Syméon reçut l'enfant dans ses bras / La sainte Famille Lc2 22-40 / Une homélie


Pour le dimanche de la sainte famille, j'ai le sentiment que l'Evangile d'aujourd'hui nous invite à élargir la famille. Et elle est bien discrète la sainte famille dans le texte, elle se fait voler la vedette par un papy et une mamie.
Plusieurs fois Jésus se rendra au temple de Jérusalem, là c'est la première fois. Ces parents accomplissent une démarche de gratitude envers le créateur. Cet enfant, qui emplit leur vie, est un don, un don de Dieu. C'est vrai pour toute famille, ça l'est encore plus pour cette famille si particulière. Dans l'Evangile, les parents font une démarche religieuse, qui semble codée, ritualisée, puisque qu'on précise même le nombre et la nature des animaux à offrir en sacrifice.
Mais dans un déroulement, apparemment précis et organisé, se glisse un personnage étonnant. Syméon reçoit l'enfant dans ses bras. Syméon, n'est pas un prêtre, ce n'est pas un scribe ou un docteur de la loi. Syméon, on dit de lui qu'il est juste et religieux. Il est soumis à plus grand que la loi, il se laisse conduire par l'Esprit, par trois fois le texte précise sa relation avec l'Esprit Saint. Il croit à ce qui lui a été annoncé, qu'il verrait le messie avant de mourir.
Et, curieusement, je dirai bizarrement, Syméon dont je doute qu'il fut acteur de la liturgie de l'époque se retrouve avec l'enfant dans les bras.
Je peux dire qu'on a tous pris à un moment ou à un autre un nouveau-né dans les bras. On a tous le souvenir des sentiments confus qui se bousculent sur l'instant. C'est si petit, c'est si plein de vie, ça gigote tant qu'il va tomber. On tient la vie dans ses bras.
Et bien chez Syméon, rien de cela, il ne fait pas gouzi-gouzi. Syméon quand il reçoit l'enfant, ça lui inspire une prière.
Je ne sais pas par quel enchaînement liturgique, il se trouve que Syméon reçoit l'enfant dans ses bras, mais cela semble naturel, cela semble aller de soi.
Peut-être prenait-il tous les nouveau-nés dans ses bras pour voir si l'un d'entre eux était le Christ ? Mais cela veut dire que l'Esprit Saint avait précisé l'âge du messie quand il le rencontrerait. En fait, le texte précise bien que Syméon, ce jour, a été poussé par l'Esprit : "Sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple."
Il y a comme une action de la providence, il y a comme un scénario organisé par l'Esprit-Saint. Des personnages éloignés les uns des autres, des inconnus se rejoignent au temple.
Et là, l'un d'entre eux reçoit l'enfant-Dieu dans ses bras. Un scénario, somme toute à la fois extraordinaire et fréquent.
Aujourd'hui, nous tous, sous l'action de l'Esprit Saint, nous nous sommes levés. Nous avons entendus que nous recevrons une consolation, que nous recevrons le Christ dans nos mains.
Nous nous sommes rassemblés, nous qui venons d'horizons différents, nous qui avons des métiers différents, certains sont inspecteurs des impôts ou restaurateur de tableaux, d'autre charpentiers-menuisiers, certaines infirmières ou institutrices. Et comme dirait mon frère Sylvain, je n'ai rien contre ces professions.
Et qu'est ce qui va se passer, ici, à cet autel ? Qu'est-ce qui va se passer dans cette liturgie organisée ? Et bien chacun de nous va recevoir dans ces mains le corps du Christ.
C'est fou !
C'est aussi surprenant que l'histoire de Syméon, le papy de la Sainte Famille. Il y a de quoi s'émerveillé quand on prend un peu de recul.
Moi aujourd'hui je partage un repas en frère avec le Christ.
Moi aujourd'hui je tiens dans mes bras le Christ.
Mes yeux voient le salut.
Mes yeux contemplent la lumière du monde.
Dans la confiance, la saine Famille confie l'enfant-Dieu au creux de nos mains, pour nous inviter à les rejoindre.
Nous sommes incorporés à la sainte Famille. C'est ce qui arrive à Syméon, le papy, il est adopté. Et en grand-père, avec la sagesse qui vient avec l'âge, il prodigue ses conseils aux parents: "Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre."
Comment Marie et Joseph ont accueilli ces paroles ? On ne sait pas, on sait juste qu'ils rentrent chez eux dans le calme et la sérénité d'une famille qui a accompli son devoir. Pourtant, ils ont entendu comme nous, cette prière que beaucoup de chrétiens récitent le soir avant de se coucher :
Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. "
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Les homélies de la nuit de Noël 2017

Messe de 19h


Avez vous déjà entendu un boeuf, un âne ou une brebis parler ??…..( dessin animé, bande dessiné, fable) C'est une façon de nous rendre attentif à quelque chose d'important qui concerne les humains ;, qui nous concerne et qui est important..
Je pense que vous avez été amusé par ce boeuf qui est dérangé, bousculé. et on le serait à moins.
Voilà que s'introduisent chez lui des étrangers, un âne, qui lui ressemble si peu, une femme qui attend un bébé et un homme. Ils entrent chez lui parce qu'il n'ont pas trouvé de place dans l'hôtellerie . Et de plus on lui pris sa mangeoire pour en faire un berceau à l'enfant qui nait, chez lui, dans son étable.

