Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous / Jn 1 / Une homélie de Noël

 

Mais que vient faire cet Evangile aujourd'hui ? Aujourd'hui, jour de Noël, on attend tous, la suite de l'histoire de la crèche. On s'attend à entendre les bergers, et pourquoi pas, à être enchantés par les anges. Au lieu de cela, l'Eglise nous propose le prologue de l'Evangile de Jean. Le prologue de l'Evangile de Jean est un beau texte mais un peu compliqué pour nos cerveaux encore émerveillés du miracle de la crèche.

Et pourtant dans ce long texte du prologue de l'Evangile de Jean se cache peut-être le secret de Noël. Je propose que nous le découvrions ensemble.

L'Evangile commence par évoquer l'origine de tout : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu." Ainsi l'Evangile nous révèle que Dieu est parole. Dieu parle. On sait que Dieu est un Dieu créateur. Il est à l'origine de tout ce qui existe. Il nous crée à son image nous dit la Genèse. Mais aujourd'hui, il nous est dit que le Verbe était Dieu. Est-ce là le secret de Noël ?

Ensuite, l'Evangile présente la lumière. La lumière est importante à Noël : "En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée." Les scientifiques expliquent depuis longtemps la nécessité de la lumière pour la vie. Mais il est précisé que même dans la nuit, même dans les ténèbres la lumière brille. Dans la nuit de Noël est né l'enfant Dieu, celui qui nous sauve, celui qui nous porte la lumière. Est-ce là le secret de Noël ?

Puis, l'Evangile nous parle des prophètes, et plus particulièrement du dernier prophète, de Jean le Baptiste : " Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui." Jean annonce la venue de Jésus dans le désert. Dieu nous a parlé par les prophètes. Dieu est un Dieu qui se révèle. Il n'y a pas lieu d'imaginer Dieu, il suffit d'écouter la parole pour que le mystère de Dieu se dévoile peu à peu. Est-ce là le secret de Noël ?

Il y a dans la suite comme en filigrane, l'annonce de la croix : "Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu." Robert nous le dit dans ses homélies : on ne peut pas considérer Noël sans la perspective de la croix et de la résurrection. Jésus sera rejeté par les siens malgré toutes les annonces de sa venue. Est-ce là le secret de Noël ?

Cependant, Jésus réunira des disciples autour de lui : "Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom." Non seulement, ceux qui le suivent croient en son nom mais plus tard, ceux qui seront plongés dans la mort et la résurrection par le baptême porteront son nom, le nom de chrétien. Est-ce là le secret de Noël ?

Enfin, il y a un passage dans cet Evangile qui évoque plus particulièrement Noël : " Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous." Jésus est né d'une femme. Jésus a grandi à Nazareth. Jésus a appris le métier de charpentier avec Joseph son père. Il a vécu comme nous. Est-ce là le secret de Noël ?

Il me semble que là est le secret de Noël. Le secret qui nous réjouit. Le secret habite nos cœurs. Dieu s'est fait homme. Il s'est incarné. Il a vécu un temps de l'histoire des hommes. Il nous connaît. Il ne nous regarde pas d'un ciel lointain qu'on ne sait où il est. Il est venu sur terre, au plus bas. Il lève les yeux sur nous et il nous aime. Ce Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint, sait nos peines et nos péchés. Il sait ce qu'il pardonne. Nous ne croyons pas à un Dieu qui se gonfle de puissance pour nous écraser. Nous croyons à un Dieu qui s'est incarné et qui veut nous grandir. Nous croyons au Christ qui fait de nous tous des frères et fils d'un seul Père par le baptême.

[Le père] nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes.

Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.

Pourquoi cette naissance ? / Lc 2 1-20 / une homélie de Noël


Il est né le divin enfant !
Pour quoi faire ?
Pourquoi la naissance de cet enfant ?
 
Est-il né pour établir des traditions, promouvoir des valeurs…. ?
Le sapin deviendrait objet de polémique, les supposées valeurs chrétiennes, des marqueurs identitaires...
Non, le Christ n’a que faire des valeurs et des traditions.

