Jérusalem, c'est nous / Epiphanie du Seigneur / Une homélie

Aujourd’hui, je vous propose un voyage.
C’est saint Bernard qui m’a donné l’idée.

Pour Bernard, quand Jésus vient dans la chair, c’est en notre chair qu’il vient.
Nous sommes le lieu de l’accomplissement de la Parole. Noël n’est pas l’anniversaire d’un évènement passé, c’est la célébration en nous de la naissance du Sauveur.
Les lieux de l’écriture, c’est nous : quand Jésus naît à Bethléem, c’est en nous qu’il vient naître… Bethléem, c’est nous*.
En fait, l’idée de saint Bernard n’est pas nouvelle, c’est exactement ce que nous vivons à chaque eucharistie.

Alors, aujourd’hui, je vous propose de voyager dans l’évangile de l’épiphanie en suivant l’intuition de Bernard :
Jérusalem, c’est nous.
C’est chacun de nous… et comme c’est une ville, c’est probablement aussi nous tous ensemble.
La Jérusalem qui doit quitter sa robe de tristesse, ce n’est pas la ville du moyen-orient, la Jérusalem qui était dans la nuit et sur qui se lève la clarté du Seigneur, c’est nous !

Jésus surgit en nous.
Il se fait tout petit, en nous.
Quelque part dans les dédales de nos ruelles intérieures.
Car il y a de tout dans notre Jérusalem intérieure, c’est encombré de plein de choses, de plein de monde… parfois, ça ressemble d’avantage à Capharnaüm.

Dans la nuit de notre Jérusalem, pointe une lumière. Avec cet enfant, apparaît une étoile.
C’est en chacun de nous que cette petite lumière cherche à trouver sa place.
Et voilà que nous sommes visités par des voix étrangères. Des voix que l’on attendait pas. Des voix venues d’on ne sait où, de très loin, des voix familières des mystères du ciel.
Ces voix viennent pour adorer l’enfant, pour se prosterner devant cette lumière naissante.

Le problème, c’est que dans notre Jérusalem intérieure, quelqu’un règne.
Il y a déjà un roi… appelons-le Hérode, mais il se pourrait qu’il porte nos propres noms.
Je me suis beaucoup interrogé sur ce personnage d’Hérode.
De quoi Hérode est-il la figure en moi ?
Qu’est-ce qui, en moi, tient la place d’Hérode ? fonctionne comme Hérode ?

Nous hébergeons en nous un roi, une puissance qui règne, à laquelle nous nous soumettons sans trop de résistance.
C’est peut-être cette voix intérieure qui passe son temps à nous assurer que tout en nous est « sous contrôle », que notre vie nous appartient, que c’est nous qui menons la barque !
Et même si c’est le grand bazar dans nos vies, nous continuons à faire confiance à notre petit Hérode intérieur. Ce petit tyran intérieur qui nous ressemble et qui nous rassure.

Et voilà que ces voix venues de loin, ces voix venues d’ailleurs, ces voix qui viennent nous parler d’une lumière dans nos vies, viennent annoncer un autre roi !
Imaginez la panique qui règne alors dans notre Jérusalem intérieure !
Voilà que notre petit Hérode qui se croyait seul à la barre, apprend que nous avons un autre roi… un roi qui est un nouveau-né et qui est plus puissant que lui !

Regardons bien comment fonctionne ce petit Hérode qui habite en nous : connaît-il les Ecritures ? Non. Mais il connaît des gens qui les connaissent.
Alors il les fait lire à sa place.
Et que disent les écritures ? Elles confirment : oui, un Seigneur vient qui n’est pas Hérode.
Alors Hérode assure qu’il ira se prosterner devant lui… plus tard… mais il n’y va pas.
Parce-qu’il a peur.
Parce-qu’il est terrifié par ce roi qui vient
Et bientôt, il mettra tout en œuvre, y compris le pire, pour éliminer cet enfant qui vient régner en nous.

