Trouver sa place / Luc 14 7-14 / Une homélie

Trouver sa place
Savoir où l’on s’assoit
(...)
Jésus nous présente une noce, une noce où les places sont libres… ce qui est difficile à imaginer pour nous aujourd’hui tant le placement des invités d’une noce est devenu une contrainte.
Et nous avons tous assisté à des mariages où quelques invités indélicats, discrètement, viennent bouger leur petit carton pour modifier un plan de table qui ne leur convient pas.
La noce du royaume n’a pas de petits cartons…
Alors, sans petit carton, trouver sa place semble bien risqué… car on peut se tromper
Parce que les places disent quelque chose de ce que nous sommes, du lien que nous avons avec celui qui nous invite…
Jésus nous révèle qu’il nous est impossible en vérité de trouver notre place dans cette noce.
Car c’est le maître de la noce qui connaît notre place… Lui seul.
Son critère, ce n’est pas l’ordre rêvé par le maître d’école, ce n’est pas la diplomatie des puissants, son critère c’est un lien d’amour
« Ami, avance plus haut »
Avance plus haut parce que ta plus haute dignité, c’est celle d’être mon ami…

L’année dernière, nous nous sommes donné une vision pastorale.
Il y est écrit :
« soyons une Eglise dans laquelle, chacun, tel qu'il est, nourri par le christ, se sent appelé à trouver sa place »
Il y aurait beaucoup à dire… mais de quelle place parlons-nous ?
C’est quoi être appelé à « trouver sa place » ?
Ce n’est évidemment pas une question de place assise sur les bancs
Avoir une place dans l’Église, ce n’est pas faire partie d’une équipe, être engagé dans un truc
Avoir une place, ce n’est pas avoir une fonction

L’évangile d’aujourd’hui nous donne une piste fondamentale, il nous sauve d’une confusion toujours possible, il nous éveille dans ce temps de rentrée sur un point crucial :
Notre place, notre juste place, elle nous est donnée
Elle est à recevoir
Elle est à accueillir de celui qui nous invite aux noces du royaume….
Ça ne nous interdit pas de chercher notre place, mais n’oublions jamais que, comme dans la parabole, c’est Lui qui vient nous chercher pour nous dé-placer !
Notre place, ce n’est pas celle que nous nous sommes choisis, ni celle où l’on se sent bien, ni celle où l’on se sent reconnu, c’est celle que lui a prévue pour nous, dans son amour.

Comme à chaque rentrée, nous regarderons avec crainte toutes les places vides dans notre paroisse, tous les lieux en souffrance, tous les lieux qui s’essoufflent faute de relève…
Comme à chaque rentrée, nous ferons des appels, nous redirons que nous avons besoin les uns des autres, que nul n’est exempté de servir…

Que nos oreilles entendent dans ces appels la voix de celui qui invite
La voix qui vient nous dire « ami, avance plus haut »
N’ayons pas peur de répondre aux appels
Ne nous drapons pas de fausses modesties (jésus ne vient pas ici nous apprendre l’hypocrisie)
Nous le savons bien, avec le Christ, s’élever c’est devenir toujours plus serviteur…
Le plus haut c’est celui qui est au plus bas
Notre Eglise n’est pas une pyramide avec les laïcs en bas et le pape en haut
Ou si c’est une pyramide, c’est une pyramide posée sur la pointe, avec tous les humains en haut et en bas, Dieu lui-même...

Que chacun, nourri par le Christ, se réjouisse de la place que le Christ lui donne.
Bonne rentrée… dans la salle des noces
Amen
Sylvain, diacre

