un régime monarchique. Nous avons en main nos choix politiques. 
 
Et effectivement, le roi que décrit Jésus s'assoit sur un trône de gloire et domine l’assemblée. Il a pouvoir sur les nations. Il a le pouvoir de faire le tri, d'installer les uns à sa droite et les autres à sa gauche. Voila bien une image de Roi qui nous parle. Voila bien une conception du pouvoir qui nous est familière. Celui qui gouverne domine. 
 
Là où cela ne correspond plus, c'est dans la politique menée par ce roi. Il récompense les uns et réprimande les autres non pas pour ce qu'ils ont fait pour lui mais pour ce qu'ils ont fait pour les autres, pour ceux qui ont besoin de secours. Son gouvernement n’est pas de rétribuer celui qui lui fait du bien mais celui qui se tourne vers les autres. 
 
Regardons maintenant les hommes. Ceux de sa droite comme ceux de sa gauche réagissent de la même manière. "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu..." disent-ils d’une même voix. Ainsi raisonnent-ils comme tout homme face au pouvoir. Ils raisonnent comme tous les hommes de tous les temps, comme ceux du début de notre ère, comme ceux du vingt et unième siècle. Quand est-ce que nous t'avons vu toi ? Quand est-ce que nous nous sommes courbés devant toi ? Comment se fait-il que tu sois passé et que nous ne ayons pas reconnu TOI ? 
 
En fait, ils réagissent comme le monde apprend aux hommes à se comporter. Le monde pour se développer se dote de structure sociale et politique. Et quelle que soit l’époque, quel que soit le lieu, il y a toujours quelqu'un qui gouverne. Il le fait plus ou moins bien. Il est plus ou moins intègre. Dans tous les cas, ce gouvernement tend toujours à garder la maîtrise des événements et des hommes qu'il domine Et nous les hommes, nous sommes habitués à cela. 
 
Mais le Christ vient bousculer cet ordre établi. Il nous révèle qu'une autre réalité existe. Il ouvre nos vies à un Royaume où il ne s'agit plus de se courber face au pouvoir. 
 
Il s'agit, dans ce royaume, de lire dans le regard des pauvres, la présence du Seigneur, la présence du Roi. Ce royaume ne fonctionne pas sous le régime de la rétribution. Il fonctionne sous la loi de la fraternité. Ce roi se comporte vis-à-vis de son peuple comme un père qui aime ses fils. 
 
Un Père qui s'adresse à ses fils en ces termes : 
Quand tu as nourri celui qui avait faim tu l’as sauvé et moi aussi tu m'as sauvé. 
Et quand tu n'as pas nourri celui qui avait faim tu ne l’as pas sauvé et moi tu m'as blessé. 
 
Quand tu as donné à boire à celui qui a soif, tu l’as abreuvé et moi tu m'as réjoui. 
Et si tu n'as pas donné à boire à celui qui avait soif, tu l'as laissé le gosier sec, sans voix et moi tu m'as ignoré. 
 
Le Christ s'est incarné pour signifier aux hommes que le roi du royaume des cieux veut faire de nous un peuple de frères. Il veut des frères qui se rencontrent en vérité, à savoir qu'ils se reconnaissent pétris d'une chair touchée par la parole du Père. 
 
Il veut que, dans toutes nos rencontres, nous inventions des chemins nouveaux pour annoncer la bonne nouvelle et qu'ainsi grandisse en nous cette part qui n'appartient qu'à Dieu. Il veut que nous laissions plus de place à cette chair touchée par la parole dès l’origine. Il veut que cette part en nous que nous avons offert lors de notre baptême s'épanouisse et vive quand il passe. 
 
C'est dans ce souffle que nous recevons la lettre de Paul : 
"Et le dernier ennemi qu'il détruira, c'est la mort. Alors, quand tout sera sous le pouvoir du Fils, il se mettra lui-même sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.", "ET AINSI, DIEU SERA TOUT EN TOUS." 
 