Oui, il y a en nous une force qui refuse la venue du Fils.
Il y a en nous quelque chose qui se fait passer pour puissant et qui résiste de toutes ses forces à la lumière.
Il y a en nous un petit roi qui refuse de lire les Ecritures ! Qui ne veut pas se pencher sur l’évangile, de peur d’y perdre son trône !
Parce que c’est bien l’œuvre de la lecture (c’est aussi celle des sacrements) : nous faire découvrir un règne nouveau, un Royaume dans lequel nous ne sommes pas rois,
dans lequel le sens ne règne pas, face auquel le savoir ne sert de rien.
Ceux qui ont l’expérience de la lecture en groupe savent de quoi je parle : ce moment où, dans le trouble de la lecture, ce que l’on croyait stable, solide, installé, « régnant », se met à vaciller, à s’effriter, pour laisser la place, parfois (pas toujours) à la fragilité d’une étincelle.

Chers amis, vous finirez ce voyage chez vous, sans moi.
Vous chercherez en vous, au plus profond de vous, ce que peuvent bien être l’or l’encens et la myrrhe…. ces dons ne sont pas pour d’autres que pour vous.
Chacun reçoit ces dons pour le petit enfant qui s’est blotti en lui, au profond de sa chair, le soir de Noël.
Chacun porte en lui cette étoile, non pas pour décorer le sapin, mais pour éclairer ses ténèbres intérieures.
Chacun doit découvrir et accepter qu’il abrite un petit Hérode caché en lui. Cette force cruelle et bête dont le Christ vient nous libérer.
Ne laissons pas Hérode régner en nous, ou du moins n’en soyons pas esclaves.
Contrairement à lui, lisons ! Le temps se fait court, nos vies sont comme un souffle.
Les chrétiens complotistes (puisqu’il paraît qu’il y en a de plus en plus), ne sont pas du Christ, puisque le Christ est Vérité, ils sont d’Hérode ! Ils alimentent la ténèbre.

Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.
Nous ne sommes pas spectateurs… tout ça se joue dans nos chairs,
pas seulement le dimanche à la messe, mais à chaque instant, en Vérité,
pas seulement pour notre Salut, mais pour le Salut du monde.

Amen !
Sylvain, diacre
*Par exemple, dans le premier sermon de la vigile de Noël p.207 in Sources Chrétiennes n°480

Syméon reçut l’enfant dans ses bras / Luc 2 22-40 / Une homélie

Pour le dimanche de la sainte famille, j'ai le sentiment que l'Evangile d'aujourd'hui nous invite à élargir la famille. Elle est bien discrète la sainte famille dans le texte, et elle se fait voler la vedette par un papy et une mamie.

Plusieurs fois Jésus se rendra au temple de Jérusalem, là c'est la première fois. Ses parents accomplissent une démarche de gratitude envers le créateur. Cet enfant, qui emplit leur vie, est un don, un don de Dieu.

La naissance d'un enfant emplit la vie de toutes les familles. Ça l'est encore plus pour cette famille si particulière.

Dans l'Evangile, Marie et Joseph font une démarche religieuse, qui semble codée, ritualisée, puisque qu'on précise même le nombre et la nature des animaux à offrir en sacrifice.

Dans ce déroulement, apparemment précis et organisé, se glisse un personnage étonnant. Syméon reçoit l'enfant dans ses bras. Syméon, n'est pas un prêtre, ce n'est pas un scribe ou un docteur de la loi. De Syméon, on dit seulement qu'il est juste et religieux.

Il est soumis à plus grand que la loi, il se laisse conduire par l'Esprit, par trois fois le texte précise sa relation avec l'Esprit Saint. Il croit à ce qui lui a été annoncé : il verra le messie avant de mourir.

Curieusement, je dirai même bizarrement, Syméon se retrouve avec l'enfant dans les bras.

Je peux dire qu'on a tous pris à un moment ou à un autre un nouveau-né dans les bras. On a tous le souvenir des sentiments confus qui se bousculent sur l'instant. C'est si petit, c'est si plein de vie, ça gigote tant que ça va tomber. On tient la vie dans ses bras.