Derniers et premiers / Lc 13 22-30 / Une homélie

"Seigneur, n'y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ?" Pourquoi cette question ? La question est posée au milieu du chapitre 13 de l'Évangile de Luc. Le jour du sabbat, Jésus vient de guérir une femme infirme depuis 18 ans,. Ensuite, il offre à ceux à qui il enseigne des images du royaume de Dieu, la graine de sénevé et le levain dans la pâte. Jésus nous dit que le peu annonce le royaume au plus grand nombre. Alors pourquoi cette question.
Et Jésus n'est-il pas le sauveur ? C'est ce que signifie son nom. N'est-il pas venu sauver tous les hommes ? Nous espérons en lui pour nous sauver, du péché, de la mort. Nous attendons- de lui la venue du royaume, la promesse de la vie éternelle.
Mais, les hommes comptent, calculent, nous passons notre temps à dénombrer, à tout évaluer en statistiques, à comparer les nombres. Le monde dans lequel nous vivons se nourrit de chiffres. Il faut toujours être devant, en avance. Nous nous désespérons de notre retard. Le chiffre du commerce extérieur Allemand est supérieur au nôtre. Notre taux de natalité est le plus fort d'Europe. Et même, nous nous comptons nous-même les chrétiens avec quelques incohérences sur les chiffres. La plupart du temps nous regrettons le peu de monde présent aux célébrations dominicales. Et nous oublions les millions de chrétiens de par le monde qui célèbrent l'Eucharistie. Nous oublions la foule des jeunes rassemblés à Panama pour les JMJ. Nous omettons le fait qu'à Gradignan nous sommes obligés de louer la salle du Solarium pour les grandes fêtes liturgiques parce que notre église est trop petite, et les dimanche de grandes fêtes ils sont nombreux à être debout au fond de l'église.
Mais, la question veut peut-être aussi traduire : "Combien serons-nous dans le Royaume ?"
Et d'ailleurs, regardons de plus près la partie la plus connue de l'Évangile : " Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers." L'énoncé populaire la prononce : "Les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers." J'ai vérifié dans plusieurs traductions de la Bible, les articles sont toujours indéfinis. L'écart de langage montre bien combien le monde déforme le message du Christ quand il s'agit de nombre.
Quand Jésus dit des derniers seront premiers, il ne dit pas que tous les derniers seront premiers, il ne dit pas que tous les derniers resteront derniers. Il dit juste des derniers seront premiers.
Et une fois que ces derniers sont premiers ? Et bien le Christ dit : "des premiers seront derniers".
Mais, premier ou dernier pour la vie éternelle cela compte-t-il ?
Il faut donc dans notre vision que nous soyons classés et il faut du beaucoup.
C'est pareil pour notre foi. Il nous la faut débordante de nous. Et au fond de nous, nous connaissons bien notre manque de foi. De là, la question posée : "Comment entrerai-je au royaume avec mon peu de foi ?
Mais n'avons-nous pas répondu aujourd'hui à l'invitation du Seigneur ? N'avons-nous pas laissé nos occupations quotidiennes pour venir boire à la source ?
Mais, peut-être nous disons-nous trop souvent le Seigneur est avec moi en oubliant de témoigner de sa vivante présence dans le regard du frère que nous croisons.
Car le Seigneur nous rejoint dans la rencontre, il vient en nous comme le levain dans la pâte.
Quant à son Église, le Christ la rassemble non pas pour faire l'appel mais pour l'envoyer en mission dans le monde, annoncer la bonne nouvelle du salut de Dieu. Il envoie chacun de nous individuellement dire les merveilles de Dieu.
Ce qui réjouit le cœur du Père c'est quand la parole de son Fils touche la chair d'un de ceux qu'il aime.
Je suis la Porte dit le Christ dans saint Jean. La porte étroite d'aujourd'hui ce n'est pas un chemin que je dois emprunter à la force de mes poignets, de mes convictions et de mes actions éclatantes. La porte c'est le Christ qui m'appelle. C'est le Christ qui me rejoint. C'est le Christ qui ouvre la porte de mes enfermements ou de mes addictions.
Et cela peut se produire par exemple, quand, au service de la Parole, au partage de la parole de Dieu, nous préparons un baptême ou un mariage ou bien lors de préparation d'obsèques. Pendant ce partage nous lisons dans le regard de celui, que nous rencontrons, combien l'Évangile le touche, alors c'est comme si la porte s'ouvre. Elle s'ouvre pour celui qui est sur mon chemin, et à sa suite, nous goûtons ensemble le bon goût du royaume. Cet avant-goût du royaume, nous le célébrons à l'autel.
Une phrase est dite pendant la préparation des offrandes, une phrase souvent murmurée par le diacre. " Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité." Cette petite goutte d’eau dans le calice : c’est nous ! Je me permets de citer saint Cyprien « Nous voyons que par l’eau c’est le peuple qu’il faut entendre, et par le vin, le sang du Christ. Quand on mêle l’eau au vin dans le calice, c’est le peuple qui ne fait plus qu’un avec le Christ, c’est la foule des croyants qui se joint et s’associe à celui en qui elle croit»
La goutte d'eau, c'est nous le peuple de Dieu, c'est tous les hommes invités à participer au corps du Christ, c'est le peu qui rejoint le grand royaume.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Division / Luc 12 49-53 / Une homélie

(...)
Jésus nous parle de divisions.
Il ne vient pas donner la paix, mais la division sur la terre.
« Donner », c’est bien le verbe du texte, pas « mettre » comme nous l’avons entendu.
Il ne vient pas « mettre de la division sur la terre », il vient « donner de la division »…
C’est un don, c’est donc un cadeau.
Cette division est positive, c’est une bonne chose… si il vient la donner c’est que nous en avons besoin, c’est que c’est bon pour nous.