Et Voilà que l'Evangile nous dit que « cet enfant nouveau-né, emmailloté couché dans une mangeoire est un signe qui nous est donné » Il y a de quoi s'interroger ?
Et de surcroît, ils sont là car« Il n y avait pas de place pour eux dans la salle commune »
C'est Noël chaque fois qu'il n'y a pas de place sur terre pour un être humain. C'est Noël c'est Bethléem partout où sont secourus, accueillis, aimés. des femmes, des hommes, des enfants, exclus, victimes de violence, de la faim ou qui vivent dans des conditions indignes.
L'enfant couché dans la mangeoire auquel sera donné le nom d'Emmanuel « Dieu avec nous » a pris leur place . Il se tient au coeur de chaque humain et très particulièrement les plus fragiles et des plus faibles.
Que soient avec nous ce soir ceux que nous avons laissés chez nous, ceux qui sont seuls, chez eux, ou dans nos maisons de retraite, en prison, dans les hôpitaux, que soient avec nous ceux qui souffrent de la guerre, de l' exclusion, de la pauvreté.

« Le nouveau-né, emmailloté,couché dans la mangeoire » vient bousculer tous les égoïsmes, et crier aux hommes qu'ils sont tous fils du même Père, il bouscule les clans et les hiérarchies ;
Le nouveau-né couché dans la mangeoire « il est le sauveur » c'est ce que disent les anges, est venu mettre le feu de l'amour sur terre. Ne l'oublions pas
C'est peut être ce que Marie pressent et médite dans son silence….

Noël n'est pas un joli conte avec des étoiles et des petit moutons bouclés, Noël est surtout la grande fête de l'espérance, une fête de la joie, une fête de la vie
« Il vous est né un sauveur »
Aujourd'hui nous connaissons bien l'histoire et le message du « nouveau-né couché dans la mangeoire ». Au cours de sa vie, par sa parole et par ses actes il nous a montré l'amour total, il nous a ouvert le chemin vers le Père et vers nos frères et sœurs
Le nouveau-né couché sur cette paille à la place de la nourriture des animaux dira un jour de lui même
« Je suis le pain vivant descendu ciel » et a la veille de sa passion « prenez et manger ceci est mon corps livré pour vous buvez ceci est sang versé pour la multitude. » Il s'est fait vraiment nourriture par sa parole et le don total.
Un jour, en effet, il est entré à Jérusalem sur un âne. Il fut acclamé comme un roi. Sa couronne cependant fut d'épines, son manteau celui du péché, de la haine et de la violence
Cloué sur la croix par la folie des hommes il est mort et Dieu l'a ressuscité le 3e jour ( credo) Or il a voulu faire corps avec nous, pour nous entraîner dans la vie du Père ». C'est ce que nous célébrons à Pâques. OUI NOEL NOUS TOURNE DEJA VERS PAQUES. Noël sans le mystère pascal perd son sens.
C'est aussi ce que nous célébrons à chaque Eucharistie
Alors recevons en nourriture la Parole, de Jésus sur le pain et le vin.
Acceptons la Paix qui vient de Lui et qui va passer par nos mains et nos actes .
Ouvrons nos coeurs au désir du Père de venir dans nos ténèbres

Et c'est une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple disent les anges. C'est à nous qu'ils le disent aujourd'hui. C'est nous qui sommes aujourd'hui les anges, les messagers de cette bonne nouvelle. Ne la gardons pas pour nous….Dites à vos amis, camarades, vos proches pourquoi vous êtes venus ce soir ..

« Voilà le signe qui vous est donné, vous trouverez un nouveau-né, emmailloté, couché dans une mangeoire, »
Avec les anges et comme les anges louons Dieu ce soir
« Gloire à Dieu et paix sur la terre aux hommes qu'il aime »

Robert Zimmermann
diacre

Messe de 21h

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière »
« Aujourd'hui un sauveur vous est né, un Fils vous a été donné »
Cette nuit, se produit un événement. Quelque chose qui bouleverse l'histoire du monde, quelque chose qui devrait bouleverser nos vies.
Cette nuit quelque chose est donné.
Si c'est donné, ce n'est donc plus à attendre, c'est là
Dieu se donne.
Il est là, dans le scandale de la mangeoire.
Parce que cet enfant dans une mangeoire, c'est un scandale ! Cessons d'en faire du sucre et de la guimauve, un nouveau-né dans une mangeoire, ça n'est pas mignon, c'est scandaleux !
Cet enfant, il vient dans la nuit, dans le fond de la pauvreté et du dénuement, dans le désarroi d'un couple jeté sur les routes par le décret imbécile d'un politique.
Cet enfant, il vient donc chez nous.

Parce que nos vies ne sont pas de sucre, nos vies n'ont rien à voir avec la guimauve.
Et si nous sommes un peu épargnés, il suffit de regarder autour de nous... pas très loin...
Nos vies, elles sont toutes marquées par le deuil, la maladie, les séparations, les angoisses, les échecs, les regrets, la solitude, le désarroi et la pauvreté...
Et bien c'est précisément là que Dieu se donne.
C'est au milieu de cette nuit qu'une lumière resplendit et que les anges s’agitent..
C'est au milieu de cette nuit que se lève l'espérance !

L'espérance.... voilà un mot qui n'est plus très à la mode...
On l'a rangé soigneusement dans le placard des vieilleries catho, entre la chasteté et la providence.
On l'a remplacée au mieux par l'espoir, au pire par l'optimisme...
et ce n'est ni l'un ni l'autre.