Chez Syméon, rien de cela, il ne fait pas des gouzi-gouzi. Quand Syméon reçoit l'enfant, il lui vient une prière.

Je ne sais pas comment il se trouve que Syméon reçoit l'enfant dans ses bras, mais cela semble naturel, cela semble aller de soi.

Peut-être prenait-il tous les nouveau-nés dans les bras pour voir si l'un d'entre eux était le Christ ? Mais cela veut dire que l'Esprit Saint avait précisé l'âge du messie quand il le rencontrerait. En fait, le texte précise bien que Syméon, ce jour, a été poussé par l'Esprit : "Sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple."

Il y a comme une action de la providence, il y a comme un scénario organisé par l'Esprit-Saint. Des personnages éloignés les uns des autres, des inconnus se rejoignent au temple.

Et là, l'un d'entre eux reçoit l'enfant-Dieu dans ses bras. Un scénario, somme toute à la fois extraordinaire et fréquent.

Aujourd'hui, nous tous, sous l'action de l'Esprit Saint, nous nous sommes levés. Nous avons entendu que nous recevrons une consolation, que nous recevrons le Christ dans nos mains.

Nous nous sommes rassemblés, nous qui venons d'horizons différents, nous qui avons des préoccupations différentes, nous qui sommes de tous les âges.

Que va-t'il se passer, ici, à cet autel ? Que va-t'il se passer dans cette liturgie organisée ? Chacun de nous va recevoir dans ses mains le corps du Christ.

C'est fou !

C'est aussi surprenant que l'histoire de Syméon, le papy de la Sainte Famille. Il y a de quoi s'émerveiller quand on prend un peu de recul.

Moi aujourd'hui je partage un repas en frère avec le Christ.

Moi aujourd'hui je tiens dans mes bras le Christ.

Mes yeux voient le salut.

Mes yeux contemplent la lumière du monde.

Dans la confiance, la saine Famille confie l'enfant-Dieu au creux de nos mains, pour nous inviter à les rejoindre.

Ce dimanche, nous sommes incorporés à la sainte Famille. C'est ce qui arrive à Syméon, le papy, il est adopté. Et en grand-père, avec la sagesse qui vient avec l'âge, il prodigue ses conseils aux parents : "Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre."

Comment Marie et Joseph ont accueilli ces paroles ? On ne sait pas, on sait juste qu'ils rentrent chez eux dans le calme et la sérénité d'une famille qui a accompli son devoir. Pourtant, ils ont entendu comme nous, cette prière que beaucoup de chrétiens récitent le soir avant de se coucher :

Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. "

Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.

Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur./ Luc 2 / Homélie de la nuit de Noël 2020

Ce sauveur, il est annoncé depuis longtemps. Il est annoncé par le grand prophète Isaïe. Vous l'avez écouté dans la première lecture. "Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. »"

Je propose pour cette nuait de Noël que nous nous attardions sur un des qualificatifs qu'Isaïe donne à cet enfant. Cet enfant, qui est né, est Prince de la paix.

La paix, le monde en a bien besoin en cette fin d'année 2020.

La pandémie nous a tous confiné en nous même, dans nos demeures, dans nos villes, dans nos régions, dans notre pays.

Nous assistons au grand repli sur soi. Même les familles se fragmentent, les grands rassemblements familiaux sont malvenus.

Attention, encore une fois, je ne remets pas en cause les mesures barrières qui sont absolument nécessaires. Je ne porte pas non plus de jugement sur les décisions gouvernementales. Mais force est de constater que ces mesures nous isolent les uns des autres.

Or cette nuit, nous célébrons la venue du Prince de la paix dans notre monde. Nous fêtons la naissance d'un enfant au sein d'une famille alors que Rome s'est lancée dans le recensement de la population.

Quelle disproportion ! D'un côté l'administration compte les individus, de l'autre côté, la naissance d'un Fils, d'un Fils unique. D'un côté, on imagine la fébrilité et la suractivité. De l'autre côté on constate la douceur et la paix.