Cette division, c’est la conséquence de la venue du Christ sur la terre.
Elle est le fruit de l’irruption de la Parole, du Verbe de Dieu, en nous et entre nous.

Alors n’allons pas trop vite !
Ne nous précipitons pas pour projeter là-dedans toutes nos querelles familiales !
Ne concluons pas tout de suite « si je n’aime pas ma belle-mère, c’est normal, c’est écrit dans l’évangile » !
La division de l’évangile, c’est l’œuvre de Dieu, pas notre œuvre à nous !
(...)

Certaines sagesses assurent que le monde doit reposer sur l’équilibre, (c’est aussi ce que clame le monde lui-même).
Que tout se résout quand le noir et le blanc s’affrontent dans une parfaite égalité.
Que l’homme trouve son unité quand il a trouvé le point d’équilibre parfait où les passions s’annulent.

Cet équilibre est une illusion !
C’est une stabilité qui ressemble à la mort.
Avec Jésus, il s’agit de consentir à l’énergie du mouvement, à la force du déséquilibre…
Le déséquilibre, c’est le principe de la marche.

« Le père contre le fils, le fils contre le père » la mère, la fille, la belle-mère, la belle fille… et c’est tout !
Si Jésus ne donne que ces exemples-là, c’est que ce sont les liens concernés pas cette division, ce n’est pas à nous d’en rajouter.

Je le redis, Jésus nous décrit les effets de sa venue chez nous.
C’est à dire de la venue du Verbe de Dieu, de la Parole de Dieu dans nos chair.
Quand la Parole de Dieu habite nos chairs, le père n’est pas le fils, la mère n’est pas comme la fille, la belle-fille ne ressemble pas à la belle-mère.
Toutes ses figures sont divisées, distinctes, il n’y a plus de confusion possible, et il faudrait avoir le courage de mesurer ce que ça peut vouloir dire de nos fantasmes de liens du sang…

Cependant, à y regarder de plus près, Jésus n’annonce pas une division entre les pères et les fils, mais entre le père et le fils…
Alors peut-être qu’une autre lecture est possible:
Peut-être que lorsque la Parole habite chez les humains, qu’elle descend dans nos chairs, elle divise en nous, en nos chairs, ce qui est du fils, et ce qui est du père…
ce qui est de la fille, et ce qui est de la mère...
- La Parole de Dieu sépare ce qui fait d’une femme une mère, et la part qui fait d’elle une fille.
- Le Verbe de Dieu divise en moi ce qui fait de moi un fils et ce qui me permet d’être père…
- Quant à la division entre Belle-fille et belle-mère qui fait tant parler, c’est probablement une division pour l’époux !
Qu’il y ait chez lui une division entre ce qui est de la mère et ce qui est de l’épouse….
Si ces parts ne sont plus confondues, c’est que le Christ est passé par là,
et c’est une bonne nouvelle !

Jésus vient nous passer par le feu… un feu bienfaisant qui fait du tri… qui consume tous nos liens tordus, toutes nos confusions, tout ce qui n’est pas ajusté à notre joie, à notre liberté et à la vérité…

N’ayons pas peur de cette division annoncée !
Réjouissons-nous même de ce cadeau que Dieu nous fait !
La division, c’est l’acte créateur de Dieu par excellence (souvenez-vous de la genèse… il sépara la lumière de la ténèbre, les eaux d’en haut et les eaux d’en bas…)
Le monde sans division, ça a un nom dans l’Ecriture, c’est le Tohu Bohu, c’est le Chaos.

Cessons de vouloir échapper au travail de division que le Seigneur nous offre.
Ne craignons pas qu’il vienne mettre de l’ordre dans notre chaos !
La paix véritable n’est pas un fantasme d’harmonie, lisse comme la surface d’un lac...
La paix,c’est le fruit du travail incessant de création de Dieu en nous et entre nous.
De toutes façons, le travail s’accomplit ! Que nous le voulions ou non… le chantier est en cours et ces divisions, nous les connaissons déjà et nous voyons bien qu’elles nous mettent au monde.