Est-il né pour créer une nouvelle civilisation ? La civilisation chrétienne ? Celle dont on nous dit qu’elle est en train de disparaître et pour laquelle certains voudraient nous faire croire qu’ils se battent ?
Est-il né pour que nous construisions des cathédrales, pour remplir les musées de chefs-d’œuvre et combler les trésors des sacristies ?
Non. Le Christ n’a que faire de la chrétienté. Les civilisations, ça se transforme, ça mute, ça change… ça tombe aussi parfois.

Est-il né pour venir fonder une nouvelle religion ? Sommes-nous en train de fêter la naissance du christianisme ?
Non. Le Christ n’a que faire de la religion. Il luttera toute sa vie contre les religieux et ce sont eux qui le mettront à mort.

Alors ! …. Pourquoi est-il né, le divin enfant ?

« Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »

Voilà : aujourd’hui nous est né un sauveur.
Et l’enfant couché dans la mangeoire, c’est le signe qui nous est donné de cette naissance. C’est le signal, c’est le voyant qui s’allume au tableau de bord de l’Histoire et du monde.
Alors, que voyons-nous quand nous voyons cet enfant ?
De quoi est-il le signe pour nous ce soir ?
Est-il encore signe de quelque chose ? Est-il signifiant pour nous ? Significatif ?

Un signe, ça se repère, et ça s’interprète.
Si je n’interprète pas cette lumière rouge qui s’allume au carrefour, si elle ne fait plus signe pour moi, je risque l’accident.
Le voit-on encore cet enfant couché dans la mangeoire ?
Je ne parle pas de nos crèches qui ne sont là que pour nous aider à ouvrir les yeux, pour nous empêcher d’oublier… je parle de cet enfant d’Évangile, cet enfant de Parole…
en fermant les yeux, voit-on encore le signe ?

Il est signe qu’un sauveur nous est né…
Mais a-t-on besoin d’être sauvé ? A-t-on besoin d’un sauveur ?
Est-il un sauveur comme l’homme ou la femme providentielle qui viendra résoudre tous nos problèmes, qui aura la solution à tout… pour peu que l’on vote pour lui ou pour elle !

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. »
Voilà probablement de quoi il vient nous sauver…
Voilà probablement pourquoi il est né, le divin enfant.
Pour que ceux qui marchent dans les ténèbres marchent enfin dans la lumière.
Pour que ceux qui habitent dans l’ombre sachent ce qu’est la lumière.

C’est quoi habiter le pays de l’ombre ?
Dans l’ombre de quoi ?
Habiter dans l’ombre, c’est peut-être vivre sa vie sous le plafond d’un ennui sans fin.
c’est peut-être vivre sous le couvercle de ses soucis, de ses souffrances.
Traîner avec soi sa fatigue, sa tristesse, son petit désespoir quotidien….
Rien de spectaculaire peut-être, mais porter partout son parapluie de culpabilité, ses cicatrices encore douloureuses, ses échecs, tout ce qui nous fait fuir la lumière trop vive… tout ce qui nous fait croire que la lumière n’est pas pour nous… ou qui fait que l’on préfère se contenter d’une lumière artificielle et mensongère….

Un sauveur nous est né, un signe nous a été donné !

Nous ne fêtons pas le héros tout mignon du gentil conte pour les enfants.
Nous fêtons le surgissement de la lumière dans nos vies.
L’assurance que la lumière est possible pour nos vies, pour la vie de ceux qui marchent-à-l’ombre ! De ceux qui rasent les murs, de ceux qui ploient sous le fardeau…
Un Sauveur nous est né !

Et pour être sauvé, que faut-il faire ?
Rien ! C’est gratuit ! c’est gracieux !
« Paix sur la terre aux hommes qu’il aime »… pas aux hommes qui l’aiment… c’est lui qui aime !
A nous de discerner le signal au milieu du chaos et des faux sauveurs…
Et surtout, ne pas le ranger trop vite dans le carton moisi des valeurs, des traditions et des identités, sur l’étagère poussiéreuse de la bondieuserie.
Accepter de le laisser faire, accepter cette naissance en nous, au plus profond, dans nos nuits.