Oui mes amis, au cœur de nos vies agitées par le virus, au cœur de nos inquiétudes liées à la situation économique, le Prince de la Paix s'incarne. Dieu se fait homme pour que l'homme soit sauvé.

Comment chacun de nous accueille cette naissance ? Allons-nous nous replier sur nous même et garder cette extraordinaire nouveauté pour nous ? Allons-nous garder la nouvelle de cette naissance confinée dans nos familles ? Allons-nous limiter la mémoire de cet extraordinaire événement à l'échange de cadeaux au pied du sapin ? Certes, de la joie, il en faut et cela est bon mais ce soir nous sommes invités à aller plus loin.

Pourquoi ne pas nous joindre aux bergers pour adorer l'enfant, le prince de la Paix ?

Ne sommes-nous pas invités à accueillir le Prince de la Paix en vérité.

A la manière dont nous accueillons le Christ, nous devenons nous-même ferment de Paix.

Nous sentons bien ce soir devant la crèche qu'il ne s'agit pas seulement de sourire béatement devant un bébé qui gazouille gentiment, emmailloté dans la mangeoire. L'affaire nous dépasse.

Nous ne pouvons que nous étonner et accueillir.

C'est fou, cet enfant c'est Dieu qui se fait homme. C'est le Père qui offre à son peuple son Fils comme gage de Paix.

Inutile d'essayer d'expliquer, inutile d'essayer de comprendre. Prendre le chemin de l'explication rationnelle, c'est s'engager dans une voie sans issue. Une voie qui nous conduit à nous construire un Christ à notre convenance. Quand nous construisons un Christ à notre seule convenance, inévitablement, il s'oppose à d'autres convenances.

Or le Prince de la Paix s'incarne dans l'humanité toute entière, pour l'humanité toute entière.

Désormais : "Car tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. " écrit saint Paul dans sa lettre aux Galates.

Le prince de la Paix n'impose pas son règne, il se révèle aux petits, aux bergers dans la simplicité. Il nous invite à renoncer à nos volontés de puissance et de possession pour laisser venir en nous le ferment de la paix dans la prière.

Dans un instant, deux fois le prince de la paix sera invoqué dans notre prière. Une première fois à l'autel vous entendrez "Seigneur Jésus, tu as dit à tes apôtres je vous laisse la paix, je vous donne la paix." Et ce soir nous vous proposerons d'échanger la paix dans le langage des signes.

La seconde fois nous prierons en chantant : "agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, donne-nous la paix".

Enfin, nous serons invités à nous approcher de cet autel pour recevoir le corps du Christ dans les mains. Nous serons invités à communier en mangeant l'hostie qui nous sera tendue.

Si dans la prière et l'écoute de la parole, nous nous laissons rejoindre par la paix intérieure que le Père nous offre par le Christ, nous la communiquerons à notre tour à nos proches et surtout à notre prochain.


Paix et joie pour tous, joyeux Noël !

Dominique Bourgoin, diacre.

Et l'ange la quitta / Luc 1 26-38 / Une homélie

On nous a dit, vous l’avez entendu comme moi :

« cette année, Noël ne sera pas une fête normale »
Depuis quand Noël est une fête normale ?
Qu’y a-t-il de normal dans Noël ?
- Est-ce que la venue du créateur de l’univers dans un enfant couché dans une mangeoire c’est normal ?
- Est-ce qu’un enfant né d’une Vierge c’est normal ?
- Est-ce que l’incarnation du Verbe de Dieu dans la chair c’est normal ?

Noël et la normalité, ça ne marche pas ensemble.
Noël n’est jamais une fête normale. Et ça serait très mauvais signe pour nous si ça le devenait, si pour nous, tout ça était devenu normal, si plus rien dans cette histoire ne nous surprenait.
Ce serait aussi grave que de venir communier en trouvant ça normal !

