Si quelqu'un veut marcher derrière /Mc 8 27-35 / Une homélie

« Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Evangile la sauvera ».
(...)
Combien de fois lui passe-t-on devant ?
On ne cesse de lui passer devant.
Pour Pierre, il passe devant quand il le prend à part pour lui faire des reproches, pour le réprimander. Parce que si Pierre l'a désigné comme « Christ », il ne supporte pas le « Christ » que lui présente Jésus… Ça ne colle pas avec son propre scénario…
Alors il le prend à part pour lui expliquer comment il doit s'y prendre.

Nous passons notre temps à expliquer à Jésus comment il doit s'y prendre
Nous passons notre temps à le prendre à part pour lui faire des reproches...
Ça ne sonne peut-être pas comme des reproches à nos oreilles, mais toutes nos prières qui commencent par « O Seigneur, ne permets pas que… fait comprendre à... éclaire la sagesse de … »
Chaque fois que dans nos prières universelles nous donnons des leçons à Dieu….
Tout cela, ce sont les pensées des hommes, et non de Dieu…
Et il n'y a pas de quoi culpabiliser, comment en serait-il autrement ?
Qui connaît la pensée de Dieu ?
« Passe derrière ! »
(...)
Renoncer à soi-même et prendre sa croix
Voilà qui semble fonctionner ensemble.
Alors c'est quoi ma croix ?
Aucune idée ! Je ne savais pas que j'avais une croix… il me l'apprend
La seule référence qui pourrait m'aider à savoir quelle est ma croix, le seul modèle, la seule croix que je connaisse, c'est la sienne. C'est celle du Christ.
Alors c'est quoi la croix du Christ ?
C'est l'instrument de sa mort et c'est l'instrument de sa plus haute gloire
C'est le signe de sa défaite et c'est le signe de la plus haute victoire
C'est le lieu du renoncement, et c'est le lieu de la plus parfaite obéissance
C'est encore bien d'autres choses encore…

Prendre ma croix
Ne pas la laisser au bord du chemin
Ne pas croire que je peux faire la route sans elle
Prendre ma croix comme unique équipement
A chacun de trouver la sienne… il n'y a pas de croix partagée.
Ce qui dit ma mort et qui sera ma Joie
Ce qui porte ma souffrance et qui sera mon trésor
Ce qui semble être ma défaite et qui manifeste ma vérité

Ma vie ne m'appartient pas
Elle est à celui qui me sauve
Si je veux sauver ma vie moi-même, comment pourrait-il me sauver ?
Si je crois être mon propre sauveur ? Quelle place aura-t-il pour travailler à mon salut ?
Si je crois sauver ma vie avec les pensées des hommes, comment accepterai-je les pensées de Dieu ?
(...)
╬ Amen
Sylvain, diacre

Si vous ne mangez pas la chair du fils de l'homme / Jn 6 51-58 / Une homélie de JP Duplantier

« Si vous ne mangez pas la chair du fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. » Ni les disciples, ni les responsables n’ont saisi ce qu’il voulait dire. Pour nous, dans l’ensemble, nous nous sommes habitués. A condition que nous n’insistions pas trop… Il doit y avoir quelques petites choses qui nous manquent, pour entrer sur ce chemin.
En voici une parmi d’autres : notre condition humaine est notre état premier, mais ce n’est pas le terme, la gare d’arrivée de notre route. C’est la faute à l’amour de Dieu pour les hommes : le désir de Dieu est de nous prendre par la main pour nous conduire à la condition de fils de Dieu. Et ce n’est pas le même niveau, la même échelle. Nous pouvons sacraliser l’humanité, au point de tout y sacrifier, Dieu veut pour nous nous l’au-delà de l’humanité, il veut que les fils des hommes portent sa ressemblance. C’est ce qui est écrit dès la première page de la Bible. Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image ». Et Dieu le fait, et il n’arrête pas de le faire. Pour nous, c’est au-delà de nous, mais cela demeure le réel de notre désir, de nos vraies joies et de nos souffrances. C’est inscrit en nous. Saint Paul l’a écrit clairement : « la création tout entière attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. » (Romains 8,19). Il y a donc tout ce qu’il faut chez les hommes pour prendre cette route.
La première référence selon les Ecritures, c’est la création de la relation « homme-femme ». Ils sont deux, en vue d’une seule chair. Comme une parabole de l’aventure humaine. Jean, l’évangéliste, en écrit le commencement, à propos de Jésus-Christ : « au principe est le logos, il est tourné vers Dieu, et Dieu est le logos. » Ils sont deux, le Père et le fils, et ils sont Un.