Ça prend du temps.
Ce soir c’est le début.
C’est la naissance.
Le chemin reste à faire…. chaque jour.
Réjouissons-nous pour de bon. Non pas de la fausse joie du monde… cette joie qui en fait des tonnes, qui noie tout dans le rose….
Réjouissons-nous de la joie véritable, celle qui sait faire avec les larmes et les angoisses, celle qui sait embrasser les blessures, la joie sidérante des naissances...
Grande joie pour tout le peuple
Joyeux
Noël
Amen
Sylvain diacre

Que devons-nous faire ? / Luc 3 10-18 / Une homélie


"Jérusalem quitte ta robe de tristesse et de misère..."
Nous entendions cette parole dimanche dernier. Aujourd’hui nous sommes invités à la « joie »
Depuis le premier dimanche de l’avent, nos cités laïques ont illuminé nos rues. Chaque commune rivalise d’imagination et de dépenses pour que règne la joie des fêtes .

Cette chape de lumière a-t-elle fait tomber nos manteaux de tristesse et de misère ? Toutes ces guirlandes blanches ou colorées illuminent le temple de la consommation, orchestre la valse des caddies surchargés, pour ceux qui ont les moyens, pour les autres il reste le spectacle. Ce qui m’a inspiré pour cette introduction est dans votre dos ; Au milieu de la place centrale de Gradignan, la boule éclatante de lumière, semblant rivaliser avec l’éclairage si tendre de notre église. La boule est dans l’axe de l’autel et de la croix. Ce n’est certes qu’un hasard, mais j’y vois un signe, un lien entre notre rassemblement en ce lieu de prière et de célébration et l’au-delà du parvis, la vie de la cité.

Dès janvier tout s’éteindra, les porte-monnaies seront vides et comme disait un adage de ma province natale « nous mangerons du hareng et des pommes de terre ».

La Liturgie ce dimanche s’obstine à nous pousser vers la joie qui n’est pas qu’une jubilation passagère.

Laissons-nous conduire par la Parole de ce dimanche
C’est le prophète Sophonie qui donne le ton
« Fille de Sion réjouie-toi ! Trésaille d’allégresse. Le Seigneur est en toi. Ne crains pas !» « Le Seigneur aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour »
Déjà dans l’AT les prophètes ont annoncé que Dieu est amour. Heureuse et joyeuse Nouvelle

C’est la même Parole que l’Ange adressera à Marie 7 siècles plus tard
« Réjouis toi Marie ! Le Seigneur est en toi. Sois sans crainte » 
Cette promesse est pour nous aujourd’hui. Comme Marie nous sommes dans l’attente de la venue du Seigneur. Cette venue est un événement d’hier, mais aussi d’aujourd’hui. Il est aussi notre avenir. Notre joie n’est pas n’importe quelle joie : « Frères soyez dans la joie du Seigneur ; je le redis soyez dans la joie.

Il semble cependant qu’il y ait contraste avec le caractère qui peut paraître sévère de l’Évangile de St Luc
La foule, hétérogène, qui vient vers Jean le Baptiste ne demande pas à Jean ce qu’il faut croire, mais ce qu’il faut faire. Et Jean ne propose pas une nouvelle discipline morale. Il n’est pas question de changer de vie mais d’ajuster notre vie ; Chacun de nous est invité là où il agit à sortir de ses habitudes pour porter un regard nouveau sur l’autre, celui qui est à côté de moi ou plus loin. Nous sentons au cœur des réponses de Jean-Baptiste comment la relation aux autres est touchée et interrogée par cette annonce « Il vient celui qui est plus puissant que moi. » Il vient dans nos vies, nos ténèbres, nos faiblesses, dans nos difficultés.
De plus nous pensons que celui qui vient, vient chez nous, alors que nous sommes dans son aire. Nous pensions être entre nous, alors que nous sommes ensemble chez lui.
C’est donc en nous qu’il vient faire le tri, non entre nous.

Que devons-nous faire ?

Je pense que nous devons le laisser faire. Quelles que soient nos difficultés, nos doutes et nos craintes, devant les tribulations de notre temps, celles du monde, celles de l’ Église, laissons le Seigneur brûler la paille qui est en nous, non pas au feu de l’enfer, mais au feu qui purifie, celui de l’Esprit Saint. Il restera le meilleur : Le grain ; le blé
Il vient nous délester de ce qui alourdit nos relations. Il vient nous libérer de ce qui empêche que nos partages soient sans arrière-pensées et soient une vérité fraternité humaine.
Dans peu de temps nous entendrons l’annonce de l’ange aux bergers «  N’ayez pas peur voici que je vous annonce une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple, aujourd’hui dans la ville de David vous est né un sauveur »

Enfin soyons dans la joie et cultivons l’allégresse car il vient nous sauver.
Maintenons-nous dans l’attente jour après jour. Cultivons le désir de la venue de Jésus en nous et entre nous.

