Marc 1 / l'appel des disciples / l'homélie

L’Évangile de ce dimanche se situe" Après l’arrestation de Jean le Baptiste." Jean-Baptiste a accompli sa mission. Celle de Jésus commence. Jésus parcours la Galilée. Il annonce le monde nouveau dont nous parle Paul dans sa lettre aux Corinthiens : "Car il passe, ce monde tel que nous le voyons." Jean-Baptiste est le pivot de ce changement. Il est celui qui désigne Jésus comme étant "l'agneau de Dieu". C'est cela que nous méditions dimanche dernier. Le Fils de Dieu est parmi nous, il s'adresse à nous. Il nous appelle à le suivre. Il annonce que le Royaume de Dieu est proche.
Jésus passe près de deux pécheurs, Simon et Andrée, qui jettent leurs filets dans la mer de Galilée. Il les interpelle : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Deux hommes, absorbés par leur activité professionnel, abandonnent leur travail et suivent Jésus sans un mot, sans question, sans même semble-t-il avertir leurs proches. Ils le suivent.
Pourquoi ?
Quand nous percevons que le Christ pose les yeux sur nous, quand sa parole nous touche, comment faire autrement que le suivre ? Ce matin-là, (je ne sais pas si c'était le matin, mais il me plaît de le considérer ainsi), ce matin-là donc, en s'adressant à Simon et André, Jésus touche leur chair à l'endroit où Dieu attend tout homme. Jésus ne les captive pas par un long discours, il n'argumente pas, il les croise, il les regarde, et il les appelle.
Ce n'est pas toujours facile, de tout laisser pour suivre le Christ. Le jeune homme riche en a fait l'expérience comme on le lit dans Matthieu au chapitre 19. Lui qui interpelle Jésus pour savoir comment avoir la vie éternelle. Jésus pose son regard sur lui et l'aime. "Vas vends tout ce que tu as et suis moi." Le texte nous dit que le jeune homme partit tout triste. Souvent nous pensons qu'il ne suit pas le Christ. Mais j'aime à penser que s'il est triste c'est parce qu'il va tout vendre et que ce renoncement ne sera pas sans difficulté et qu'en définitive il suivra le Christ. Le jeune homme a été lui aussi touché.
Plus loin dans le texte, Jésus appelle Jacques et Jean qui de la même manière abandonne leur tâche la laissant à leur père et leurs ouvriers pour suivre Jésus. Là encore pas de discussion, ils suivent Jésus.
Jacques et Jean n'ont vu que le Christ qui leur parlait. Ils ne se sont pas posé les questions : "Qui sont les deux hommes qui suivent Jésus ? D'où sont-ils ? Que font-ils ? En quoi croient-ils ? " C'est le Christ qu'ils suivent. Peu importe les compagnons de route, ils prennent le même chemin.