C’est cette relation entre la parole et Dieu qui manifeste la plus grande puissance. La puissance qui engendre des fils de Dieu. La principale différence entre la condition humaine et celle de fils de Dieu, c’est, pour l’humanité, la place des objets, des valeurs, des images. C’est de connaître le bien et le mal, et de nous persuader qu’avec ce principe nous allons tout dévorer, tout maitriser. Dans la condition des fils de Dieu, ce qui compte c’est la relation, l’interaction entre le fils et le père, entre Dieu et nous, entre nous, et le souffle d’amour qui maintient l’unité. C’est vivre sur la terre sous un ciel habité. C’est marcher à la lumière, comme Lui, le Christ Jésus.
Ce que dit Jésus, « manger la chair du fils de l’homme et boire son sang », désigne ce passage de la condition humaine à celle de fils de Dieu. Et ce passage est un acte de Dieu. Il ne concerne pas seulement un individu, une paroisse, il signale la véritable transformation en cours dans le monde, selon le désir de Dieu. Les sacrements, et tout particulièrement celui de l’eucharistie, réalise pour ceux qui accueillent cette action de Dieu, une substitution, encore voilée, mais réelle et décisive. Là où nous voyons du pain et du vin, là où nous ressentons l’expérience de le manger et de le boire, vient dans notre corps la présence du Christ. Sa chair et son sang habitent en nous. Et nous, nous demeurons en lui. Nous devenons les membres de son corps. Ce n’est pas pour après, c’est pour maintenant. C’est une action réelle de Dieu, qui modifie réellement la nature de nos liens entre nous, de nos liens avec Dieu, de notre perception des choses, de nos jugements, de nos désirs, de nos peurs…
Ce qui décide donc dans cette affaire, c’est notre accueil. C’est accueillir la chair et le sang du Christ dans nos corps comme un événement réel. C’est une expérience, pas une idée. Ce n’est pas d’abord un acte de culte, c’est dire « oui » à sa venue. Dieu trouve toujours le moyen de nous atteindre. C’est notre accueil qui peut faire défaut. Les façons dont nous l’accueillons peuvent être différentes, au cours du temps et selon les pays, les églises, les religions. Il y a des modèles pour la vie intérieure, pour la prière, la contemplation, l’engagement. On les critique ou on les préfère. Mais pour accueillir la chair et le sang du Christ, c’est dire oui, c’est tout. Ce n’est pas nous qui le faisons venir. C’est reconnaître qu’il est passé, et qu’il a agi, et qu’il demeure en nous maintenant, et que cette habitation du Christ en nous fait partie de notre histoire.
Nous avons tous dans notre mémoire ces moments où le Seigneur nous a consolé, pardonné, apaisé. Ces périodes où il a fini par changer, avec beaucoup de patience, certains de nos regards sur des personnes, sur nous-mêmes, sur notre société, sur notre église. Notre problème c’est d’oublier. C’est de ne pas en parler, jamais, à personne. Lorsque nous ne parlons plus jamais, à personne, ni à nos enfants ni dans les couples, ni entre amis, de nos rencontres heureuses, de nos souffrances, de nos amertumes et de nos désirs ; une partie de nos relations s’éteignent. C’est pareil avec le Christ. Nous risquons de devenir totalement insensibles au travail de Dieu chez les autres, et chez nous. Insensibles à l’aspiration de la création tout entière à la révélation des fils de Dieu. Nous avons des yeux mais nous ne voyons plus l’œuvre de Dieu. Nous avons des oreilles mais nous n’entendons plus la parole de Dieu, ses « appels » petits, simples, concrets, qui passent par notre corps, par les pleurs et les rires de ce qui nous entoure, par leur souffrance ou leur désir ou leur joie.
Il y a quelques semaines j’ai retrouvé un ami, perdu de vue. Il avait un cancer, les thérapies s’étaient succédé, et les choses avaient empiré. Il venait de décider de stopper ces traitements. Et voici ce que nous avons entendu de sa bouche, moi, sa femme et ses enfants : « Jésus Christ n’a cessé d’éveiller, de soigner, d’éclairer, d’inspirer mon cœur, mes pensées, mon corps, mes chemins, mes amours. Il nous a aimé, il nous aime, il nous aimera. Les graines de lumière, de confiance, de courage, ensemencent notre terre. C’est notre Dieu qui les sème, les arrose, les cultive. Ce ne sont souvent que de petites choses, mais çà illumine le sourire des enfants, les gestes des amoureux, les paroles des croyants, et çà donne la force de vivre au monde et de recommencer. Nous appelons cela l’incarnation : la venue dans la chair de la Parole de Dieu, de sa présence. »
« Mon espérance, maintenant, c’est sa promesse : Tout ce qui dans ma vie a porté la marque de cette présence de Dieu en moi, souvent à mon insu, tout ce que j’ai vu et entendu, tout ce qui en est resté caché, secret, et malmené parfois, tout cela va désormais être rassemblés entre les mains du Christ, sous le regard de notre Père des cieux. Rassemblés, unis, en un seul corps, dans la communion des saints, dans le corps du Fils bien aimé. Nous appelons cela la résurrection de la chair.
A nous autres, maintenant, d’écouter, de regarder ce que Jésus-Christ continue de nous faire voir et entendre, de sa force d’aimer, à travers les gestes et les paroles de ceux qui nous entourent, à travers les rencontres inattendues, certaines souffrances mêmes, certaines peurs aussi. Vivons sur cette terre, sous un ciel habité. Marchons à la lumière, comme Lui. La création toute entière attend avec impatience la révélation des fils de Dieu.