N’oublions pas :
Noël n’a pas de sens sans Pâques Le nouveau-né promis par Dieu à Marie s’offre sur la croix, et par sa résurrection nous ouvre la porte du Royaume.
Soyons dans la joie.
Nous sommes sauvés !

Robert Zimmermann
diacre

Dans le désert / Lc 3 1-6 / une homélie

Après avoir convoqué tous ces noms prestigieux d’empereurs, de gouverneurs, de présidents, de maires, de grand-prêtres et de papes, on apprend que Dieu adresse sa parole dans le désert, c’est-à-dire là où il n’y a personne, dans le lieu où elle a le moins de chance d’être entendue, à un type dépourvu de tout pouvoir.
Jean n’est pas tout à fait un inconnu, au chapitre un, on nous a raconté sa naissance, l’étrange histoire de ses parents, un vieux prêtre et une femme stérile.

La Parole de Dieu n’est pas adressée aux oreilles des puissants. Elle se donne à celui qui se tient dans le désert.
La parole de Dieu ne fait donc pas de lobbying, elle ne cherche pas à se servir des puissants pour se diffuser, pour impacter le monde.(...) non, Dieu parle à un inconnu perdu tout seul dans le désert, qui va se mettre à y proclamer la parole, là où, logiquement, personne ne devrait l’entendre.

Son projet n’est pas notre projet.
Nos pensées ne sont donc pas ses pensées, nos chemins ne sont pas ses chemins.
Il fait des choix qui nous déroutent, il donne de la voix du côté du silence, il surgit dans le vide, il parle d’abord là où ça nous semble inutile, là où le monde ne tend pas l’oreille.
(...)
Les puissants n’entendront rien, ce que nous croyons puissant en nous n’entendra rien, notre grande intelligence, notre grande science, notre grande piété, notre grande foi, notre grand engagement… tout ce qui se prend pour un grand machin, tout ce qui préside et gouverne en nous, tout ce qui a pouvoir et assurance en nous, tout cela restera sourd.
La parole est donnée au désert.
Dans notre vide, dans notre aridité, dans notre solitude, dans notre stérilité… pour peu qu’on lui fasse un peu de place, pour peu qu’on y fasse un peu de ménage, le Seigneur parle, le Seigneur vient et toute chair voit son salut.
(...)
Dieu livre au mépris les puissants, il les égare dans un chaos sans chemin.
Mieux vaut s'appuyer sur le Seigneur que de compter sur les puissants !
Ne comptez pas sur les puissants, des fils d'homme qui ne peuvent sauver !(ps6)