Dans le monde, cela n'est pas courant. Nous sommes plutôt enclins à nous comparer. Nous sommes prisonniers de nos idées qui sont bien sûr les bonnes, elles sont le reflet de la vérité. Alors que ceux: qui ne pensent pas comme nous: sont dans l'erreur même si eux-mêmes affirment suivre la parole de Dieu ou bien respecter des valeurs laïques de tolérance.
Et d'ailleurs, ceux qui ne pensent pas comme nous sont aussi persuadés détenir la vérité, ils pensent que nous sommes dans l'erreur alors comment pourrions-nous nous entendre ?
C'est ainsi que peuvent s'affronter progressistes et traditionnalistes dans l'Eglise. C'est ainsi que nous décidons de célébrer le Seigneur dans telle ou telle paroisse parce qu'elle correspond mieux à notre sensibilité.
Pousser à l'extrême, au nom d'un athéisme et d'une laïcité militante, des hommes blessent d'autres hommes dans ce qu'ils ont de plus cher, leur foi.
Pousser à l'extrême, quand les idéologies viennent brouiller le message d'amour de Dieu, des hommes prennent les armes et tuent d'autres hommes au nom de Dieu.
Quand la spirale de la violence s'engage, il n'y a pas de fin sauf à se tourner vers Celui qui nous appelle à vivre.
C'est cela qu'évoque Monseigneur Jean-Pierre Ricard au cœur de son article dans le journal du diocèse quand il écrit qu'on ne doit pas ignorer la dimension spirituelle des jeunes (on peut étendre la réflexion à tout homme quel que soit son âge). Monseigneur Ricard n'écrit pas cela pour faire de notre pays, un pays de croyants mais pour que soit respecter l'aspiration de chacun à une dimension qui le dépasse, qui dépasse ses idéologies.
Pour certains, il s'agira de suivre le Christ, pour ceux qui auront senti le regard du Christ se poser sur eux.
D'autres, suivront la voie du Prophète.
Et enfin, des hommes se laisseront habiter par des aspirations de liberté, de fraternité, d'égalité, de justice et de tolérance. Quand ces aspirations sont un chemin pour l'homme, elles ne peuvent être inspirées que par Dieu. Mais cela c'est seulement nous qui le croyons et imposer cette conviction c'est déjà trahir ces aspirations.
Jésus n'a pas constitué un groupe homogène, il y a des riches et il y a des pauvres, il y a des travailleurs et il y a des oisifs. D'ailleurs, ils vont se disputer, par exemple pour obtenir des faveurs. Ils vont même se disputer après la résurrection du Christ.
Mais aujourd'hui, la liturgie nous donne à méditer l'exemple de Simon, André, Jacques et Jean qui suivent Jésus et seulement Jésus sans questions, dans le seul élan de la foi.
Un monde nouveau est en train de naître, un monde dans lequel le Christ pose son regard sur chacun.
Seigneur Jésus, nous t'en prions, viens poser le regard sur chacun de nous !
Père infiniment bon, révèles au cœur de tout homme ton message d'amour !
Esprit-Saint, ouvres nos yeux à la richesse de nos différences !
Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.