Le Christ est présent et vivant. Il nous le signifie aujourd'hui à cet autel. Il ne vient pas pour notre propre confort, il vient pour que se révèle son royaume.

Si nous lui rendons gloire ce n'est pas en vue d'une rétribution, c'est pour que le souffle de son Esprit traverse nos corps et nous invite au service de tous nos frères.
Nous ne sommes pas invités à recevoir le pain et le vin, son corps et son sang, nous sommes invités à le partager.Nous ne sommes pas invités à nous courber devant un roi, nous sommes appelés à vivre, debout, le Christ Roi en nous, parmi nous et entre nous.
"ET AINSI, DIEU SERA TOUT EN TOUS."

Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.

Le monde espère une Bonne Nouvelle / Diaconat / D Bourgoin


Il y a peu, faisant suite aux craintes qu'ils exprimaient, je demandais aux étudiants de La Paillère, lors d'une soirée aumônerie, si leur engagement chrétien ne suscitait pas une curiosité mêlée d'une certaine admiration ? Après réflexion, ils convenaient que les questions que certains de leurs camarades leur posaient étaient teintées d'admiration voire d'envie.
Ce sentiment, je le connais dans ce que je vis sur mon lieu de travail. Je l'ai particulièrement relevé à l'approche de mon ordination. De la joie s'est exprimée quand cela s'est su que bientôt l'évêque m'imposerait les mains pour m'ordonner diacre. J'ai ressenti la même joie à mon travail que celle qui a traversé la paroisse et pourtant la direction informatique qui m'emploie n'est pas un lieu d'expression de la foi.

Quand le ciel rejoint la terre, il y a de la joie. C'est inexplicable aux yeux du monde et c'est naturel quand on sait que tout homme est créé à l'image de Dieu. Quand le Seigneur passe, le corps de tous les êtres humains vibre à l'unisson de sa présence.
C'est pour cela que le 23 novembre, Monseigneur Ricard rassemble toutes les EAP de son diocèse pour partager sur la nouvelle Évangélisation, sur tout ce qui se fait dans ce domaine dans les différents secteurs.

Le monde espère une Bonne Nouvelle. N'ayons pas peur de dire que ce qui interroge les femmes et les hommes que nous rencontrons est en eux. Ne craignons pas de dire que Dieu est un Père qui les cherche. N'ayons pas peur de nous risquer à la périphérie, Le Christ y est déjà, il nous précède en Galilée et il nous demande d'être les témoins de sa présence dans toutes nos rencontres. Dans nos rencontres les plus inattendues, dans nos rencontres les plus éloignées du centre.
Il ne s'agit pas de développer une catéchèse, ni d'expliquer la foi, le temps viendra. Il s'agit juste d'être là et de se réjouir de la présence du Seigneur.

Et comme le développe le cardinal Ricard, mettons un pied dans l'entrebâillement de la porte. Laissons la porte de l'Église ouverte pour qu'on y entre et pour que nous sortions pour l'aventure de l'annonce de la Bonne Nouvelle.

Dominique, diacre.