● L'espérance, ce n'est pas de l'optimisme.
L'espérance n'a rien à voir avec le « je vais bien tout va bien » répété en pleurant.
Parce que l'espérance dit la vérité... elle ne surgit que lorsque l'illusion est tombée.
● L'espérance, ce n'est pas non plus l'espoir.
Ce n'est pas se dire que « ça ira mieux demain », parce que demain, j'en ignore tout, et se construire le scénario d'un futur où tout sera rose n'est qu'une illusion de plus.
● L'espérance n'est même pas une attente, parce qu'elle repose sur du solide, sur le don que Dieu fait de lui-même.
Nous espérons ce qu'il nous a déjà donné !

Mais c'est quoi ce don ?
Qu'est-ce qu'il nous donne cet enfant dans sa mangeoire ?

Il nous donne « désormais, je suis avec toi »
Dans les ténèbres de nos vies cabossées, une lumière resplendit et elle dit « je suis avec toi »
Toujours et à jamais
« Ta vie sera ce qu'elle sera, tu traverseras des épreuves, « les ravins de la mort » dit le psaume, mais moi, moi qui t'aime comme on ne t'a jamais aimé, moi qui t'ai aimé dès le sein de ta mère, moi qui t'ai aimé dès avant la création du monde, moi qui ai tout créé pour toi, moi, je suis avec toi... c'est fait... une fois pour toutes...
en prenant chair, je suis venu chez toi, j'ai habité ta chair, ta chair malade, ta chair humiliée, je m'y tient désormais, nul ne pourra m'en déloger.
Je n'ai pas peur de descendre dans la mangeoire, je descends dans ta nuit ».

Cette présence, ce n'est pas l'ami imaginaire des petits enfants craintifs, c'est la réalité du désir de Dieu pour nous.
Voilà notre espérance : Dieu est avec nous.... notre seul boulot, c'est d'y consentir !
Consentir au don, accepter d'être aimé, tendre nos oreilles à la voix des anges.
Ce soir c'est la nuit des anges, le ciel met le paquet !
Pas pour faire joli, mais parce que nous sommes bouchés !
Il faut bien toute l'armée céleste pour nous crier la Joie :
« paix sur la terre aux hommes qu'il aime ! »,
paix dans vos vies blessées !
Paix dans vos vies comme elles sont !
« un sauveur vous est né, un fils vous a été donné ! »

Quelqu'un écrivait (Bernanos): l'espérance « c'est un acte héroïque dont les lâches et les imbéciles ne sont pas capables »...
Pourquoi héroïque ? Parce que l'espérance demande du courage.
Du courage, il en faut pour renoncer aux illusions et aux faux-espoirs et pour regarder la nuit en face... comme le font les bergers... ils n'ont pas peur de scruter la nuit.

Il faut du courage pour laisser tomber l'orgueil qui fait ricaner certains devant l'enfant dans la mangeoire... ce n'est pas un conte pour enfants, c'est Dieu qui visite nos chairs, qui prend soin de nos blessures...
et si nous avions le courage de nous laisser faire au lieu d'être des lâches et des imbéciles ?!

Ce soir, si vous êtes joyeux, tant mieux pour vous !
Mais vous qui traversez des heures difficiles dans vos vies, vous avez le droit d'être tristes !
Vous avez le droit d'être tristes, mais ne laissez pas à la tristesse le dernier mot.
La Joie véritable, la Joie de Dieu, brille jusque dans nos tristesses.
Cet enfant, il ne naît pas sous le soleil des jours heureux, il naît dans la nuit de nos tristesses.
Aucune nuit n'est assez épaisse pour arrêter cette lumière,
Aucune tristesse n'est assez profonde pour résister à sa Joie... c'est ça « être sauvé ».

Réjouissons-nous, en vérité, pas dans la niaiserie obligatoire,
ayons le courage d'entrer dans l'espérance.

Sur nous qui sommes les habitants du pays de l'ombre, une lumière a resplendi
Aujourd'hui nous est né un sauveur qui est le Christ, le Seigneur

Que notre Noël soit joyeux de la vrai joie,
Noël
Joyeux
╬ Amen
Sylvain, diacre
Sur l'espérance, lire "Veilleur où en est la nuit ?" d'Adrien Candiard. Cerf 2016

Je ne suis pas / Jn 1 6-8 19-28 / Une homélie

(...)
Que dis-tu de toi-même ?
Quelle question redoutable !
Nous adorons nous dire nous-même. Nous passons le plus clair de notre temps à nous raconter, à parler de nous, de ce que nous sommes, de ce que nous faisons, de ce que nous pensons… le « je suis » est sans cesse à nos lèvres.
« combien de temps suis-je capable d'écouter l'autre avant de parler de moi ? »
La question « Que dis-tu de toi-même ? » ne serait d'aucune difficulté pour chacun d'entre nous. Nous trouverions bien quelque chose à dire…
Ce n'est pas un reproche, c'est comme ça, l'homme est fait comme ça, nous passons notre vie à peaufiner notre « je suis », nous avons même besoin de pouvoir dire « je suis » pour grandir dans la vie et dans le monde.
Mais pour Jean, ça ne marche pas comme ça !
Il semble être incapable de répondre à cette question. Ce n'est pas qu'il refuse (le texte le précise bien), c'est qu'il ne trouve pas la réponse. Il sait qu'il « n'est pas », il sait qu'il est pour un autre.