J.P.Duplantier

Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens?"/Mc 7 1-23 / Une homélie

"Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ?" Les pharisiens et les scribes voient dans l'attitude des disciples de Jésus comme une rupture avec la tradition. Ils semblent reprocher comme un comportement de révolte de la part des disciples. Essayons de comprendre l'attitude des pharisiens et des scribes puis celle des disciples et enfin celle de Jésus.

L'attitude des pharisiens et des scribes.

Les premiers, on le sait, observent strictement la loi. Ils l'observent à la lettre. Les seconds, les scribes sont quant à eux les spécialistes de l'écriture. Les uns comme les autres ont entendus parler des miracles de Jésus. Le passage que nous venons de lire se situe juste après la multiplication des pains sur la montagne. Il paraîtrait même que Jésus a marché sur l'eau pour rejoindre ses apôtres en perdition sur le lac de Tibériade. Mais de telles choses, ça ne rentre pas dans ce que les pharisiens et les scribes connaissent. En eux, s'insinuent le soupçon. C'est quand même bizarre que des gens suivent cet homme doivent-ils se dire. Ce Jésus, il parle en maître et ils sont nombreux à le suivre. De quel droit ? Alors, ils observent, ils espionnent et dès qu'ils voient quelque chose qui cloche par rapport à leur propre référence des valeurs, ils accusent : "Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ?" En fait, ils s'inquiètent de ce que le comportement des disciples peut avoir de révolutionnaire et venir bousculer une société bien ordonnée, qui ronronne.

Ce comportement-là, c'est un comportement qu'on connait bien, nous, les humains. On le connait très bien, nous, les humains du XXIème siècle. Car pour observer, ça observe, ça s'observe entre les générations, ça s'observe entre groupes sociaux différents. Combien de fois jugeons-nous par rapport à notre propre référentiel de valeurs ? Combien de fois arrêtons-nous un jugement sur quelqu'un sans même faire l'effort de comprendre. Cet homme mal habillé qui tend la main à la sortie de l'église, ne peut-il pas travailler ? Et l'argent qu'on lui donne, ne va-t'il pas le dépenser en alcool ? Se lave-t'il bien les mains avant de manger ? Ne profite-t'il pas d'un système social trop permissif ?

L'attitude des disciples.

De l'attitude des disciples on sait peu de chose. Ils mangent avec des mains impures. L'évangéliste Marc ajoute "c'est-à-dire non lavées". Et puis il énumère une liste de prescriptions qui concourent à la pureté. Probablement qu'une ou plusieurs prescriptions ont été ignorées par les disciples.  Quand il eut quitté la foule pour rentrer à la maison, ses disciples l’interrogeaient sur cette parabole. En fait les disciples parlent mais le passage a été retiré de la lecture d'aujourd'hui, et je vais me permettre de vous le lire :

"Quand il eut quitté la foule pour rentrer à la maison, ses disciples l’interrogeaient sur cette parabole. Alors il leur dit : « Êtes-vous donc sans intelligence, vous aussi ? Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans l’homme, en venant du dehors, ne peut pas le rendre impur, parce que cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, pour être éliminé ? » C’est ainsi que Jésus déclarait purs tous les aliments. Il leur dit encore : « Ce qui sort de l’homme, c’est cela qui le rend impur."

En fait, comme les pharisiens et les scribes, les disciples sont un peu prisonniers de la tradition. Certes, ils n'ont certainement pas une pratique aussi rigoureuse mais les histoires de ce qui rentre et qui sort ça les dépasse. En revanche, en aucun cas les disciples ne sont dans un élan révolutionnaire. Ils sont juifs, ils suivent la loi juive. A tel point qu'ils ne comprennent pas ce qui est nouveau dans ce que dit Jésus.

Et nous même, disciples de Jésus, nous aimerions bien être les représentants d'une rupture totale avec les comportements archaïques des pharisiens, des scribes et des disciples qui ne comprennent décidément rien à rien. Et pourtant il n'y a pas de révolution juste un désir de conversion exprimée par Jésus. Nous allons mieux comprendre ce projet dans l'attitude de Jésus.

Enfin, l'attitude de Jésus.

En premier lieu, Jésus ne remet en cause ni la loi ni l'écriture. D'ailleurs pour répondre aux remarques des pharisiens et des scribes, Jésus cite Isaïe le grand prophète : "Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi."

En second lieu, Jésus montre des connaissances anatomiques certaines et aussi bien terre-à-terre. Il rappelle la différence évidente entre le système digestif et le système vasculaire. Il est si trivial qu'il en est à comparer nos aliments avec nos déjections.

Jésus n'est pas un révolutionnaire. Il est juif. Il appelle juste ses interlocuteurs, qu'ils soient pharisiens, scribes ou disciples à se convertir, à ce que le comportement de chacun soit tourné vers le Père qui vient du ciel.

Il nous invite à nous dessaisir de nos habitudes, de nos rites, pour retrouver un étonnement dans tout ce qui nous est donnée de vivre dans notre relation à Dieu. Il nous appelle à regarder la part de Dieu qui habite en l'homme qui tend la main à la sortie de l'église.




Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son cœur.
Il met un frein à sa langue.




Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.