Marc 13 24-32 / homélie de JP Ranga


Pour approcher de l'attente de la venue du Seigneur et des questions qui y sont mêlées, nous sommes appelés à tenir compte de deux éléments;-ce qui est dit sur l'archange Michel dans le premier texte;-ce qui est dit sur le salut qui nous est donné par le grand prêtre au deuxième texte. Cela permettra de conclure par la prière du psaume, qui parle du corps, de l'âme et de la chair dans ses relations de confiance avec Dieu dont le croyant a fait son refuge.
1)-Quand nous sommes affrontés aux détresses et aux tribulations des derniers jours, n'oublions pas cette présentation de l'archange qui est en poste pour veiller sur le peuple de Dieu. Il est  celui qui est capable de s'opposer aux adversaires de Dieu, aux forces qui sont dans le ciel et qui accusent et détruisent le peuple de Dieu. C'est en lien avec cette présence de sauvegarde et d'intercession que nous accueillons les anges qui rassemblent les élus d'une extrémité du ciel à l'autre. Ce rassemblement des élus dépasse de loin les menaces que peuvent nous faire les adversaires et les accusateurs des élus aux moments des tribulations. Il faut s'appuyer sur cette parole de protection et de rassemblement devant les évènements de la fin pour y proclamer le salut de Dieu.
2)-Quand nous refaisons cet acte de confiance en la parole de Dieu qui promet protection et refuge, n'oublions pas davantage la place du grand Prêtre, du fils qui est venu vivre notre vie, partager nos souffrances et vivre notre mort afin de nous arracher des forces du péché et de la mort. Il est celui qui est passé par les profondeurs de la terre pour nous sauver des forces d'en bas qui empêcheraient notre rencontre avec Celui qui nous a créés et qui nous appelle à habiter sa maison. Celui qui nous sauve n'est pas seulement proche, à la porte, il est en nous et par son salut nous sommes avec lui et en lui, et c'est par lui que nous affrontons les tribulations et les détresses, celles des derniers jours et celles d'aujourd'hui.
Cette communion à sa mort et à sa résurrection conditionne notre manière d'être, notre manière de faire face à cet avenir qui vient à nous.
3)-Les anges et le fils ne savent pas le jour ni l'heure fixé par le Père, mais ils sont à nos côtés pour nous aider à entrer dans le jour du Seigneur et dans la maison du Seigneur. Ainsi notre coeur peut méditer sur son conseil au milieu de la nuit, notre chair  repose en confiance, notre âme est dans la paix, parce que tu ne peux m'abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption. Tu me montres le chemin de la vie, quand le fils m'associe au mystère de sa mort et de sa résurrection,-tu es toujours à ma droite quand les anges viennent rassembler les élus et que l'archange Michel veille sur ton peuple.
Que cette foi et cette espérance fassent grandir en nous l'amour pour le Père et le Fils, ainsi que pour tous les hommes pour qui le fils est mort afin de leur ouvrir le chemin du salut. Cette relecture devrait aider tous ceux qui ont pris le temps de s'approprier le texte de l'évangile et nous aider à porter dans la prière le travail des paroissiens engagés dans le secours catholique.

Jean-Pierre Ranga

33°dimanche du temps ordinaire.
 Dn 12, 1-3 ; Ps15 ; He 10,11-14.18 ; Mc 13, 24-32