Pour le moment, laisse-moi faire ; c'est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste / Le Baptême de Jésus/ une homélie

Aujourd’hui se termine le temps de Noël. Vous pouvez, en rentrant, enlever le sapin et ranger la crèche. Dès dimanche prochain, nous allons suivre Jésus. Nous allons suivre Jésus qui sort de l’anonymat pour parcourir la Palestine et annoncer la bonne nouvelle. Nous allons suivre Jésus qui quitte Nazareth pour annoncer le salut de Dieu.
Mais avant cela, avant d’accomplir sa mission, Jésus a besoin d’être confirmé dans la tâche qui l’attend. Il a besoin que, sur lui, soit posé un geste et une parole. Le geste ce sera celui du baptême. Ce geste que dans un premier temps Jean voulait refuser. Et Jésus de prononcer cette phrase étrange : « Pour le moment, laisse-moi faire ; c'est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste. » « Laisse-moi faire » dit-il et pourtant le geste doit être fait par Jean.
Dans cette phrase, se révèle la profondeur du mystère du baptême. Elle ouvre notre intelligence à qui fait quoi. Elle ouvre notre cœur à ce qui, de nos jours, fait que des parents qui demandent le baptême pour leur enfant, frappent à la porte de la salle Saint-Jean, là où s’accomplit la mission de l’accueil.
Les parents, auxquels on demande la raison de leur démarche, ont toutes les bonnes raisons pour demander le baptême de leur enfant. Je ne vais pas les énumérer, chaque cas est différent. Mais au fur-et-à-mesure de la préparation, on perçoit que la raison de la demande du baptême est moins saisissable.
Cela me rappelle une jeune de l’aumônerie du collège que sœur Joëlle et moi préparions pour le baptême. Cette jeune est issue d’une famille chrétienne mais non pratiquante. Au début, elle nous explique pourquoi elle demande le baptême. Ces amies lui ont parlé de l’aumônerie. Elle a suivi ses amies et a entendu parler de la vie de Jésus. Voulant en savoir plus, elle demande le baptême, voilà la raison de sa demande. Au bout des cinq mois de préparation, sérieuse, complète, nous lui avons demandé de nouveau pourquoi elle demandait le baptême… Et là, elle nous répond qu’elle ne le sait pas ! Voilà une préparation plutôt ratée pourrait-on penser. Mais vous ne pouvez imaginer combien cette réponse nous a mis en joie Joëlle et moi. Il n’y a pas de meilleure réponse devant le mystère d’un sacrement. Elle ne savait plus pourquoi elle demandait le baptême mais elle le demandait quand même.
De nos jours, ne pas savoir pourquoi on fait les choses paraît étrange. Alors, on donne des raisons. Mais l’important ce n’est pas pourquoi on fait les choses, mais le désir au fond de soi. Pour le baptême, c’est le désir d’accorder un peu de place à ce Dieu qui vient nous rejoindre.
C’est le désir d’entendre mystérieusement au plus profond de nous-même les paroles d’amour que Jésus lui-même entendit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour. »
C’est le désir pour les parents que leur enfant tressaille à la même joie.
Et pour nous tous, l’important, c’est que le nom de Jésus s’inscrive dans la chair d’un être humain. Car à l’approche du sacrement, à la proximité du sacrement, notre propre chair vibre en harmonie, nous rappelant notre baptême. Et la joie nous rejoint.
Au-delà de la joie qui nous habite, les baptêmes auxquels nous assistons nous rappellent notre mission. Après le rite de l’eau, celui qui reçoit le baptême est déclaré « prêtre, prophète et roi ».
Prêtre, nous le sommes car nous pouvons nous s’adresser à Dieu et Dieu s’adresse à nous. Roi, nous le sommes car, une fois plongé dans la mort et la résurrection du Christ, nous sommes appelés à la vie éternelle.
Mais prophète, le sommes-nous ? Le prophète c’est celui qui proclame aujourd’hui les signes de la présence du Seigneur dans le monde.
Car, comme Jésus qui pose un acte pour être confirmé dans sa mission, le baptême nous confirme pour la mission dans note rôle de prophète.
Mes amis, ne ressentez-vous pas aujourd’hui le souffle de l’Esprit de mission se renouveler ? François nous le dit sans cesse depuis son élection. La mission, ce n’est pas la marotte du pape. Ce n’est pas non plus son programme pour son pontificat. Ce souffle qui inspira les pères du concile, se ravive et touche François de la même manière qu’il nous touche. François nous adresse pour cette année et pour celles qui viennent son exhortation. Il l’adresse aux évêques, aux prêtres et aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs. Nous sommes tous concernés. Il lui a donné le titre : « Evangelli gaudium » ce qui se traduit « La joie de la Bonne Nouvelle » (j’espère ne pas trop me tromper, je ne connais pas particulièrement le latin).
Nous avons communié à la parole du Christ, nous allons communier à son corps. Nous recevons la force de son Esprit pour porter la Bonne nouvelle. N’ayons pas peur, sortons ! Sortons de nous-même ! Quittons Nazareth ! Le monde attend cette bonne nouvelle, allons-y, le Christ nous précède en Galilée. Alors la joie et la paix du Christ nous habiteront.
L’Evangile de Matthieu que nous lirons tout le long de cette année liturgique se termine par ces paroles : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. » C’est la raison de notre baptême. C’est pourquoi nous demandons le baptême pour nos enfants.
Seigneur, envoie sur nous ton Esprit de mission, pour nous donner la force d’accomplir ta volonté.
Seigneur, envoie sur l’Eglise ton Esprit de mission, pour lui permettre d’ouvrir en grand ses portes.
Seigneur, envoie sur le monde ton Esprit de mission pour que ta parole soit accueillie en vérité.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.


Appelé à partager les peines et les joies des hommes et des femmes d’aujourd’hui / Diaconat / D Bourgoin