La Parole est descendue dans nos chairs,
« Elle est vivante la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants » (He 4-12)

Amen
Sylvain, diacre

Il s'est penché sur son humble servante / 15 Août / Une homélie

Dans le texte de l'apocalypse :
"Une femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles."
Dans le psaume :
"Fille de roi, elle est là, dans sa gloire, vêtue d’étoffe d’or ; on la conduit, toute parée vers le roi."
Et dans l'Evangile nous avons lu :
"Il s'est penché sur son humble servante"
Quel contraste, entre les lectures de ce jour. Et pourtant, tous les textes de la solennité de l'Assomption nous invitent à méditer sur le même thème, l'incarnation. Et ce thème de l'incarnation, qui nous annonce des choses inouïes, prend forme dans la simplicité d'une vie humaine, humble et quelconque. Car notre Dieu, celui qui met la mort sous ses pieds, s'est fait homme, il a pris chair de la vierge Marie. D'un côté un événement simple, commun et de l'autre des visions extraordinaires.
Mais est-ce si simple et commun que cela ?
L'histoire humaine du sauveur du monde prend sa source naturellement dans le ventre d'une femme. L'Evangile de ce jour nous parle d'une affaire de femmes. Car que pouvons-nous dire, nous les hommes, sur ce qu'a ressenti Elisabeth ? Il faudrait qu'un jour une femme vienne dire ici ce que c'est que d'être si prêt de la création de la vie. Qui peut dire précisément ce que c'est que de sentir tressaillir en soi une autre vie que la sienne si on n'a pas connu la maternité ?
Et pouvons-nous dire que cela est simple ?
Porter un enfant, sentir grandir en soi une vie distincte de la sienne, n'est-ce pas extraordinaire ? Participer concrètement à la création, accueillir en soi un être créé à l'image de Dieu, n'est-ce pas être au cœur de la Genèse ?
Marie se rend chez sa cousine Elisabeth peut-être pour partager l'expérience inouïe de porter la vie. Elles vont pouvoir échanger sur ce qu'elles savent de ce qui leur arrive. Leurs mères ont dû leur enseigner ces choses, c'est le rôle des mères que d'enseigner ces mystères.
Mais la rencontre est tout autre, la vie qu'elles portent chacune en elle, est encore plus importante qu'elles l'imaginent. Ca tressaille, ça se remplit d'Esprit Saint et ça déborde de prière. Les contingences sont oubliées. Les futures mères sont au service de la vie.
Et Marie, qui pourrait éprouver une petite fierté après la visite de l'ange, se sent au service du Seigneur. Elle se met le plus humblement possible au service de la vie. Elle porte en elle le salut du monde, et elle met toute son énergie au service de cette vie qui grandit en elle. En cela, elle est pour nous les hommes une image de la mère car ce qu'elle exprime, par ses prières, par ses gestes et par sa vie, est entièrement tourné vers la vie.
Marie ne donne pas la vie pour elle-même pour la garder en son pouvoir mais bien pour la lancer vers une aventure qui la dépasse.
Elle est pour nous un enseignement tellement fort alors que notre monde de plus en plus promeut la gestation pour autrui. Alors que la vie d'un enfant semble se justifier comme un droit à posséder.
Il nous faut contempler Marie pour discerner encore plus que la vie est un don. Il nous faut comprendre que la vie qui nous traverse est un don. Non pas pour nous parent mais un don de la création pour le monde.
Il nous faut contempler Marie pour discerner que l'incarnation commence vraiment par une histoire de naissance. L'incarnation commence par une naissance d'une femme dans les douleurs de l'enfantement, elle se poursuit dans l'inquiétude d'une mère pour l'avenir incertain de son fils. La vérité de l'incarnation se lit dans la joie de Marie qui voit son fils répondre à ses vœux à Cana pour service du monde. L'incarnation de celui qui nous sauve trouve son accomplissement au pied de la croix dans le cœur de Marie plein d'espérance et d'amertumes.
La contemplation de Marie, c'est l'objet de la vision de Jean : "Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d'un enfantement."
L'auteur, dans sa contemplation, nous révèle la beauté et la grandeur de cette femme : "Une femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles."
"Fille de roi, elle est là, dans sa gloire,
vêtue d’étoffe d’or ;
on la conduit, toute parée vers le roi."
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.