Marc 9 2-11 / Une homélie de JP Duplantier

Vers où Jésus conduit-il les apôtres sur cette haute montagne ?
La scène est improbable : il y a d'abord la métamorphose de Jésus ; ses vêtements sont d'une blancheur que nous ne connaissons pas sur terre, et la lumière qui se dégage de son corps nous est inconnue. Ensuite les époques de l'histoire sont contractées en un seul moment : Moïse et Elie et Jésus discutent ensemble, maintenant.
La réaction de Pierre est plus normale. Il s'imagine qu'il a sous les yeux la réalisation de ce qu'on lui avait appris : Moïse, celui qui a conduit Israël hors d'Egypte et par lequel le peuple a reçu de Dieu sa Loi ; Elie, le prophète qui est parti dans le ciel sur un char de feu et qui doit revenir ; et enfin le Fils de l'homme dont parle Daniel ; ils sont là tous les trois et le combat pour la libération d'Israël est en marche. L'armée d'Israël est en ordre de bataille, avec ses trois chefs. Les combattants sont dans la plaine et il faut élever trois tentes pour les chefs sur la montagne.
Pierre avait tellement peur qu'il ne savait pas ce qu'il disait. Ou plutôt ce qui lui vient, c'est le rêve de tout bon juif, son imaginaire de croyant : ça va finir comme ça, et c'est le moment. Mais la vision se brouille. Un nuage passe. Une voix se fait entendre : « celui-ci est mon Fils bien aimé. Ecoutez-le ». Ce n'est pas le général en chef de la lutte finale ; c'est le Fils bien aimé. L'horizon se brouille : ce n'est pas ce qu'on croit voir venir, c'est ce qu'il y a à écouter du Fils.
 
Voila maintenant deux choses que j'entends aujourd'hui et qui me réjouissent.
  1. Jésus vient à ses disciples dans l'état où l'appel de Dieu les a trouvés. Nous ne sommes pas montés comme Pierre, Jacques et Jean, sur la montagne sainte, mais la rencontre avec Jésus-Christ, avec la Parole de Dieu devenue Chair, avec l'approche du Royaume de Dieu, obéit aux mêmes conditions. II vient dans l'état où nous nous trouvons quand nous sommes appelés.
L'esprit Saint n'attend pas que nous soyons purifiés. La lumière qui vient chez nous ne provient pas du nettoyage de notre maison, mais de ce que Dieu engendre : des fils à sa ressemblance, dans l'état de nos corps mortels. Quels que soient l'état de notre chemin, quelles que soient les images que nous ne faisons de notre présent ou de notre avenir, quelles que soient les symboles de foi auxquelles nous nous accrochons, il vient pour construire en nous une forme de vie, qui porte sa présence. Quels que soient nos amours ou nos peurs, il ne nous demande pas de quitter ce monde, mais d'en faire usage de telle sorte que nos actes et nos paroles portent la marque de son travail. Et si ne nous sommes pas fidèles, si nous n'avons pas une doctrine chrétienne vraiment juste, si nos moeurs très mélangés, en pensée, action et en omission, L'Esprit n'attend pas que ça aille mieux. Il vient, quand il veut, dans tours et les détours de notre vie. Il vient nous apprendre à vivre la forme de vie singulière que lui-même fait émerger de nos fantasmes et de nos blessures. L'Esprit ne déserte aucun endroit de notre vie ; il vient dans le noir, dans le triste, dans l'enthousiasme, dans l'assurance de soi. C’est là qu'Il parle, c'est là qu'il nous apprend à mourir aux choses qui passent, et à nous éveiller à ce qui ne passe pas.
2.      Gardons dans notre mémoire vive les Ecritures, la Promesse de Dieu et l'avènement de Jésus-Christ tels qu'ils sont écrits. Nous y apprendrons à contempler l'immense de l’Alliance, sa largeur avec Abraham, sa force avec Moïse, sa ténacité avec Elie, et la profondeur de l’amour du Père avec Jésus-Christ ? Avec lui et par lui nous vivons la forme de vie qui est en train de larguer les amarres avec nos idoles.
Jean-Pierre Duplantier
Gn 22,1 -18 // Ps 115 // Ro 8,31-34 //St Marc 9, 2-10