╬ Amen
Sylvain diacre

Ma royauté n'est pas de ce monde / Jn 18 33-37 / Une homélie


Ce dimanche, nous fêtons le Christ Roi de l'univers et aujourd'hui c'est la journée du Secours Catholique. Je me suis étonné une fois encore sur le rapport entre la figure du Christ Roi et celles des pauvres. Car ce n'est pas la première fois que je suis chargé de l'homélie pour cette occasion. Je dirai même que c'est chaque année que je prends le service de la parole pour le Christ Roi
Alors, cette année, je propose de méditer sur l'écart entre le roi et le pauvre. Commençons par décrire l'un, puis l'autre.
Le roi.
Le psaume nous donne une description assez précise de ce qu'est un roi. Un roi est vêtu de magnificence. Un roi est fort. Les volontés du roi ne peuvent pas être changées.
Dans la lecture de Daniel, le roi est un fils d'homme et tout le monde le sert.
Ces descriptions correspondent bien aux images que nous nous faisons des rois.
Le pauvre.
J'ai cherché une description du pauvre dans les Evangiles et j'en ai choisi une dans Matthieu : "Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !"
Les bénévoles du Secours Catholique, ceux de "saint Vincent de Paul" et ceux de l'association "A nous tous" peuvent témoigner que cette description correspond à la plupart des situations rencontrées lors des permanences d'accueil et d'écoutes.
Je voudrais vous donner l'exemple concret d'une rencontre au secours catholique. Lors d'une permanence, une mère de famille vient demander une aide financière. Pendant la rencontre, nous apprenons que cette famille de cinq personnes vient d'Algérie. Ils sont sans papier. Ils habitaient le squat de Gradignan qui a été évacué début juillet. Nous apprenons que quelques-unes des familles évacuées sont relogées à la cité jardin. Cette famille demande l'asile médicale parce que Malak, la petite dernière est atteinte d'une maladie qu'on ne peut pas soigner dans son pays. En revanche, elle a une chance de vivre si elle est soignée en France. En attendant leurs papiers, ils survivent tant bien que mal avec les aides financières qu'ils reçoivent ça et là. A la fin de la rencontre, j'ai dit à cette mère courage que je prierai pour Malak, sa fille. Je vous invite vous aussi à prier pour Malak et pour toutes ces mères qui font l'impossible pour leurs enfants.
Mais revenons à l'Evangile.
Ces évocations du pauvre ne correspondent-elles pas à la situation dans laquelle se trouve Jésus dans l'Evangile de ce dimanche du Christ Roi de l'univers ?
Quand Pilate interroge Jésus, celui-là n'est pas dans une situation enviable. Il est passé devant plusieurs tribunaux. Il est rejeté par les siens, les juifs, il est donc considéré comme un étranger. Il a été giflé. Il a été molesté. Il est emprisonné. Il sera dévêtu. Il sera fouetté.
Pourtant quand Pilate interroge Jésus, il lui pose une question précise à caractère politique : "Es-tu le roi des Juifs ? " Es-tu un roi destitué par ton peuple ? N'as-tu pas conspiré contre le pouvoir en place ? Es-tu la victime d'un coup d'état ?
Jésus rassure Pilate : "Ma royauté n’est pas de ce monde".
Son manteau de magnificence c'est son vêtement de laine sans couture. Sa force tient dans sa faiblesse. La domination de Jésus tient dans la question qu'il pose à Bartimée "Qu'est-ce que tu voudrais que je fasse pour toi ?"
Monseigneur Rodhain, le fondateur du Secours Catholique, écrivait « Aider, c’est d’abord aimer ; rencontrer, faire exister l’autre par la relation. » à la manière du Christ qui jamais n'impose mais demande "Qu'est-ce que tu voudrais que je fasse pour toi ?"
« Alors, tu es roi ? » lui répond Pilate. Oui, Jésus est ce roi qui lève les yeux sur ses sujets. Il est le plus bas. Il nous fait le don de la pauvreté pour nous-même. Il fait ce don pour que nous découvrions sa présence dans la pauvreté.
C'est dans cette visée que saint Vincent de Paul a dit : "Les pauvres sont nos maîtres".
Le pape François va plus loin en affirmant que les pauvres sont un sacrement du Christ. Les pauvres nous donnent la joie de la rencontre avec Jésus. Une rencontre à la fois profonde et concrète.
C'est pour cela que le service du frère est un pilier important de l'Eglise. Un pilier que tous nous sommes invités à soutenir. Ce service n'est pas réservé à quelques-uns d'entre-nous. Il est ouvert à tous. C'est même un devoir pour tous les disciples.
Et il n'y a pas d'écart entre le Christ Roi et le pauvre. Ils se confondent dans la figure de Jésus.
Toi le Roi viens nous rappeler à notre devoir.
Toi le Roi, donne-nous la joie de contempler ta magnificence dans les pauvres que nous rencontrons.
Toi le Roi, accueille-moi comme un pauvre dans ton royaume.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Heureux désastre / Marc 13 24-32 / une homélie

Codex Italien du XVème siècle

Contrairement à ce que la traduction que vous venez d’entendre dit, ce texte ne parle pas de la venue de Jésus, mais de la venue du Fils de l’homme…. Et ce n’est probablement pas la même chose.

Pour en parler, Jésus utilise une série d’images que nous connaissons bien, qui remplissent notre imaginaire et les imaginaires de tous les hommes depuis les origines.
Il est question de la fin du soleil et de la lune, de la chute des étoiles, de l’ébranlement des puissances célestes.
Ce qui est stable de toute éternité, ce qui marque nos repères de temps, de saison, ce qui rythme la vie du monde depuis toujours, ce à quoi l’on peut se raccrocher quoi qu’il arrive, tout cela se met à vaciller, à perdre de sa puissance, à tomber.
Quand les astres tombent, on appelle ça le désastre !
Et le désastre, ça nous terrifie.