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas »
C'est celui-là, l'autre, qui l'empêche de dire « je suis »…
On ne sait pas qui c'est cet autre, spontanément, on met Jésus à cet endroit là, et on ne se trompe pas en le faisant, mais gardons le texte tel qu'il nous est donné, ne fermons pas ce que le texte laisse ouvert :
« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas »
Celui-là, au milieu de nous, on ne le connaît pas… et si c'est le Christ, on ne le connaît pas !

Nous cherchions la joie de Jean,
elle est là sa joie, elle est dans « je ne suis pas »
Jean nous apprend que la plus grande joie, c'est d'accepter une présence au milieu de nous qui nous empêche de dire « je suis », si il y a quelqu'un au milieu de moi que je ne connais pas, c'est donc que je ne me connais pas !
Impossible désormais de croire que je sais qui je suis, la case que j'ai longuement appris à remplir et à colmater, voilà qu'elle contient quelqu'un qui n'est pas moi, voilà que sur la photo de ma carte d'identité, si rassurante, si ressemblante à moi-même, le visage d'un autre vient s'imprimer… nous sommes deux sur la photo, il y a quelqu'un que je ne connais pas qui vient brouiller ma belle image.

Quelle joie de découvrir cela !
Quelle merveilleuse annonce !
Car nos « je suis » sont toujours des « je suis » étroits, ratatinés… des « je suis » qui nous réduisent à l'insignifiant, des « je suis » qui nous enferment…
Puisqu'au milieu de nous se tient celui que nous ne connaissons pas, notre « je suis » étriqué et fini est donc un mensonge, nous sommes plus que ce que nous croyons être, nous sommes une énigme à nous-même, nous sommes ouverts et nous sommes infinis.

(...)

Gaudete ! Réjouissons-nous !
A quelques jours de la venue parmi nous de celui que nous ne connaissons pas ; Jean rétablit la vérité : la joie se tient dans notre renoncement à dire « je suis ».
Ça ne veut pas dire renoncer à notre identité, ça veut dire accueillir en nous celui que nous ignorons et qui seul sait qui nous sommes.

Réjouissons-nous, car nous n'avons rien à faire ! C'est lui qui vient ! Il est déjà là ! Il se tient au milieu de nous !

Gaudete, Amen
Sylvain, diacre
(Photo : autoportrait de Dieter Appelt 1977)

Aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez / Marc 13 33-37 / Une homélie

"Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ." L'apôtre Paul s'adresse aux corinthiens. L'Eglise de Corinthe est en attente. Et Paul salue ses membres pour la persévérance de leur attente. Il salue la permanence de leur veille.
Parfois, nous avons une petite pensée condescendante pour Paul qui annonçait le retour proche Christ. Nous qui vivons au 21ème siècle car nous savons que Paul est mort avant le retour du Christ. Il écrivait dans sa lettre aux Thessaloniciens : " Les morts unis au Christ ressusciteront d'abord ; ensuite, nous les vivants, nous qui sommes encore là, nous serons emportés sur les nuées du ciel en même temps qu'eux, à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur " (4, 16-17)
Paul est fermement convaincu du retour prochain du Christ. Il exhorte ses amis à se tenir prêts, à veiller.
Et bien Paul est dans la vérité. Paul nous invite à la bonne attitude. Nous aussi, nous devons nous tenir prêts, le retour du Seigneur est proche, il ne nous faut pas être distrait quand le moment sera venu.
Et pourtant, comme je l'évoquais il y a peu pour l'Evangile des jeune filles prévoyantes et insouciantes, je pense que nous ne croyons pas suffisamment au retour proche du Christ. Peut-être que même, nous ne croyons pas tout simplement à son retour.
Aujourd'hui, l'Eglise inaugure le temps de l'avent. Aujourd'hui, premier dimanche de l'avent, la liturgie nous invite à laisser se creuser en nous l'attente. Mais qu'attendons-nous ?
Sommes-nous dans l'attente de Noël ?
Il faut convenir, que les illuminations de la ville, le trop plein de publicités dans nos boîtes-à-lettres, les magazines et à la télévision, ne nous aide pas.
L'avent n'est pas là pour dompter notre impatience de cadeaux, de réunions de familles et de vacances. Même si au demeurant, ce sont de bonnes choses. L'avent n'est pas là pour nous aider à tromper le temps.
L'avent est là pour raviver notre attente du retour du Christ. Il est là pour affûter notre désir de le rencontrer.
La venue du Christ a toujours été annoncée par l'Eglise comme un événement en deux temps, le temps de l'incarnation que nous fêterons tous à Noël et le retour à la fin des temps. L'avent est ce moment où la liturgie nous invite à méditer sur la fin des temps, le retour du Seigneur parmi les hommes.
Nous savons tous que ce n'est pas tout-à-fait comme cela que le temps de l'avent est perçu et vécu. Il y a comme une appropriation par le monde de ce que nous sommes appelés à vivre et il y a comme un consentement de notre part. Vivre l'avent comme l'attente de la fin des temps, ça fait un peu vieillot. Et nous ne pouvons pas vivre hors sol. Nous devons rester dans le monde et tenter d'y porter l'Evangile. Nous ne pouvons pas renier et fuir le monde qui nous entoure, au contraire, nous devons nous y enraciner pour y faire jaillir la vérité.
Alors les illuminations de la ville pour Noël ne doivent pas nous distraire de l'attente et nous devons rappeler en quoi consiste cette attente. Dieu le Père envoie son Fils pour sauver tous les hommes. Et nous, chrétiens du 21ème siècle, nous veillons pour accueillir sa venue.
Comment Paul interpréterait-il notre manière de vivre l'avent ?
Je suis convaincu qu'il prendrait sa plume et qu'il nous écrirait : "Frères, à vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu. Car le témoignage rendu au Christ s’est établi fermement parmi vous."
Il nous dirait que c'est bien de préparer la fête mais il nous dirait aussi de ne pas baisser la garde, de veiller pour le retour du Seigneur.
Nous avons la grâce de connaître Dieu par notre baptême.
Nous avons la grâce de partager sa parole aujourd'hui.
Nous avons la grâce de pouvoir rencontrer le Christ en personne dans le pain et le vin à cet autel.
Nous avons comme le dit Paul tout ce qu'il faut pour tenir fermement dans l'attente. Nous avons tout ce qu'il faut pour tenir en nous l'Espérance vivante.
Alors veillons tous ensemble pendant ce temps de l'avent pour accueillir la venue de Seigneur dans la joie.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Voici l'époux, sortez à sa rencontre / Mt 25 1-13 / Une homélie


