Merci à Alexandre P. Pour toutes ses photos  

Matin de Pâques / Une homélie

@J Kirk Richards
J’ai une amie qui est adjointe au maire d’une ville moyenne de la région. Le plus clair de sa mission, consiste à trouver comment faire de la place dans le cimetière municipal. Le cimetière est plein, surpeuplé, il n’y a plus moyen d’accueillir de nouveaux entrants. On serre les rangs, on réduit, on empile, mais rien n’y fait. Et l’on sait déjà que très vite la situation se répètera, le peu de place libérée se remplira aussitôt.

Nous avons parfois l’impression que nos vies ressemblent à cette ville.
Le cimetière grandi, se remplit chaque jour un peu plus.
Sans compter les morts que le monde s’applique à multiplier sur la planète, à coup de guerres absurdes, de stupidité et d’argent, il y a nos morts Les amis, la famille, les connaissances…. jusqu’à nous donner l’impression, l’âge venant, d’être le dernier debout au milieu de tombeaux débordants.
Parfois, il en suffit d’un seul, le très aimé, l’unique… qui s’élève alors comme une muraille… l’incontournable qui bouche tout horizon. Ce n’est ni bien ni mal, c’est comme ça… on ne peut pas faire autrement.

Et puis enfin, il y a notre propre tombeau. Celui auquel il nous arrive de penser qu’on le veuille ou non. Là aussi c’est peut-être une question d’âge… mais l’idée de sa propre mort vient parfois très tôt.
Ce tombeau-là, lui aussi, peut remplir toute la place. Il peut s’imposer dans nos vies comme un monument très encombrant.
On raconte que l’actrice Sarah Bernhardt dormait dans son cercueil pour s’habituer… ce n’était qu’une coquetterie pour donner l’illusion de ne pas avoir peur… mais on connaît tous des gens tellement pris dans les filets de l’angoisse, qu’ils semblent vivre dans leur tombeau.

Et ce matin, nous voilà au bord d’un tombeau vide.
Avec Pierre et le disciple que Jésus aimait, nous nous tenons sur le seuil, et nous scrutons l’intérieur, et il n’y a rien. Personne n’a pris le corps comme le suppose Marie-Madeleine, ce tombeau est vide parce que celui qui était dedans en est sorti. La pierre est roulée de l’intérieur.

Alors nous nous réjouissons et nous chantons des Alléluia, Le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité !!
Mais au fond, qu’est-ce que ça change pour nous que Jésus ait déserté son tombeau ? qu’est-ce que ça peut nous faire que le fils de Dieu ait poussé son couvercle quand les nôtres restent définitivement fermés sur ceux qu’on aime ?
On est content pour lui, parce qu’on l’aime bien Jésus, on a appris à l’aimer, alors c’est la victoire du héros, ça prouve bien qu’il était exceptionnel, puisqu’il est fils de Dieu, forcément, il lui fallait un truc en plus, du jamais vu, une fin d’histoire spectaculaire…
    Tant mieux pour lui… Alleluia
    Et l’on retourne à nos tombeaux bien pleins.
 
Mais ce sont nos oreilles qui sont pleines
Ce sont elles qui n’ont rien entendu

Elles n’ont toujours pas entendu qu’il n’est pas Fils de Dieu, mais Fils et Dieu
Elles n’ont pas entendu qu’il est Fils de l’Homme
Elles n’ont pas entendu que le Verbe s’est fait chair
Elles n’ont pas entendu la bonne nouvelle, l’heureuse annonce, qui ne cesse de nous dire que nous nous trompons quand nous parlons de vie et de mort
Elles n’ont pas entendu « Lazare dehors ! »
Et Paul, qui s’épuise à dire et à répéter sur tous les tons :
    « par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui »
    « nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui »
    « vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. »
    « vous êtes ressuscités avec le Christ »

Le tombeau vide de ce matin, n’est pas le tombeau du héros, c’est le notre !
Ce que nous fêtons ce matin, ce n’est pas la résurrection d’un Dieu qui ne pouvait rien craindre de la mort, c’est notre résurrection à nous ! La résurrection de chacun de nous ! La résurrection de toute chair puisque Dieu s’est fait chair !
Ce tombeau vide, c’est le notre, c’est aussi celui de tous ceux que nous avons portés en terre !

Bien sûr il y a la mort et la grande angoisse, et la tristesse infinie et les larmes et la peur, bien sûr il y a les quatre planches et l’enfouissement et la perte.
Mais ce matin, nous sommes mis sur le seuil, Nous sommes convoqués sur le seuil,
Derrière nous, des tombeaux pleins, débordants, saturés
    Devant nous, un tombeau non pas vide mais vidé
Derrière nous, ce que nous connaissons, ce que nous savons
    Devant nous, ce que nous ne savons pas et ce que nous ne voulons pas entendre

Sur ce seuil, il se peut que nous soyons pris de vertige. En nous penchant, nous n’aurons aucune aide car il n’y a rien… rien à voir
Le tombeau est vide et le tombeau lui-même a disparu
En nous penchant, il va falloir simplement y croire
« il vit et il crut »

Croire enfin à notre résurrection
A notre victoire sur la mort
Une victoire acquise, définitive, sans conditions
A notre vie éternelle
Celle dont nous vivons déjà, dès aujourd’hui
Pas une vie éternelle pour plus tard, pas une vie éternelle à monter soi-même, une vie éternelle reçue par grâce !