Aujourd’hui nous avons à contempler un des sommets de l’anormalité :
Un ange – sans ailes – entre chez une jeune fiancée, et les deux se mettent à dialoguer.
Il est question d’une conception sans homme, d’un trône et d’un règne pour toujours, de l’Esprit-saint et de l’ombre de la puissance de Dieu…
Pas un mot de ce dialogue, pas une seule réaction de cette jeune fille n’est normale !
Son consentement à la parole de l’ange est une pure folie, absolument incompréhensible pour nous. Personne de normal ne s’auto-proclame Esclave. Personne de normal n’accepte de donner sa chair à un contrat aussi fou et aussi flou…

Mais Marie n’est pas normale.
Marie est « comblée de grâce »
Je ne sais pas ce que c’est être « comblé de grâce », être plein, rempli, comblé comme un œuf... saturé de grâce !
Alain Dagron dit qu’être « comblé de grâce » c’est « avoir l’élégance de ceux qui se savent aimés ».
Alors si Marie n’est pas normale, c’est peut-être parce qu’elle n’a pas oublié qu’elle est follement aimée de Dieu.
Elle ne l’a pas oublié comme nous, ou du moins, elle, elle y croit. Elle y croit en vérité ! Quand nous passons notre vie à résister par orgueil à cet amour…

« Et l’ange la quitta »
Précision admirable de l’Evangile !
Pourquoi faut-il que l’on entende « et l’ange la quitta » ?
Marie est donc laissée seule.
Pas d’ange autour d’elle pour la servir ou lui jouer de la harpe !
Non, l’ange la quitte.
C’est le seul ange de l’histoire de Marie. Elle n’aura plus jamais affaire aux anges.

Marie n’a pas besoin d’anges. Car les anges sont les mots, les messages de Dieu, mais Marie a donné sa chair à la Parole toute entière.
Elle n’a pas à accueillir les messages de Dieu puisqu’elle a accueilli le Verbe lui-même !
Que voulez-vous qu’un ange lui dise quand elle a porté Dieu-qui-parle ?

L’ange la quitta
Merveille incomparable de l’Evangile
puissance inégalable de ce texte
A-t-on mesuré le cadeau qui nous est donné avec l’Evangile ? Oh non, sinon, nous nous bousculerions aux groupes de lecture, sinon, il y aurait des manifestations dans la rue pour réclamer des temps de lecture !
Mais non, l’Evangile est devenu pour nous un texte « normal »

Et si ce Noël enfin anormal était l’occasion d’ouvrir les yeux ?
Etre chrétien, c’est renoncer à la normalité !
- Il n’est pas normal d’aimer ses ennemis, de proclamer heureux les pauvres, de mettre sa foi dans l’enfant d’une Vierge qui un beau matin déserte son tombeau !
- ni de s’avancer vers une table pour manger un bout de pain qu’on nous désigne « corps du Christ »
- ni de verser de l’eau sur le front des enfants pour en faire les membres de ce même corps !
Et je pourrais continuer la liste… et elle n’en finirait pas
Quand nous serons normaux, nous ne serons plus chrétiens.
La normalité, c’est le désir du monde et c’est le désir du diable : tous pareils, bien sages, bien muets, bien rangés sous une sécurité globale.

C’est ça qu’il faut dire aux jeunes, c’est ça qu’il faut affirmer aux ados quand ils commencent à trouver louche ce qu’ils entendent à la messe : vouloir leur expliquer, c’est voué à l’échec !
On n’explique pas « qu’il me soit fait selon ta parole », on n’explique pas « ceci est mon corps », on s’y plonge !
Expliquer, c’est tuer*. C’est fermer l’espace de la Voix, c’est empêcher justement que sa Parole fasse en nos entrailles ce qu’elle a à faire : concevoir un Fils.
Marie ne demande pas d’explications, l’ange ne lui en donne pas, et elle n’a que faire de comprendre.
Aux jeunes (et aux autres), il faudrait dire « vas-y ! n’aie pas peur, viens te frotter à ces mots et à ces gestes ! Cherche tes propres mots, fait entendre ta voix, n’éteint pas ta révolte mais travaille-la. Accepte cette folie qui est l’unique Vérité, et ne te laisse pas troubler par les illusions de normalité »