J'ai bien eu du mal à méditer le texte d'Evangile d'aujourd'hui. A la première lecture il parait évident et en y regardant de plus près, il m'est apparu comme rempli d'incohérences.
Les jeunes filles sont invitées à une noce et elles s'endorment, on peut trouver cela curieux. Les jeunes filles dites prévoyantes ne veillent pas plus que les insouciantes, c'est curieux qu'elles dorment elles aussi. Les jeunes filles insouciantes n'ont plus d'huile, c'est comme si elles avaient laissé leurs lampes allumées pendant leur sommeil. Et d'où vient-elle cette voix qui crie : "Voici l’époux, sortez à sa rencontre ". Et la conclusion : "Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure." Les jeunes filles prévoyantes assistent à la noce alors qu'elles n'ont pas veillé.
Et le plus difficile pour nous les hommes, c'est que cette parabole nous invite à nous mettre dans la peau de dix jeunes filles. Habituellement, Jésus ne nous demande pas tant d'effort car le plus souvent il s'agit de serviteurs ou bien de vignerons. Donc pour souligner l'effort, dans la suite, j'emploierais le féminin au détriment du masculin.
Mais revenons au début, Jésus laisse ses consignes pour après son départ. La passion du Seigneur est proche, Jésus prépare ses disciples. Il les prépare à son départ. Il les prépare à son absence physique et déjà il les invite à entrer dans l'espérance de son retour. A noter, son retour est annoncé comme une noce.
Ce temps de l'espérance, ce temps de l'attente de son retour est le temps où les jeunes filles sont invitées à participer au royaume des cieux. Ce temps n'est pas un moment compliqué à passer c'est le temps de la préparation de chacun au retour du Christ. Et on va le voir, le Seigneur se montre compréhensif sur notre manière de l'attendre.
Les premiers temps de l'Eglise, après la Pentecôte, tous croyaient le retour du Christ très proche. C'est un temps d'effervescence spirituelle, c'est le temps des actes des apôtres, c'est le temps des lettres de Paul. Mais depuis, on s'est habitué à l'absence du Christ, on s'est habitué à attendre alors on baisse la garde et on ne veille peut-être pas autant qu'il est nécessaire. Et même, on peut s'interroger pour savoir si nous croyons au retour du Christ, mais n'allons pas trop vite, je suis un peu insouciante.
Deux mille ans que Jésus est mort et ressuscité. Et bien c'est pour cela que Jésus nous adresse cette parabole. Car nous sommes bien les destinataires de cette parabole, nous les jeunes filles du deuxième millénaire. C'est de notre temps dont il parle. Car qu'on soit prévoyante ou insouciante, Jésus sait que la force de veiller nous manque. Qu'on soit prévoyante ou insouciante, à un moment ou à un autre, nous nous endormons, oubliant de veiller, de scruter au loin l'arrivée de l'époux.
C'est ainsi que Jésus exprime la miséricorde de Dieu. Le Seigneur dit à chacun de nous : tu m'oublies, d'autres priorités occupent ta vie, alors j'envoie quelqu'un t'avertir du retour de l'époux, et ce quelqu'un va crier fort, "IL ARRIVE", et ça va te secouer, ça va te réveiller, que tu sois prévoyante ou insouciante.
Et nous pouvons bien nous reconnaitre dans les jeunes filles insouciantes. N'ont-elles pas allumé trop tôt leurs lampes et consumé de l'huile pendant leur sommeil ? Ne sont-elles pas un peu trop démonstratives ? Ne cherchent-elles pas à paraître devant le monde plus qu'à enraciner l'appel qui leur est fait dans leur cœur ?
"Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux." Nous y sommes. Le royaume des cieux est comparable à dix jeunes filles. Nous sommes de ces dix jeunes filles. Nous sommes dans le temps où le royaume des Cieux vient. Et ce temps c'est le temps de l'absence et le temps de l'attente. Ce temps durant lequel, il est tentant d'oublier celui qui nous crée, celui qui nous fait vivre.
Mais c'est aussi le temps de la nourriture de l'Eucharistie pendant lequel le Christ se sacrifie pour nous.
C'est aussi le temps de la nourriture de la parole durant lequel Dieu nous rejoint dans notre chair.
C'est aussi le temps du pardon auquel nous invite le Seigneur.
C'est aussi le temps de la prière, de la louange, de l'expression de notre gratitude vers celui qui fait tant pour nous.
En fait, c'est le temps pour faire le plein d'huile.
C'est le temps pour nous préparer et c'est aussi le temps du combat contre la tentation.
Cette année, nous allons particulièrement réfléchir à ce combat contre la tentation. Car c'est pour le temps de l'avent que la prière du Notre Père évolue.
Nous ne dirons plus « Ne nous soumets pas à la tentation », mais « Ne nous laisse pas entrer en tentation ». Cette modification du sixième verset du « Notre Père » entrera en vigueur le dimanche 3 décembre, comme l’ont décidé les évêques de France réunis à Lourdes en assemblée plénière le printemps dernier.
[Demain,] ce seront les enfants du catéchisme et les jeunes de l'aumônerie qui vont nous apprendre ce nouveau notre Père.
Ce sont eux qui vont nous aider à prendre un peu d'huile pour le chemin avec l'époux.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