A cause de mon Nom / Luc 21 5-19 / Une homélie

A cause de mon nom, à cause du nom de Jésus Christ. Quel est le mystère de ce Nom ? Que nous révèle ce Nom ?
Depuis quand portons-nous ce Nom ? Ce Nom nous a été donné par le Seigneur lui-même le jour de notre baptême, le jour où nous avons revêtu le Christ. Le jour où le Seigneur a fait de nous tous, un prêtre, un prophète et un roi. Le jour où Dieu s'est penché sur nous et nous a fait frère de son Christ. Le jour de cette adoption où il a murmuré à notre chair : "tu es mon fils bien-aimé."
De ce jour, le Nom de Christ est inscrit au plus profond de nous. Cette inscription a trouvé sa place à l'endroit qui lui était destinée dès la création. Et pour les baptisés rien n'est plus comme avant. Ils ne sont plus fils du monde mais fils de la lumière.
Quand portons-nous son Nom ? Le portons-nous à chaque instant ? Certes oui, nous ne pouvons effacer cette inscription gravée dans notre chair. Mais nous savons bien que nous agissons parfois en ignorant notre baptême, en le niant.
Nous salissons ce Nom quand nous en faisons un étendard pour imposer nos propres convictions politiques, sociétales. Nous salissons ce Nom quand chez nous dominent nos idées, notre volonté, en ignorant ce qui se vit au nom du Christ dans le regard de ceux que nous rencontrons. Et surtout chez ceux qui ne partagent pas nos opinions.
C'est ce dont Jésus nous prévient quand il dit: " Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom en disant : 'C'est moi "
Il s'agit là bien d'agir à cause de son nom et non sous son nom. Ils n'agissent pas au nom de Jésus ceux qui insultent Christiane Taubira ! Et pourtant, les mouvements, comme le printemps Français, disent agir selon leur foi, au nom du Christ. Ils n'agissent pas au nom de Jésus, ils s'emparent du Nom de Jésus, ils brandissent le nom du Christ comme un étendard. C'est comme s'ils prétendaient que le Christ leur appartenait. Comme s'ils avaient convaincu le Seigneur de la justesse de leurs opinions. Mais le Christ n'appartient à aucun camp. Il inscrit en nous le signe de sa présence pour nous rassembler et non pas pour nous diviser.
Ce que les hommes construisent en leurs noms ne durera pas, il ne restera pas pierres sur pierres, tout sera détruit. Et même les constructions que les hommes réalisent au nom du Christ disparaîtrons, il ne restera que le l'essentiel, le Nom du Seigneur qui est de toute éternité.
Au risque de vous choquer, un jour, cette église que nous aimons tant, disparaîtra. De cette église dans laquelle Le Christ nous invite tous les dimanches, il ne restera que nos prières qui imprègnent le lieu. Il ne subsistera mystérieusement que le nom de Jésus.
Ce que nous vivons là est plus important et plus durable que ce qui nous abrite.
D'autres espaces permettent au Nom du Seigneur de s'exprimer. Dans notre relation avec notre frère le plus petit, le Nom du Seigneur grandit. Le Secours catholique fait partie de ces lieux.

Les membres de l'équipe du Secours Catholique de Gradignan me font l'honneur de m'accueillir parmi eux, me donnant la possibilité d'accomplir mon ministère de diacre auprès de ceux vers qui je suis envoyé.
Lors de la première réunion à laquelle j'assistais, j'ai été frappé par l'histoire de cette jeune personne qui n'a pas de quoi financer son billet de train pour aller signer son contrat de travail. Le peu qu'elle avait, elle l'a dépensé pour se loger sur Paris. Elle l'a dépensé pour acheter les vêtements nécessaires à son activité. Les services sociaux lui refusent l'aide dont elle a besoin car la règle veut qu'on aide une personne dans sa démarche de retour à l'emploi, uniquement si un contrat de travail est signé.
Alors, comment les travailleurs sociaux résolvent-ils le dilemme ? Ils trouvent la solution en envoyant, cette personne trouver de l'aide auprès du Secours Catholique. Car en ce lieu, où est inscrit le Nom de Dieu, il n'y a plus les mêmes constructions, il n'y a pas la même organisation. Ce lieu est structuré pour accueillir, écouter, entrer en relation, en dialogue.
Les services sociaux sont une bonne chose et nous pouvons être fiers du travail qu'ils font chaque jour. Et les règles sont nécessaires pour que les aides soient équitables et pour éviter les dérives. Mais au-delà de ces règles, il y a un nécessaire besoin que la dimension de la relation humaine trouve sa place, et que s'exprime le Nom du Seigneur.
Chers frères et sœur, dans un instant, nous allons nous rassembler autour de l'autel pour célébrer l'Eucharistie au Nom du Seigneur. Mettons-nous bien dans cette dynamique que c'est bien le Seigneur qui nous rassemble en son Nom. Que c'est bien lui qui vient nous rejoindre pour nous inviter à communier à son Corps et à son Sang. Que c'est lui le Christ qui fait vivre en nous son nom, signe de sa présence parmi nous jusqu'à la fin des temps.
Acclamez le Seigneur, car il vient
pour gouverner la terre,
pour gouverner le monde avec justice,
et les peuples avec droiture !
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.
33°dimanche du Temps Ordinaire. Année C
Ml 3, 19-20a ; Ps 97 ; 2 Th 3, 7-12 ; Lc 21, 5 - 19


Ma royauté n'est pas de ce monde / Jean 18, 33-37 / Une homélie

"Évangile de Jésus Christ selon saint Jean" Enfin une bonne nouvelle ! Enfin une bonne nouvelle qui peut dessiner un sourire sur nos lèvres ! J'ai de la joie aujourd'hui à vous dire "Évangile de Jésus Christ selon saint Jean", et cela malgré le contenu du texte qui a été proclamé. Car dans l'Evangile de ce dimanche, la bonne nouvelle ne saute pas aux yeux, en effet, dans le texte, Jésus comparaît devant Pilate, celui qui est chargé d'appliquer la sentence qui a été prononcé, et on connaît la suite.

