Il
a soif et ses disciples sont allés chercher à manger.
Voilà
donc Jésus seul dans sa soif et personne pour répondre à son
manque.
La
soif, c’est la grande figure du désir
La
soif c’est l’expression du manque et le désir est manque
On
ne peut désirer que si un vide se creuse en nous. Comment désirer
si il ne nous manque rien ?
Cette
femme vit sa soif comme une corvée.
Elle
n’en peut plus de désirer, elle n’aspire qu’à une chose :
ne plus avoir soif
« Donne-moi
de cette eau que je n’ai plus soif »
Sa
vie amoureuse est l’expression du désordre de sa soif, d’une vie
de désir qu’elle ne semble pas maîtriser et qui l’épuise…
elle accumule les hommes comme elle vient puiser l’eau du puits :
c’est la corvée sans cesse recommencée, la répétition sans joie
qui ne comble jamais le désir.
Mais
ce n’est pas encore fini, il faut descendre encore avec elle plus
profond dans le puits.
Voilà
que se révèle la grande question de cette femme, son vrai grand
désir, sa soif la plus intime : « Où est Dieu ? »
« Où
doit-on l’adorer ? »
« Les
vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité »
Ce
lieu porte un nom double : Esprit et Vérité
Il
y a dix jours, j’étais en Italie au moment où les églises
commençaient à fermer à cause du virus.
Les
gens étaient profondément déstabilisés. Pas seulement dans leurs
habitudes et leurs pratiques mais dans quelque chose de très intime
de leur foi.
Aujourd’hui,
nous avançons nous-même vers une situation très semblable.
Aujourd’hui
nous vivons des restrictions, demain peut-être vivrons-nous le
manque complet (je ne l’espère pas mais c’est tout à fait
possible)*.
Les
questions entendues en Italie il y a dix jours seront alors les
nôtres, elles le sont déjà en partie :
-
Comment fera-t-on pour célébrer le Seigneur si les églises sont
fermées ?
-
Va-t-on nous refuser l’accès au lieu de sa présence ?
-
Va-t-on nous tenir éloignés de Lui au moment où nous en avons le
plus besoin ?
Et
pour certains, voilà que pointe une grande colère :
-
« nous n’avons plus assez de foi pour croire que le virus ne
nous atteindra pas dans une église ! »
-
« Nous devrions avoir honte d’avoir si peu de foi pour penser
que l’eau du bénitier peut nous transmettre une maladie ! »
Et
si ce moment étrange et douloureux était le moment pour interroger
nos pratiques ?
Et
si c’était l’occasion d’interroger notre foi ?
d’interroger notre soif ?
Notre
désir de Dieu ?
On
peut attraper un virus dans une église.
Simplement
parce que nos corps sont proches… l’église n’est pas un lieu
magique.
C’est
le lieu du rassemblement, c’est la salle commune.
Un
microbe peut se balader dans l’eau du bénitier.
Parce
que ce n’est pas de l’eau magique.
Cette
eau n’est bénie que pour notre foi, le virus lui, ne croit en
rien… pour lui, cette eau c’est simplement de l’eau… il peut
y nager en toute tranquillité.
Ne
culpabilisons pas !
Ne
condamnons pas trop vite notre supposé manque de foi !
Nous
devons nous protéger et protéger les autres, et nous devons
croire ! Et il ne faut pas tout mélanger.
Il
y a un lieu pour adorer
Un
lieu qu’aucun virus ne peut pénétrer
Un
lieu dont personne ne peut décréter la fermeture
Un
lieu que ce temps peut raviver en nous
Ce
lieu, c’est « esprit et vérité »
Jésus
a soif et les disciples sont aller chercher à manger
Jésus
a soif et les disciples lui disent « viens manger ! »
Les
disciples n’ont rien compris au manque de Jésus.
Ils
n’entendent pas le désir de Jésus.
Ne
soyons pas comme eux.
(...)
Que
ce temps de carême tellement étrange cette année, marqué de cette
antique crainte, soit l’occasion pour nous de retrouver l’adresse
où Dieu habite : « Esprit et Vérité ».
Marchons
sans craintes, dans les jours et les semaines à venir, n’oublions
jamais que si nous sommes en « esprit et vérité », où
que nous soyons, nous sommes chez Lui.
Plutôt
que de nous lamenter sur ce que, pendant un temps, nous ne recevrons
plus, inquiétons-nous de ce que nous ne lui donnons pas.
Prions
pour que nous sachions lui donner l’eau qu’il nous demande.
╬ Amen
Sylvain,
diacre
*homélie rédigée avant le 15 mars et prononcée seulement le samedi 14
*homélie rédigée avant le 15 mars et prononcée seulement le samedi 14