Au risque de la Parole / Mt25 14-30 / Une homélie


« Il est où le bonheur, il est où ?» (Christophe Maé)
Je ne prétends pas que par cette homélie je puisse vous donner une réponse à cette question.
Les textes proposés par l’Eglise nous font faire comme un grand écart entre des paroles de Bonheur et « les pleurs et les grincements de dents ».
Dans le psaume que nous avons prié (ps127) les mots « heureux », »bonheur »,  « bénie » s’y répètent. Quant aux images, elles évoquent ce que l’on peut rêver de mieux sur terre ; l’assurance de la subsistance, la paix dans la ville, la paix dans la maison etc…
Même message dans le livre de Proverbes où l’auteur rédige ce qu’on pourrait appeler les deux béatitudes de la femme : »Heureuse est tu toi qui aimes et sers le Seigneur (crains) » et encore «  Heureuse es-tu, avec tout ton travail humble, tu crées le bonheur ».
C’est simple, non ? Quoi dire de plus….Ces textes nous orientent vers les questions du rapport entre notre foi et la recherche du bonheur dans la vie des hommes. Mais nous nous trompons si nous en restons là. La parabole rapportée aujourd’hui par Matthieu nous est si bien connue que spontanément on pourrait qualifier cet évangile d’éloge du profit. Il vanterait en effet les astucieux gérants de portefeuilles. Il inviterait au rendement maximum
Mais nous ne sommes pas ici en présence d’un plan de développement, mais d’une révélation en vue de « la venue du Seigneur ». Ce temps de la venue du seigneur c’est aujourd’hui.
La parabole est construite sur les rapports d’un maître et de trois types de serviteurs.
Quelque chose du maître est « confié » ( confiance) à chacun des serviteurs dans l’attente de son retour. Confiance du maître. A l ‘époque de Jésus un talent est un capital important, un lingot d’or qui vaut trente années de salaire : quasiment toute une vie.
Dans la construction de la parabole vous avez sans doute été frappés par la répétition, presque mots pour mots de la façon dont les deux premiers serviteurs ont fait fructifier ce qui leur était confié, selon la capacité de chacun, et comment au retour du maître ils étaient invités à entrer dans la joie du maître. Voilà le bonheur!!
Les deux premiers serviteurs ont fait fructifier les dons reçus du maître ; Ils ont géré les biens confiés comme s'ils étaient leurs biens.
Ce qui nous pose problème et nous interpelle c’est ce qui est raconté à propos du 3e serviteur.

Pour celui-ci l’argent du Maître est au Maître qu’il s’en arrange. Il pense n’avoir rien à voir avec cet argent. Et ce qui le bloque c’est sa relation agressive par rapport au Maître. SA PEUR. Il s’est laissé enfermer dans un sentiment de peur, car il a porté sur son maître un regard de défiance. Il s’enferme dans le » je sais ». » je savais que tu es un homme dur ; tu moissonnes là où tu n’as pas semé. » aussi n’ai-je pris aucun risque, et je me suis bien gardé de m’occuper de tes affaires. Certes les mains de cet hommes sont restées propres, mais elles sont aussi restées vides car même le talent confié lui sera enlevé.
S’occuper des affaires de Dieu, pourrait être une des questions que soulève cette parabole.Jésus la propose peu de temps avant sa passion. Il va en effet partir et confier à ses disciples et à leurs successeurs la mission de poursuivre l'oeuvre du Père. Aujourd'hui nous sommes en Eglise les dépositaires de cette mission.
Quel regard portons nous sur Dieu ? C’est notre regard sur le Seigneur, qui conditionne notre engagement.
La confiance fait oser et entreprendre, se dépasser. Sommes-nous actifs ou inactifs ?
« Endormis ou vigilants » comme nous y invite St Paul dans la 2e lecture.
Comment nous risquons-nous dans les affaires Seigneur au contact avec la Parole, en acceptant que cette parole nous interroge et peut être nous bouscule, sans nous enfermer dans ce que nous croyons savoir, à propos du Maître.