Mais alors, où est-elle cette Bonne Nouvelle ? Serait-ce que Jésus est Roi ? Pourtant des rois, on en a plus qu'il nous en faut. Il y a ceux qui nous gouvernent, il y a ceux qui nous jugent, ils y a ceux qui nous conseillent, il y a ceux qui nous indiquent le chemin à prendre, la conduite à tenir, ils y a ceux qui nous vendent le bonheur.

Quand Pilate pose la question à Jésus "Es-tu le roi des Juifs ?", Jésus cherche à savoir d'où vient cette question en Pilate ? Et Pilate, sans surprise,  répond en homme d'Etat, chargé de la sécurité publique. Il pose la situation, il décrit les forces en présence. Et Jésus qui n'est pas dans ce jeu de puissance, répond qu'il n'a pas de forces pour le défendre. Il dit : "Ma royauté n’est pas de ce monde." Et Pilate, le même qui se présentait avec autorité, pose de nouveau la question : "Alors, tu es roi ?" Et Jésus perçoit que, cet homme sur qui repose tant de responsabilités, a changé de registre : "C’est toi-même qui dis que je suis roi". C'est l'homme qui a posé la question et non plus le représentant de l'empire. Cette question lui vient du plus profond de lui-même, là où Dieu pose sa ressemblance, là où la vérité trouve son chemin.

Et dans la réponse de Jésus, "Moi, je suis né, je suis venu dans le monde" j'ai trouvé la Bonne Nouvelle ! 

Ces deux réalités, le monde dans lequel nous vivons et le royaume des Cieux, ne sont pas étrangères. Le Christ par son incarnation nous rejoint et fait de nous un royaume comme cela est dit dans le texte de l'apocalypse. Dieu ne nous regarde pas d'en haut, il lève les yeux sur nous et nous aime.

Nul ne peut échapper à cette réalité, le Christ vient à nous et lève les yeux sur nous. Il y a bien des lieux où cela se vérifie. Le secours catholique en fait partie. Combien de femmes et d'homme se présentent pour un peu d'aide. Ils viennent chargés du poids de leurs difficultés dues à la situation économique, dues à leur déracinement de leur pays d'origine ? Ces femmes et ces hommes ne sont pas accablés, ils restent debout et luttent pour leur survie. C'est ce que les bénévoles du secours catholique lisent dans leurs regards.

 Lors de la réunion mensuelle de l'équipe de Gradignan, les bénévoles échangent sur les difficultés bien sûr mais surtout sur ce qui les encourage à continuer leur mission. Ils échangent sur  ces vies qui affrontent les difficultés avec courage parce qu'en eux il y a une force qui vient du plus profond, cette vie qui est signe de la présence du Christ dans les pauvres. C'est là ce qui encourage les bénévoles, et cela touche leur propre faiblesse et leur fait saisir que jamais le Dieu qui s'incarne ne les abandonnera.

Au cœur de l'horreur, cette présence se révèle discrètement. C'est comme cela que j'ai interprété le hashtag "pray for Paris" (je traduis le slogan "prions pour Paris") qui s'est propagé sur les réseaux sociaux après les attentats de Paris. Tout le monde n'y a pas adhéré, certains l'ont critiqué, mais le hashtag est là pour exprimer le besoin de se tourner vers autre chose que les pleurs ou la vengeance, pour se tourner vers celui qui lève les yeux sur nous.