Dans quelques jours nous allons fêter Noël, dans les conditions que l’on connaît… et bien qu’importe ! Ne nous laissons pas voler la folie de Noël !
Quoi qu’il arrive, où que nous soyons, soyons brûlants, soyons fous comme Marie, soyons des poètes de la Parole ; soyons comblés de Grâce !
Accueillons les anges qui ne manqueront pas de rentrer chez nous, cette année plus encore que d’habitude, car les anges détestent les portes closes.

Et demandons au Seigneur avec ardeur, prions sans cesse avec fièvre :

« Ô Seigneur, garde-nous de toute normalité ! »

Joyeux Noël ! ╬ Amen
Sylvain, diacre

*« a force de vouloir comprendre la logique qui régit l’opératoire du monde et des êtres, nous devenons sourds. Etre sourd, c’est comprendre sans entendre. Je connais des enfants qui meurent d’être compris (…) Je connais des adultes qui meurent et qui tuent de vouloir comprendre, tout comprendre. » Denis Vasse, L’arbre de la voix p83

Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas / Jn 1 6-28 / Une homélie


Bonne nouvelle ! Il y a de quoi nous mettre en joie pour ce dimanche de "gaudete" Il y a de quoi se réjouir quand on entend : "Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ;"

Il y a quelqu'un qui se tient au milieu de nous, qui vient à notre rencontre et qui nous cherche.
Cela fait du bien à entendre.
Depuis près d'un an, nous entendons qu'il y a quelque chose au milieu de nous qui nous veut du mal. Nous sommes contraints pour lutter contre le virus de respecter une distanciation physique qui rapidement se transforme en distanciation sociale.

Cette chose au milieu de nous, nous éloigne les uns des autres. Nous le voyons bien, ce virus crée des tensions. Je ne veux pas critiquer ici les mesures barrières qui sont d'une nécessité absolue. Mais nous ne pouvons que constater que cette nécessité agit sur nos comportements.

Le week-end dernier, j'étais heureux de voir Xavier franchir le seuil de ma porte et j'ai le réflex de tendre la main. Mais rapidement, ce geste je l'ai réprimé, donnant l'impression que je me méfie de Xavier. C'est comme si je me méfiais de mon ami. Nous avons échangé sur ces gestes qui nous manquent, se serrer la main, se prendre dans les bras pour s'embrasser. Des gestes que nous oublions petit-à-petit et qui pourtant sont si nécessaires à notre vie.

"Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ;" est pour nous bonne nouvelle. Ces mots suscitent en nous la joie.

Le Christ se tient au milieu de nous et il nous cherche. Celui qui se tient au milieu de nous et que nous ne connaissons pas, nous cherche. C'est un leurre de croire que c'est nous qui le cherchons. En effet croire que nous trouverons le Christ, sa paix et sa joie, équipés seulement de nos propres forces est une illusion. Cette illusion peut nous conduire à construire des théories extravagantes. Théories de plus en plus fumeuses. Ce virus qui circule entre nous, nous sépare et crée de la méfiance.

Le monde n'a pas besoin de discours ni de théorie pour s'apaiser. Il a besoin de témoins qui par leurs actes et leurs paroles montrent la présence de celui qui se tient au milieu de nous.

Le monde a besoin de témoins comme Jean le Baptiste qui désignent celui qui se tient au milieu de nous.

Le monde n'a pas besoin d'un Christ construit et modelé à sa convenance mais plutôt de témoins qui suivent celui qui dira plus tard :

"moi, je suis le chemin, la vérité et la vie."

Il se tient au milieu de nous celui que nous ne connaissons pas. Ce "nous" n'a pas de limites. Le Christ qui vient, vient porter la paix à l'humanité toute entière.

Faisons preuve de confiance dans le pouvoir de paix du Christ, ce n'est pas dans la peur et la méfiance qu'un monde en paix se construit.