Voilà plusieurs dimanches que les paraboles nous parlent d’un dedans et d’un dehors. Dans celle d’aujourd’hui, le retrait de l’unique talent du 3e serviteur vient consacrer sa séparation avec le Maître.Il est voué au dehors «  la où sont les pleurs et les grincements de dents ». il a perdu le bonheur. Cette séparation est sans doute nécessaire et même salutaire.
Les grincements de dents seuls pourraient être le signe d’une colère contre ce Maître dur et exigent. Associés aux pleurs ces grincements ne seraient-il pas aussi, une colère contre lui- même au moment où il découvre ce qu’il a perdu… et où la séparation lui révèle la vérité à propos de ce maître. Ces pleurs ne sont-ils pas le premier signes de la conversion et d’un changement de regard. Une possibilité de retrouver le bonheur de la relation.
Dans cette parabole Jésus nous place dans le mouvement de sa venue. Ici rassemblés nous sommes un lieu privilégié de cette venue. Mais nous ne sommes pas rassemblés pour garder jalousement un dépôt, celui de notre foi (Credo) comme on garderait un beau et riche trésor dans un musée. Nous sommes convoqués pour nous occuper des affaires du Seigneur partout, où nous vivons, travaillons, luttons, aimons. Le seigneur nous demande de gérer le trésor de la Parole de Dieu, il faudra savoir prendre des initiatives pour qu'elle porte du fruit.
Nourris de la Parole et du Corps et du sang du Christ nous sommes non seulement les témoins de sa résurrection mais aussi les artisans de la joie du Maître pour tous les humains.
Tâche exigeante aujourd’hui, pour laquelle nous demandons que soit renouvelés les dons venus du Seigneur que nous allons recevoir dans le sacrement qui nous unis ce matin..

Robert Zimmermann
(Photo : trésor enterré à Cluny,  retrouvé en novembre 2017)

Ne vous faîtes pas appeler... / Matthieu 23 1-12 / Une homélie

Quelle est la cible de Jésus dans ce texte ?
On pourrait répondre assez vite : les scribes et les pharisiens, c'est à dire les religieux, les garants de la Loi divine... ceux qui se sont assis sur le fauteuil de Moïse comme dit le texte.
On a alors vite fait de faire de cet évangile une sorte de brûlot anti-clergé : « regardez-les, ils disent mais ne font pas, ils font tout pour faire les malins devant la galerie, pour se payer de titres et de privilèges, ils seront bien attrapés quand ils seront rabaissés ».

C'est une lecture. Elle n'est pas à négliger.
Si elle peut secouer un peu les clercs sur leurs pratiques et leurs motivations, elle n'est peut-être pas inutile (et je rappelle que les diacres font partie du clergé).

Mais c'est un peu court. Des détails dans le texte rendent cette affaire plus fine qu'une simple charge contre les élites religieuses.
Au début, on entend quelque chose comme « faites ce qu'ils disent, pas ce qu'ils font »

En effet, les scribes et les pharisiens sont porteurs d'une parole qui est juste et vraie, parce qu'elle ne vient pas d'eux. C'est le siège de Moïse qui dit la justesse de leur parole. C'est le lieu d'où ils parlent qui légitime leur parole.
C'est très beau cette histoire de siège, parce que ça dit qu'on peut asseoir n'importe qui sur le siège de Moïse, le siège est plus important que l'homme, la fonction dépasse l'homme.

Mais déjà quelque chose est perverti chez eux, quelque chose qui n'est pas réservé aux religieux : c'est l'usage qu'ils font de la loi.
Ils la transforment en lourd fardeau pour les autres. En appeler à la loi pour courber le dos de l'autre, notre monde ne cesse de le faire, nous-même ne cessons de le faire, parfois sans même nous en apercevoir, à coup de « il faut, il ne faut pas », « c'est permis, c'est interdit »...

Et voilà que Jésus s'adresse à nous directement :
- Ne vous faites pas appeler Rabbi
- N'appelez personne Père
- Ne vous faites pas appeler maître ou guide
 
La cible de Jésus dans ce texte, ce pourrait être alors l'usage que nous faisons tous de la parole... Il semble pointer un écart de vérité entre les mots et les choses... et sur ce terrain, nous sommes à nouveau tous convoqués, ce n'est pas seulement une affaire de religieux.
Méfions-nous de comment nous nous désignons, de comment nous nous appelons, ou nous nous faisons appeler. Méfions-nous de l'étiquette que nous collons sur le bocal...
Le bocal et ce qu'il contient importent peu, le danger pour nous, c'est ce que nous écrivons sur l'étiquette.
C'est le mot sur l'étiquette qui est empoisonné !
(...)
● Méfions-nous des mots... En multipliant des Rabbis à volonté, on remplace la fraternité par la mondanité...
L'Eglise aujourd'hui est malade d'un usage mondain de la parole.
Il est des lieux d'Eglise où l'on devrait plus souvent faire l'économie de se donner du « frère » sur tous les tons quand on a oublié l'enjeu d'un tel mot.
Peut-être devrions-nous être un peu plus prudents quand on fait de « disciple-missionnaire » un slogan ou un titre dont on voudrait à toute force se prévaloir... est-ce qu'on oublie que le Christ lui-même ne nous appelle plus « disciples » mais « amis » ? est-ce qu'on oublie que personne ne se donne une mission à soi-même, mais que nous avons toujours à la recevoir d'un autre ?

● Méfions-nous des mots... ne mélangeons pas les pères ! Nous sommes parfois un peu rapides pour nous créer des pères, pères biologiques, pères symboliques, pères spirituels...
Et si j'assoie un de ces pères dans les cieux, je suis en danger.
Si j'oublie que c'est de notre père qui est aux cieux que je reçois la vie, je suis aussi en danger.
Enfin si j'appelle un prêtre « Père », c'est parce que je lui reconnaît une vraie fécondité spirituelle... pas parce que c'est un titre honorifique.

● Méfions-nous des mots... si je multiplie les guides et que je me fais moi-même guide, je renie le Christ, le seul qui soit vraiment digne d'être guide, parce-que c'est le seul qui m'aime, en vérité.