"Pray for Paris" est une expression prophétique de notre baptême. Lors du sacrement, le ministre annonce que notre baptême fait de nous des prêtres, des prophètes et des rois.

Notre baptême engage notre responsabilité dans le monde. Cette responsabilité n'est pas de répondre aux rafales de Kalachnikov par des bombes. Cela c'est de la responsabilité du citoyen. Mais, c'est de laisser germer dans le monde, le royaume des Cieux qui est proche, en étant des prophètes de la Bonne Nouvelle. 

Alors nous pouvons nous souhaiter les uns les autres une bonne fête du Christ Roi, et dire notre joie de porter au monde le levain qui est en nous. Ce levain que le Christ lui-même va faire lever sur son autel, ici parmi nous.

"Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga,
dit le Seigneur Dieu,
Celui qui est, qui était et qui vient,
le Souverain de l’univers.
"
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

La crucifixion / Marc 15-16 / Une homélie de JP Duplantier

L’officier romain voit Jésus mourir, en poussant un grand cri, et il dit : « cet homme est le Fils de Dieu ». Qu’a-t-il vu de particulier, que les autres ne semblent pas avoir vu ? Que veut-il dire ? « Cet homme est le Fils de Dieu ». Aucun commentaire, aucune explication dans le récit de l’évangile.
 
C’est comme cela dans toute la Bible : il n’y a pas d’explication sur Dieu, ou de définition du Fils de Dieu ; il y a le témoignage d’hommes et de femmes qui ont vu de leurs yeux, entendu de leurs oreilles, reçu dans leur cœur, la visite de Dieu. Comme Job, par exemple : « Je sais que mon libérateur est vivant et qu’à la fin,  je me tiendrai debout et de mes yeux de chair je verrai Dieu. » Comme l’officier romain et comme pour nous aussi. Parce que nous aussi nous avons vu et entendu. Toute la création, dit Paul, attend avec impatience la révélation des fils de Dieu, c’est-à-dire la nôtre.
La Bible ne fait que mettre en scène des témoins, comme Abraham, Moïse, les prophètes, mais aussi une veuve et son fils qui n’ont plus rien à se mettre sous la dent, ou un paysan à qui on vole sa vigne, ou une population déplacée, exilée en terre étrangère. Tous ces témoins attestent qu’ils habitent la terre sous un ciel habité. Et nous sommes comme eux.  
 
Ces choses-là portent un nom dans la Bible : ce sont les restes. Ce qui reste de la force vive de Dieu dans le monde, que personne n’a pu effacer ; qu’aucune organisation humaine, aucune culture, aucune technique, aucune violence n’a jamais pu enterrer définitivement. 
 
Ces restes indestructibles de l’amour de Dieu, vous en avez été témoins, à un moment ou à un autre. C’est le geste, la parole ou le sourire, inattendu, inoubliable, d’un mari, par exemple, aujourd’hui décédé, qui vous a laissé ce cadeau un soir ou un matin, peut-être à un moment où la vie était devenu difficile entre vous, parce qu’il était dans ses souffrances ou sa violence, et puis soudain un mot, un regard et la lumière s’est levée. Vous vous souvenez surement aussi de cet enfant qui était parti loin et qui est revenu, l’espace d’une visite, trop courte pour que vous soyez rassuré, mais assez longue pour que l’espoir à nouveau habite votre coeur.  Cela nous vient même parfois de quelqu’un qui nous a fait du mal et dont on n’attendait plus rien, et puis, soudain, un détail revient et nous voilà bouleversé : lui aussi porte dans sa chair un reste de l’amour que Dieu a semé en lui ; et ce reste est toujours là. Comme disait un évêque célèbre du moyen-âge : ce n’est parce qu’il y a eu des rats dans la réserve à blé, qu’il faut jeter tout le blé.
 
Ces instants de lumière qui ont traversé nos liens, sont les semences de Dieu dans nos corps. Cela ne se voit pas tous les jours. Mais une seule fois suffit pour que nous en soyons marqués à vie. 
 