Alors ? Jésus est-il en train de vouloir nous faire peur ?
Nous présente-t-il la venue du Fils de l’homme comme une menace ?
Le sommet de la Bonne Nouvelle serait-il une catastrophe ?
(...)
N’ayons pas peur du désastre.
N’ayons pas peur de voir tomber les astres qui n’ont rien à faire dans notre ciel.
Ceux qui nous encombrent, ceux qui se font passer pour Dieu, ceux qui brillent trop fort, qui parlent trop fort.
La gloire et la puissance du Fils de l’homme qui vient, c’est comme l’évidence d’un figuier qui renaît : C’est silencieux, c’est tout petit, c’est fragile.
Pourquoi s’inquiéter ? Jésus nous l’assure : le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Dans le désastre, à quoi allons-nous nous raccrocher ? Au ciel ? A la terre ? Ou à ses paroles ?

Viens Seigneur désencombrer nos cieux
Viens y éteindre ce qui n’est pas toi
Tu te tiens à la porte, tout proche

Amen
Sylvain diacre
Les évêques de France à Lourdes - 6 novembre 2021
 

Bartimée / Mc 10 46-52 / Une homélie


L’évangile de Marc aujourd’hui nous met une fois de plus en présence d’une foule immense entourant Jésus. Une foule en mouvement que l’évangéliste présente quelques versets avant notre extrait comme étant dans un climat de frayeur. Peut-être parce que Jésus venait d’annoncer sa passion toute proche. Le mouvement est une montée qui conduit Jésus ses disciples et cette foule de Jéricho à Jérusalem pour la Pâque où, nous le savons, Jésus sera accueilli triomphalement, avant sa passion.
 
Au bord de la route un aveugle, immobile, qui semble peu concerné par la frénésie ambiante. Il ne voit pas, mais il entend le nom de Jésus de Nazareth. Alors il se met à crier et même à bondir. Un aveugle qui bondit cela interroge ! Lui dont les yeux étaient vides de lumière, est poussé par un mouvement intérieur vers Celui qui est la lumière du monde.

Cet homme est présenté comme un fils, le fis de Timée d’où son nom Bar-timée.
Son cri : « Fils de David, prend pitié de moi ! »
Jésus s’arrête et le fait appeler.
Et voilà le fils de Timée face au « fils de David ». Ce titre à l’époque était l’équivalent du Messie.
Une première bonne nouvelle réaffirmée. La Paternité de Dieu. (1ère lecture)
Je suis un père pour Israël, Ephraïm est mon Fils aîné » (Jérémie)

Face au mystère de Dieu le Père, le mystère de tout humain comme fils par Jésus Christ.

Le dialogue qui vient est comme un cheminement spirituel, une démarche spirituelle
Jésus, entonnement, répond la la demande de l’aveugle, par une question :
« Que veux-tu que je fasse pour toi? »

Jésus interroge le désir profond de l’aveugle et sa volonté.
La méthode de Jésus peut nous servir d’exemple lorsque nous sommes sollicités pour aider ou accompagner une personne.
Là ou nous aurions envie, de remplir l’espace par nos paroles, nos conseils ou un brin de morale, notre belle expérience, Jésus laisse à Bartimée le temps de découvrir ce qui anime la profondeur de son être, nommer les mouvements intérieurs du coeur ; Laisser la place au travail de l’Esprit Saint pour un vrai discernement.
La réaction de l’homme est à la hauteur du semi-silence de Jésus. La réponse est de tendresse et de confiance
« Rabouni, que je retrouve la vue »

Vous avez bien remarqué le verbe. « Retrouver » ou traduit aussi « que je revoie ».
Nous ne savons pas si l’aveugle était né avec son infirmité ou s’il a vu antérieurement. La lourde insistance de l’évangile sur les noms de « père » et de fils que j’ai signalé au début, ce face à face du fils de Timée et du fils de David peut nous laisser comprendre que Jésus entend de la part de cet homme une toute autre demande que celle de la seule vision. Il ne parle pas de guérison mais lui dit
« va, ta foi t’a sauvé’