On nous demande de nous saluer en disant « le Christ est ressuscité » et de répondre « il est vraiment ressuscité »
Mais que disons-nous en disant cela ?
Que disons-nous d’autre que « Nous sommes ressuscités » !
Le Christ nous a entraînés dans sa résurrection, la mort, c’est une affaire réglée dans les eaux du baptême !
Maintenant, il va falloir consentir à notre résurrection !
Maintenant pour nous, c’est Pâque ! Aujourd’hui ! Et demain et tous les jours de notre vie éternelle ! Et le jour des quatre planches et de l’enfouissement !

Et si nous répondons « il est vraiment ressuscité », c’est que nous résistons à y croire… il faut nous l’entendre dire « oui, tu as raison l’ami, il est vraiment ressuscité… et moi avec, et nous avec »

Que nos alleluia n’acclament pas le souvenir de la victoire du héros
Qu’ils acclament sans cesse notre résurrection
Le premier né d’entre les morts a fait de nous des fils de la résurrection
    Nos tombeaux pleins sont des tombeaux vides
╬ Amen ! Alleluia !!
Sylvain, diacre

Viglies pascales / Une homélie

@J Kirk Richards

         Il y eut un soir, il y eut un matin…

         C’est ainsi que se rythme le récit de la création que nous avons entendu dans le livre de la Genèse du 1° au 6° jour. Nous voici dans ce temps du septième jour. Ce temps où le créateur se retire pour se reposer. Ce temps de l’absence de Dieu qui peut nous déconcerter. Ce 7° jour, le shabbat, le peuple hébreu le célèbre chaque semaine par le repos de tous afin de pouvoir s’émerveiller de la création et laisser les Écritures, Parole de Dieu, travailler les cœurs et les corps.

          Il y eut un soir, il y eut un matin…

         Nous sommes entrés dans l’église sombre guidés par le cierge pascal. En avant du peuple qui fuyait l’Égypte, une colonne de nuée le guidait dans la nuit. Après la traversée de l’épreuve de la mer, au petit matin, le peuple eut foi dans le Dieu qui avait révélé son nom à Moïse.

         Il y eut un soir, il y eut un matin…

         Dans les ténèbres du doute et de l’exil, les prophètes portent la parole de Dieu pour faire entendre des encouragements, des paroles de Vie : (Isaïe) Ma fidélité ne s’écartera pas de toi ! Je m’engagerai envers vous par une alliance éternelle ! (Baruch) Écoute, reviens à la source de la Sagesse…, apprends pour savoir où se trouve de longues années de vie, la lumière des yeux et la paix… (Ezékiel) Je répandrai sur vous une eau pure…je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau.

         Il y eut un soir, il y eut un matin…

         Chers catéchumènes, une eau sur vous va passer, la lumière du Christ va vous illuminer. Le baptême, comme la naissance, est traversée des eaux pour respirer à plein poumons le souffle de la Vie, l’Esprit de Dieu. Il est passage de la ténèbre à la lumière. Saint Paul nous encourage : Par le baptême qui nous unit à la mort du Christ Jésus, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle… vous êtes vivants pour Dieu en Jésus-Christ.

         Il y eut un soir, il y eut un matin…

         Comme les femmes au petit matin, nous nous posons la question : Qui nous roulera la pierre ?  Qui enlèvera la pesanteur de notre souffrance, de nos peurs, de nos lâchetés, de nos angoisses devant l’avenir ?

         Le Christ, seul ! Il nous devance.

         Christ est vivant, Christ est vraiment ressuscité.

         Alléluia ! Amen.

Vincent Garros

Vendredi saint - Une homélie

@J Kirk Richards

 
Nous venons d’entendre la passion de l’évangile selon Saint Jean. Du jardin des Oliviers au jardin du Golgotha. Du jardin où Jésus avait maintes fois réuni ses disciples au jardin où Jésus est déposé dans un tombeau neuf. Du jardin où Judas le désigne aux soldats et d’où les disciples se dispersent au jardin où le corps de Jésus est mis en terre comme un grain de blé.
Entre ces jardins, Jésus est enchainé, questionné, humilié, fouetté, mis à nu, crucifié. ‘Voici l’homme’ proclame Pilate à la foule.
 Et nous qui le regardons comme les passants, comme les disciples dispersés, nous nous questionnons :
·        Serait-ce lui le fils de l’homme que les prophètes avaient annoncé ?
Dieu nous aurait-il envoyé cet homme trahi que l’on arrête ?
·        Serait-ce lui ce grand prophète qui nous parlait d’un Royaume ?
Dieu nous aurait-il envoyé cet homme jugé que l’on rejette ?
·        Serait-ce lui le roi du monde  que tout le peuple attendait ?
Dieu aurait-il envoyé cet homme sans voix dont on se moque ?
·        Serait-ce lui le Messie, lui qui parlait de Dieu comme son Père ?
Dieu nous aurait-il envoyé cet homme sans vie que l’on enterre ?
        Et nous qui espérions…
        Aujourd’hui, nous voilà avec nos questions devant l’actualité :
·        Dieu nous aurait-il laissés, aurait-il abandonnés le monde ? serait-il toujours à la merci de prédateurs assoiffés de jouissance, de fortunes faciles, , de guerriers sans limite, insatiables de puissances, de dictateurs sans foi ni loi pour qui l’être humain ne compte pas ?
        Unis dans la prière, portons devant Dieu notre espérance du jour nouveau  qui vient, d’un lendemain à travailler, du jour suivant promesse de paix.
        Amen.
 
Vincent Garros