- Le plus grand parmi nous qui devient notre serviteur, c'est lui
- Celui qui s'abaisse pour être élevé, c'est lui

Rendons grâce à Dieu qui nous fait « accueillir la parole pour ce qu'elle est réellement, non pas une parole d'homme mais la parole de Dieu qui est à l'œuvre en nous »(1Thé2 13)

╬ Amen
Sylvain, diacre
Photo : Rocher suspendu dans l'église des jésuites de Vienne. « to be in limbo » 2015 Steinbrener/Dempf & Huber

De ces deux commandements, dépend toute la Loi / Mt 22 34-40 / Une homélie

Mettre à l'épreuve Jésus ! Ils ne s'en lassent pas. Ils ne s'en lassent pas de se faire rembarrer sans cesse. Ce n'est pas la première fois que les Pharisiens tentent de piéger Jésus. Plus tôt, ils lui demandaient s'il est permis de payer l'impôt à César. Quelques versets plus haut les Saducéens font les frais de l'enseignement de Jésus. Il y a comme un parfum de compétition entre les pharisiens et les saducéens, c'est comme si le jeu du moment, le sport à la mode était de coincer Jésus.
Les saducéens interrogeaient Jésus sur la résurrection. Les pharisiens quant à eux ont décidé de sonder sa connaissance de la Loi. Les pharisiens semblent avoir une conception bien formaliste de la Loi. Pour eux, l'écriture se résume à des commandements et parmi ceux-là il y en a un qui doit primer sur les autres. Ils sont sûrs de bien connaitre l'Ecriture pour tenter de piéger Jésus sur ce terrain. Mais ce qui est curieux c'est que la question semble facile.
La question est facile pour qui est juif comme Jésus. J'imagine que dans les écoles de l'époque quand on apprenait l'Ecriture, on devait par la même occasion apprendre la hiérarchie des commandements. Alors pourquoi cette question facile est-elle de nature à mettre Jésus à l'épreuve ? Qu'est-ce qui laisse penser que Jésus peut avoir des difficultés à répondre ? Son comportement est-il incohérent avec la Loi ?
Et, Jésus répond. Jésus répond par la loi d'amour. L'amour de Dieu et l'amour du prochain sont d'égale valeur. Et ces deux commandements fondent la Loi et les prophètes.
Pour ce qui est de la Loi, la réponse est logique. De ces deux commandements dépend la Loi mais Jésus ajoute les prophètes. Pourquoi les prophètes ?
C'est que les pharisiens se réclament de Moïse, et si l'action de Moïse dépend de ces deux commandements, les pharisiens n'ont plus rien à dire.
Enfin, en quoi cette réponse est-elle en contradiction avec la conception de la Loi des pharisiens et est-elle en cohérence avec le comportement de Jésus ?
Jésus est sans cesse tourné vers les pauvres, les affligés. Il soigne. Il chasse les démons. Il réconforte les pauvres en Esprit. Petit détail, il n'y a pas un jour où il se dispense d'aimer. Ainsi, guérit-il le jour de sabbat. Il déjeune chez les publicains. Il accueille parmi ses disciples un collecteur d'impôt. Nul n'est à l'abri de son amour. Il fait du plus loin son prochain. Il le reçoit comme un frère, comme son frère préféré.
A la compétition des saducéens et des pharisiens Jésus propose une vie de relation d'amour, de don gratuit, de regard vrai, sans complaisance et sans jugement hâtif.
Aujourd'hui cet Evangile nous invite à la conversion. Il nous invite à nous situer du côté des pharisiens ou du coté de Jésus. Car la compétition, ça nous connait. Je parle d'expérience. Dans le monde du travail, la compétition c'est du quotidien. Il faut être performant. Il faut être combatif. Il faut gagner sur la concurrence. C'est le monde d'aujourd'hui. C'est le monde mondialisé que nous avons reçu et que nous transmettons à nos enfants.
Suivre Jésus, être disciple du Christ, en fait être baptisé, c'est aimer, accueillir, poser un regard sur ce qui est bon dans celui que je rencontre et louer Dieu en le remerciant pour tout ce qu'il nous donne.
Car la gratitude appelle la gratitude. Le don de Dieu appelle la louange. L'amour du frère appelle l'amour de Dieu et l'amour de Dieu porte à aimer le pauvre et l'affligé.
C'est tout l'objet de la lettre de saint Paul aux Thessaloniciens. En se convertissant à l'amour au contact de Paul, les destinataires de la lettre convertissent ceux qu'ils rencontrent.
Dès lors qu'on quitte le terrain de la compétition et qu'on rejoint le monde du partage et de la bienveillance, on entre dans une spirale qui attire vers le haut. Le bien qu'on reçoit nous porte à rendre le bien dès lors qu'on ne le compare pas. Les sourires qu'on reçoit dessinent des sourires pour les autres. L'accueil qu'on reçoit invite à accueillir.
Dans un instant, notre Dieu se donne en sacrifice pour nous. Il s'offre à travers le sacrifice de son Fils notre frère depuis notre baptême. En ce lieu, se trouve l'expression concrète des deux commandements énoncés par Jésus.
Ô Père très saint, que le don gratuit de ton Fils nous porte nous-même au don de notre vie pour Toi et notre prochain.
Ô Christ, le vivant, toi qui te donne dans le pain, vient convertir notre regard et notre cœur.
Ô Esprit-Saint, expression de l'amour du Père et du Fils, emplit nous de gratitude pour ce que nous recevons.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.