Notre foi en Jésus-Christ a à faire avec ces révélations dans la chair. La Parole de Dieu, sa présence, n’arrive jusqu’à nous que par et dans le corps d’un homme, en chair et en os, qui vous adresse directement cet amour que Dieu nous porte. C’est cela que nous avons en commun ici. C’est cela qui nous est offert à reconnaitre ce matin. La foi c’est toujours quelque chose qui vous est arrivé, à l’improviste, par quelqu’un, que Dieu vous a envoyé. C’est cela qui fait notre lien indissoluble entre les vivants et les morts. 
 
Pour l’officier romain qui a vu mourir Jésus, ce fut une révélation. La mort est toujours un cri, silencieux, douloureux ou lumineux. Un cri de celui ou celle qui nous est enlevé. Le cri de Jésus, c’est ce qui sort de son corps déchiré, son dernier souffle. Et ce souffle, c’est ce qu’il porte dans son corps depuis le commencement. Ce n’est pas un reste, c’est l’amour de son Père tout entier. Chez Lui, ce souffle n’a jamais cessé de le travailler, de le relever, de l’habiter, de mettre dans sa bouche des paroles inoubliables, de faire sortir de ses mains une force incroyable. Ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre sont devenus des témoins et ce témoignage continue son chemin chez nous et rien ne peut l’éteindre
 
Tous les hommes sont façonnés avec cette chair-là, sensible à ce souffle, qui n’abandonne jamais, qui ne rejette jamais, même si çà passe par des pleurs et des grincements de dents. Tous ici nous en savons quelque chose. Nous l’avons vu passer dans les yeux de ceux qui nous ont quittés. A tel ou tel instant de joie inexpliquée, de colère terrible, de pardon inespéré, de larme silencieuse. Souvent nous n’osons pas le dire, mais cet homme ou cette femme que nous aimions et qui est décédée, il avait quelque chose du Fils de Dieu en lui.
 
C’est vrai aussi que nous résistons, à ce réel invisible qui se montre dans le visible. Etre rassemblés dans le Corps du Christ est une action de l’Esprit qui a du mal à prendre sa place dans notre désir. Le corps, pour nous, c’est nous d’abord, visible, personnel, mouvementé. Nous y tenons, parce que c’est notre ancrage concret, quotidien. Il mange, il boit, il souffre, il aime, il imagine, il rêve, il fait aussi n’importe quoi parfois, le meilleur et le pire. Et çà c’est à nous ; çà nous appartient.  Oui mais notre corps peut être aussi attiré, enlevé, au-delà de lui-même par une force d’attraction qui vient d’ailleurs. Toutes nos histoires d’amour en garde une trace, fragile, brisée ou durable, mais inoubliable. 
 
En vérité, les corps que nous connaissons sont en voyage. Comme le dit l’Apocalypse de saint Jean, chacun de nos corps appartiennent à la foule immense de ceux qui viennent de la grande épreuve. Devant, marche l’agneau de Dieu ; il porte à son côté une blessure ; de l’eau et du sang coule jusqu’à nous ; ils sont la source de la vie amoureuse de Dieu pour nous. Avec lui, une multitude est déjà arrivée devant notre Père des cieux ; ils chantent sa gloire et Dieu essuie toute larme de leurs yeux. Ils sont ce Corps du Christ qui a obéi enfin au désir du Père quand il a dit : « faisons l’homme à notre image ».

Derrière eux, il y a nous, comme le dit saint Paul : la création toute entière gémit dans les douleurs de l’enfantement. Cà grince ; çà souffre ; çà aime aussi; çà se révolte et çà pardonne. Cette immense foule n’est pas pour demain ; elle est en route. Nous en sommes, nous qui prions pour nos morts ce matin. Ils sont au-devant de nous dans la lumière. Ils en ont été les porteurs, en de toutes petites choses souvent, mais ces petit riens étaient pleins de la puissance d’amour de Dieu.
Jean-Pierre Duplantier