C’est la foi qui fait crier l’homme au bord du chemin, qui le fait bondir et laisser tomber son manteau, comme pour entamer une nouvelle vie ; Voilà une deuxième bonne nouvelle.
Le salut est bien accompli en Jésus Christ par pure grâce de la volonté de Dieu.
Mais cela ne se fera pas sans nous. Une seule chose reste à faire à tous les Bartimée que nous sommes, nous lever, avoir confiance, comme le disent les apôtres
Bartimée ne rentre pas tranquillement chez lui ; il suit aveuglement (!!!) Jésus dans la confiance, or il ne sait rien de ce qui va arriver. Bartimée et mobilisé il devient disciple.
La foi n’est pas la possession tranquille de certitude confortables. Croire vraiment est une dynamique, elle est chemin de résurrection, Elle fait se lever, bondir courir a la rencontre du Christ mais aussi des autres. Pas le Christ sans les autres, les délaissés, ceux qui souffrent. Un disciple est appelé à impliquer sa foi avec les réalités de sa vie, avec les problèmes réels du monde et de l’Eglise
Le croyant authentique n’est pas un « planqué »
L’Eucharistie que nous célébrons est le sommet de la rencontre entre les fils que nous sommes par notre baptême et le Fils de Dieu. Tout à l’heure je vous dirai « Allez dans la paix du Christ » Entendez alors : « levez-vous ; bondissez dans la paix du Christ »
C’est une parole d’envoi et non une parole de clôture (Comme dans les anciennes liturgies ; « Ite Missa est= allez, la messe est dites »)

Seigneur, guéris-nous de nos cécités spirituelles, stimule notre volonté, aide nous à identifier nos aveuglements, à prendre conscience de nos limites et de nos faiblesses. De notre péché
Nous te demandons ta grâce, à toi qui nous dis sans cesse que de toute ténèbre jaillira ta lumière.
Fais de nous des porteurs de lumière ; des artisans de paix
Amen

Robert Zimmermann
diacre

Les Fils de Zébédée / Mc 10 35-45 / Une homélie


Il y a d’abord cette demande un peu folle des Fils de Zébédée : « donne-nous d’être assis l’un à ta droite, l’autre à ta gauche dans ta gloire ».
Comme les dix, nous sommes assez rapides à condamner la démarche des deux frères.
(...)
Il faut vraiment se méfier de notre premier mouvement devant la demande des deux frères.
Car quel est son objet ?
S’asseoir de chaque côté de Jésus dans sa gloire, c’est demeurer au plus prés de celui qu’ils aiment. Vouloir qu’il n’y ait aucune distance entre eux et lui.
La gloire n’est pas ici le temps de la victoire, sous les feux des projecteurs, c’est un lieu.
C’est le lieu où ils savent que Jésus a à siéger.
Alors même que, quelques lignes plus haut, Jésus vient d’annoncer à nouveau sa passion.

La demande des deux frères n’est donc pas une demande d’ambitieux gonflés d’orgueil, c’est une demande d’enfants pleins d’amour... absurde, naïve, impossible, mais touchante et vraie.
On a l’impression que, si c’était en son pouvoir, et puisqu’ils répondent aux critères demandés, Jésus accèderait volontiers à cette demande.

De leur côté, les dix (et nous avec) lisent aussitôt dans tout ça un désir de pouvoir et d’autorité. Pour eux la Gloire n’est pas le lieu de l’amour victorieux, c’est le lieu de la domination et de la toute-puissance.

C’est pour eux que Jésus va préciser ce qu’est le pouvoir réel, ce n’est pas pour les deux frères.
(...)
Jésus ne condamne pas l’ambition à être grand. Simplement, celui-là sera grand qui se fera serviteur. Il n’a rien contre l’idée de vouloir être le premier, mais cette place est obtenue lorsque l’on est devenu l’esclave de tous.
L’esclave de tous, c’est à dire que je me dessaisis de ma vie devant tout homme. Tout humain a le pouvoir de prendre ma vie s’il le désire.
Qui à cette place ? Qui peut se faire l’esclave de tous ? Qui peut être LE serviteur ?
Qui à part le Fils de l’homme ?
(...)
« Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur,
par lui, ce qui plaît au Seigneur réussira. »
Seigneur, que nous soyons toujours plus configurés en serviteurs.
Pétris, modelés, re-modelés en serviteurs.
Alors, peut-être, ce qui te plaît réussira.

Amen
Sylvain diacre