Dans le désert, les fils d’Israël n’ont pas l’air d’avoir vraiment saisis ce qui s’est joué dans leur sortie d’Egypte. Ils sont d’accord sur une chose : c’est Dieu qui les a conduits par la main. Mais il reste la vraie vie, comme nous disons aujourd’hui encore, le quotidien. Avant, c’était mieux, disent les fils d’Israël. Nous étions esclaves de multiples manières, mais nous avions des marmites avec de la viande et du pain. Et, une fois encore, Dieu entend et comme il aime ce peuple, comme une maman tient à ses loulous, il envoie des cailles le soir, et le matin il fait tomber quelque chose du ciel comme du pain. Oui, mais ce n’est pas du pain comme d’habitude. Ils tordent le nez. « C’est quoi çà ? », en hébreu çà se dit « man ou », la manne. Bref avec Dieu, ils se comportent comme des sales gosses, jamais satisfaits.
Et çà recommence entre la foule et Jésus. Depuis quelque temps la foule court après Jésus, et dès qu’il s’en va d’un endroit, elle le cherche et le trouve. Mais nous savons maintenant que Jésus voit les choses cachées.
C’est comme s’il y avait deux planètes. La notre, notre monde comme nous disons, ou encore la vraie vie, où nous visons sous influence de nos habitudes, des courants d’idées, des fluctuations de la mode, de l’évolution de nos hormones et des variations de la machine économique… et avec une structure de connaissance limitée. Sur cette planète, nos liens entre nous subissent toutes ces turbulences.
Jésus vit, au milieu de nous, sur une autre planète. Il l’appelle le royaume de Dieu. Lui, il vit sous influence de l’amour de son Père, pour Lui et tous les hommes. Il voit, il entend, il parle, il agit sous l’influence de la force de cet amour, que nous appelons l’Esprit saint. Il voit donc que la foule s’intéresse à Lui parce qu’elle a été rassasiée. Il ne lui en veut pas, mais çà le désole, parce qu’ils sont quasiment insensibles, étanches à l’autre nourriture, « celle qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que donne le Fils de l’Homme, lui que Dieu, le Père a marqué de son empreinte. » Ce sont ses propres mots.
Et qu’est-ce qu’il faut faire, dit la foule. Jésus aurait pu leur répondre : vous faites ceci, puis cela, et encore cela, et vous serez de bons petits et votre Père sera content. Non, Jésus ne nous entraine pas sur ce chemin. Parce qu’au bout de ce chemin, il y a le tri entre ceux qui ont réussi et ceux qui ont raté, et Dieu ne supporte pas qu’il y ait des déchets parmi ses enfants. Jésus leur annonce que l’œuvre de Dieu, c’est que nous croyons en celui qu’il a envoyé. La foi c’est donc l’œuvre de Dieu ; nous sommes les destinataires de la foi, pas les fabricants.
Résultat : il nous faut en passer par Jésus : lui ouvrir la porte de chez nous de temps en temps, accepter de le côtoyer quand il vient vers nous à travers d’autres, à travers des rencontres ou des événements inattendus, prendre sur notre temps et nos occupations pour écouter sa parole, pour communier à son corps livré pour nous, à son sang versé pour nous.
Vous comprenez pourquoi le concile de Vatican II est revenu sur la messe et la parole de Dieu : ce sont deux activités collectives où nous nous exposons à l’influence de Jésus, de son Esprit et de son Royaume. Vous comprenez pourquoi nous insistons sur la lecture de la Bible en groupe, en plus de ce que nous entendons à la messe : c’est pour que puissions risquer notre parole en lisant avec d’autres, pour que sa présence passe par notre manière de parler, notre manière d’aimer, notre façon d’agir.
Et le but de la manœuvre c’est que vos enfants et vos proches, et vos collègues et vos voisins et vos associés, voient et entendent que vous changez parce que vous êtes passés sous influence du Christ, et que visiblement cette influence vous va bien, que cette nourriture a l’air savoureuse et qu’elle fait du beau travail chez vous.
Jean-Pierre Duplantier
5 août 2012
18°dimanche du temps ordinaire
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