Il y a un an, je recevais à Gradignan les ministères institués de Mgr Laurent Dognin. Dans la foulée, Pierre Bordis m’emmenait à l’abbaye du Rivet pour choisir les étoles de diacre.
Je veux partager aujourd’hui cette anecdote pour dire comment le Seigneur nous emmène là où on ne veut pas aller.
Ayant choisi l’étole blanche des temps de fêtes, l’étole verte du temps ordinaire, l’étole rouge pour les célébrations des martyres, je ne me décidais pas pour l’étole violette. Je dis alors à Pierre que j’avais bien le temps pour cette étole, que le besoin viendrait seulement pour l’Avent dans un an. Pierre me fit cette réponse et un frisson me parcourut le dos : « Mais, Dominique, nous comptons sur toi pour nos obsèques. »
Pas un instant, lors de ma préparation, j’avais envisagé la possibilité de présider à des obsèques. Et brutalement Pierre me rappelait la mission à laquelle j’étais appelé.
Mais le Seigneur, dans son implacable volonté, n’en avait pas fini.
La veille de mon ordination, je recevais un appel sur mon téléphone mobile pour me demander de célébrer des obsèques le jeudi à venir. L’appel venait de l’atelier obsèques en lien avec d’une famille. Je n’ai pas refusé, je ne pouvais pas refuser. Je sentais bien que le Seigneur m’appelait là où je ne voulais pas aller. Cela a été heureux que je débute ainsi mon ministère de diacre, au service de la communauté. Il y a peu de temps, le samedi précédent Noël de cette année, j’ai reçu la même demande.
Ces deux appels, ont été l’occasion d’une rencontre vraie, profonde avec les familles. Grâce à ces deux rencontres, peut-être ai-je mieux compris à quoi est appelé le diacre ? Peut-être est-il appelé à partager les peines et les joies des hommes et des femmes d’aujourd’hui comme nous l’a enseigné le concile Vatican II ?

« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Gaudium et Spes.

Que le Seigneur achève en nous ce qu’il a commencé…

Dans le secret, l'appel au service du Christ prend chair / Diaconat / D. Bourgoin


Il y a six ans à la même époque, je rencontrai le père Alain Dagron au presbytère au sujet de l'appel au diaconat. L'année suivante, Marie et moi suivions une année de discernement avec d'autres couples, encadrés par Robert, un diacre et une femme dont l'époux est diacre. A l'issue de cette année, j'ai rencontré Mgr Jean-Pierre Ricard qui nous a appelés à suivre la formation. Lors de l'entretien, il m'a recommandé de garder secret le chemin que nous entreprenions, Marie et moi.
Je remercie profondément ceux qui m'ont donné ce conseil. Je remercie également sincèrement ceux qui, au courant de ma démarche, l'ont gardé dans leur coeur. Car dans le secret, se joue beaucoup plus que la discrétion nécessaire à la liberté de poursuivre ou d'arrêter. Dans le secret, l'appel au service du Christ prend chair. Pendant ces quatre années, les week-ends de formation, six par an, ont rythmé notre vie. Ces rencontres dispensent une formation nécessaire, mais offrent également une ouverture à la dimension diocésaine de la mission du diacre au contact d'autres hommes candidats des deux provinces apostoliques d'Aquitaine et du Poitou. Parmi ces candidats, François-Xavier et Philippe m'ont épaulé fraternellement et nos échanges m'ont permis tout autant de discerner. Mais au-delà des temps de formation, je crois qu'il ne s'est pas passé une journée pendant ces années où je n'ai pas médité l'appel du Seigneur. Dans le secret, dans le silence, un compagnonnage avec le Christ s'établit quotidiennement, jalonné par la prière des heures.
Depuis le premier dimanche de l'Avent, l'appel du Seigneur et de l'Église est devenu public. Ce qui était connu d'un petit nombre est partagé par toute l'assemblée des chrétiens de Gradignan. J'ai reçu subitement une grande bouffée de chaleur. Nombreux sont ceux qui sont venus partager un mot. J'ai perçu comme une joie pendant l'Avent qui se prolonge pendant le temps de Noël. Je redoutais cet instant, j'essayais de ne pas y penser. En fait, il s'est passé simplement, comme simplement je reçois aujourd'hui les ministères institués par Mgr Dognin, étape sur le chemin qui mène à l'ordination diaconale.
Aujourd'hui, Marie et moi nous ne sommes plus seulement en formation, nous sommes désormais entrés dans le temps de la préparation à l'ordination. Nous sentons autour de nous le soutien de la prière de l'assemblée chrétienne de Gradignan et nous en rendons grâce au Seigneur.