Pour l'avent, dans le journal de la paix, le mouvement Pax christi nous transmet un message du pape François du 1er janvier 2020 pour la journée mondiale de la paix :

" Le monde n’a pas besoin de paroles creuses, mais de témoins convaincus, d’artisans de paix ouverts au dialogue sans exclusions ni manipulations.

En effet, on ne peut parvenir vraiment à la paix que lorsqu’il y a un dialogue convaincu d’hommes et de femmes qui cherchent la vérité au-delà des idéologies et des opinions diverses.

La paix est un édifice « sans cesse à construire », un chemin que nous faisons ensemble, en cherchant toujours le bien commun et en nous engageant à maintenir la parole donnée et à respecter le droit.

Dans l’écoute réciproque, la connaissance et l’estime de l’autre peuvent se développer jusqu’à reconnaître, dans l’ennemi, le visage d’un frère."

Le virus au milieu de nous est un ferment de discorde, il nous donne à respirer un air confiné.

Le Christ qui se tient au milieu de nous, nous rassemble, nous engage sur un chemin de confiance et de joie malgré toutes les contraintes liées à la crise sanitaire.

Celui qui se tient au milieu de nous et que nous ne connaissons pas, s'est fait homme parmi les hommes.

Il souffre avec les hommes.
Il pleure avec les hommes.
Mais aussi prie avec les hommes.

Et par-dessus tout se réjouit avec les hommes quand des frères se rencontrent


L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi
parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction.
Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles.


Dominique Bourgoin, diacre.

Deuxième dimanche de l'Avent - Une homélie

 
Aujourd’hui en un raccourci vertigineux la Parole se Dieu nous rejoint avec force et puissance, nous incitant à la consolation, nous invitant à préparer les chemins du Seigneur. Elle nous donnant comme ligne la patience et finalement nous ouvre un avenir ; une plongée dans la vie éternelle, le baptême dans l’Esprit Saint

Lorsque Isaïe prononce, au nom de Dieu, les paroles que nous avons proclamées il est sûr d être entendu d’abord parce qu il rappelle l’Alliance éternelle. « Votre Dieu » « Mon peuple », dans laquelle s’enracine toute l’histoire sainte et notre foi et ensuite parce qu’il appelle la consolation. 
« Consolez, consolez mon peuple »
 
En cette période que nous vivons et qui est perturbée de tant de manières, nous aspirons nous aussi ; comme toute la société mondiale, à la consolation.
Ne nous trompons pas sur ce « Consolez ». En hébreux ce verbe contient l idée de « conforter, soutenir, encourager » « Confortez, soutenez, encouragez mon peuple »
Dieu ne se contente pas d’une caresse, d’une main amicale sur l’épaule.
La consolation qu’il souhaite est bien loin des consolations un peu convenues que nous pouvons adresser à un enfant ou un proche en souffrance « Allons, ce n est pas grave, reprends-toi, ça va passer, sois fort »

La consolation voulue par Dieu va se manifester au cours des temps par ses nombreux bienfaits comme le retour vers la terre promise. La consolation de Dieu s’accomplit par sa venue en notre chair par le corps de Jésus. Jésus dont la parole, les actes, accomplissent la consolation dès son discours des béatitudes à travers lesquelles nous découvrons un Dieu touché par les réalités des souffrances et des aspirations de son peuple.

La consolation suprême viendra par le mystère pascal de Jésus, sa passion, sa mort et le don pour tous les hommes de sa résurrection. C’est la Bonne Nouvelle, l’heureuse nouvelle qui est consolation elle même.


