Nous
n’irons pas dans le Royaume de Dieu
Aucun
de nous n’ira dans le Royaume
Parce
que le royaume de Dieu n’est pas un lieu.
Il
n’a pas d’adresse
Deux
paraboles aujourd’hui pour dire le Royaume
● Dans
la première, il s’agit d’un homme qui jette une semence, non pas
« en terre » comme nous l’avons entendu, mais « sur
la terre », et qui laisse faire jusqu’à la moisson.
Dans
nos jardins, dans nos royaumes, pour obtenir du fruit, il faut
enfouir, il faut travailler, il faut prendre soin… aller jusqu’à
la moisson est un métier, un savoir-faire complexe, un travail
risqué.
Dans
le royaume de Dieu, la semence est « jetée sur », posée
là, et ça fait…. Ça fait tout seul. La semence unique, la
semence inconnue, indéterminée, fait un champ de blé. Et reste à
y mettre la faucille.
Le
Royaume n’est pas un lieu, c’est une énergie vitale, une
dynamique de croissance, un scénario de fructification. Le Royaume
est un mouvement qui fait d’une semence jetée sur la terre une
moisson. Le royaume est croissance sans travail, sans ampoules sur
les mains, sans mal au dos, sans désherbant et sans labours, sans
grêle et sans limaces. Le royaume est croissance gracieuse,
gratuite, inexorable.
La
semence touche terre et tout est enclenché, et rien ni personne ne
peut plus empêcher la moisson…
● Dans
la deuxième, une graine à nouveau, posée elle aussi sur la
terre (et pas dedans). Une graine de moutarde.
A
l’automne 2019, pour illustrer une homélie de Dominique, nous vous
avions distribué des graines de moutarde. Et quelques-uns les
avaient plantées et quelques-uns les avaient vu pousser. Et je crois
que personne, même les meilleurs jardiniers, n’avaient vu surgir
le plus grand de tous les légumes avec des branches sous lesquelles
venaient s’abriter les oiseaux.
Dans
nos jardins, dans nos royaumes, la graine de moutarde donne une
moutarde : une tige toute fine et tendre avec de belles fleurs jaunes
en bouquet.
Dans
le royaume de Dieu, la graine de moutarde donne une plante immense
avec des branches hospitalières aux oiseaux. Ce n’est pas que le
royaume ait de meilleurs engrais, un meilleur climat, de meilleurs
jardiniers. C’est que le royaume fait d’une graine de moutarde
autre chose que de la moutarde. Il fait d’une graine connue, un
arbre inconnu.
Certains
parmi nous fêtent leur anniversaire de mariage…
Mais
tous ceux qui sont mariés fêtent chaque jour leur anniversaire de
mariage… Ceux qui se sont mariés hier fêtent leur premier jour
de mariage, d’autres leur demi-siècle…
Qu’est
devenue la graine tombée sur terre le jour de cette union ?
On
croyait peut-être la connaître cette graine, on s’en était
parlé, on avait imaginé ce qui pouvait en sortir… mais cinquante
ans plus tard, il se pourrait que nous soyons surpris de l’aspect
de l’arbre inattendu qui s’est levé !
Il
est peut-être un peu penché, un peu tordu, il a probablement perdu
des branches qui manquent pour toujours, il a peut-être fallu
l’élaguer ici où là, mais, vieillissant, il fructifie encore. Et
les oiseaux du ciel viennent s’y abriter.
Mais
il n’est pas besoin d’être mariés pour être pris dans la
poussée du Royaume ! Et tant pis si l’on n’a pas pu ou pas
su y rester à deux… Qu’importe, puisque la graine de moutarde du
royaume, c’est chacun de nous. Minuscule, insignifiante et jetée
sur la terre.
Qu’elle
le veuille ou non, de jour comme de nuit, dans le secret d’elle-même,
sans travail, sans effort, sans engrais, elle grandit et devient plus
que ce qu’elle est.
Elle
se croit légume, elle devient arbre.
Elle
se croit banale, elle devient « la plus grande »
Elle
se croit inutile, elle protège les oiseaux du ciel. Elle
accueille les habitants du ciel
Nous
n’irons pas dans le royaume de Dieu car nous y sommes déjà
Nous
sommes pris, que nous le voulions ou non, dans la puissance
inexorable de la croissance du fruit qui vient.
Nous
sommes inscrits, que nous le voulions ou non, dans la transformation
de notre nature de légume en arbre, baignant ses branches dans le
ciel.
Nous
n’irons pas dans le royaume de Dieu car le royaume c’est nous
Plantés
dans les parvis du Seigneur,
nous
grandirons dans la maison de notre Dieu.
Vieillissant,
nous fructifierons encore,
nous
garderons notre sève et notre verdeur
pour
annoncer : « Le Seigneur est droit ! »
╬
Amen
Sylvain
diacre