« Consolez mon peuple » ( à l’impératif) tout comme l’autre injonction « préparez les chemins du Seigneur » C est une demande qui nous est adressée par Dieu, de participer à son œuvre. ( Pas la nôtre).
La méthode de Dieu est étonnante et significative. Après avoir été annoncé par les prophètes au long des siècles, le Fils de Dieu, né quasiment en exil, ne se présente pas au début de sa vie publique dans la gloire et en se proclamant lui même « Me voici je suis le sauveur du monde. » C’est un homme, retiré dans le désert, vêtu de peaux de chameaux, Jean le Baptiste, qui retourne et convertit les cœurs vers Celui qui va baptiser par l’Esprit-Saint.
Dieu se révèle d’abord par un homme parole humaine. Cela nous interroge et nous implique !
« Préparez les chemins du Seigneur, tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. »

Cela semble dans la description d’Isaie un immense chantier..
Déjà chaque humain déjà dans sa propre vie recèle des aspérités à niveler. Il lui faut raboter les escarpements de ses préjugés, détruire les remblais de ses attachements superflus, réduire son ego qui est parfois comme des montagnes. Il faut créer des ponts pour que le Seigneur atteignent nos cœurs. L’objectif est bien de changer notre espace intérieur en aplanissant ce qui bloque ma communication avec le Seigneur et mais aussi les autres. C’est la grande ouverture à Dieu et aux autres qui est en jeu.
Y sommes-nous prêts individuellement et collectivement ou préférons-nous attendre passivement, espérant que le cieux nouveaux, et que la terre nouvelle adviennent en dehors de nous.

En ces temps de difficultés de toute sorte c est bien la tentation du repli qui nous guette : le premier réflexe pour nous protéger du mal et du coup, nous avons vite fait de nous fourvoyer sur des chemins de traverse chaotiques.
Le baptême dans l’ Esprit-Saint qui nous a fait Fils est tout sauf un repli sur soi
C’est le grand thème du Pape François dans son encyclique « Tous frères » dans laquelle il déploie son rêve d’une nouvelle fraternité sociale

Alors que nous sommes témoins de tant de gestes de solidarité, de compassions, de dons de soi de si nombreuses personnes, croyantes ou non..
Il y a un élément qu’il nous faut regarder en face avec réalisme, que la crise sanitaire à mis a jour un peu plus encore : Nous vivons dans une société, de moins moins chrétienne. Des générations entières ne connaissent pas ou ne comprennent plus le message de la Bonne Nouvelle… jusque dans nos familles.
Cela ne va pas changer demain, malgré des désirs exprimés de croisade de reconquête chrétienne.
Des croyants sont désemparées au point de se dire persécuté là ou il y a la plupart du temps de l’incompréhension ou de l’indifférence..
Alors les communautés, l’Eglise elle-même, se replient sur les dogmes, se préoccupent d’avantage du fonctionnement interne, oubliant parfois la compassion ; certains déploient plus ostensiblement les ors de nos liturgies, quand c’est possible. On voit naître des revendications catégorielles contradictoires dans le corps du Christ.

Le Pape François trace dans sa récente encyclique un chemin diamétralement opposé. (rêve)
Je termine cette homélie en le citant :

« Je forme le vœu qu’en cette époque que nous traversons, en reconnaissant la dignité de chaque personne humaine, nous puissions tous ensemble faire renaître un désir universel d’humanité. Tous ensemble. […] comme des enfants de cette même terre qui nous abrite.

soyons capables de réagir par un nouveau rêve de fraternité et d’amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots ni au repli.
De telle sorte que la réflexion s’ouvre au dialogue avec toutes les personnes de bonne volonté (6). »  la pandémie de la Covid-19 [qui] a mis à nu nos fausses certitudes […] l’incapacité d’agir ensemble a été dévoilée.

Si quelqu’un croit qu’il ne s’agirait que d’assurer un meilleur fonctionnement de ce que nous faisions auparavant, ou que le seul message est que nous devrions améliorer les systèmes et les règles actuelles, celui-là est dans le déni » FDC


Nous n’avons rien renié du message du Christ. C’est dans et pour la société telle qu’elle est que nous sommes appelés à préparer le chemin du Seigneur.
Que l’Esprit Saint nous comble de sa patience et de sa sagesse et nous aide à désencombrer nos cœurs.

Amen
Robert Zimmermann