Dimanche de Pâques / Une homélie de JP Duplantier

Pour Marie-Madeleine, Pierre et Jean, c'est d'abord un choc : le corps de Jésus n’est plus dans le tombeau. Cette disparition ne retentit pas de 1.a mate manière chez chacun d'eux, de nous. Marie de Magdala aimait Jésus. Le regarder, l'écouter le suivre, était devenu toute sa vie. Elle venait d'être profondément secouée par toute la violence qui avait déferlé sur Lui. Mais là c'était encore autre chose : son corps avait disparu. Quelque chose ne suivait plus la logique ordinaire. Il y avait sûrement une cause : on nous l'a enlevé ! Pour Pierre, pas d'explication, il constate c'est tout : il y a le linceul et le linge qui avait recouvert sa tête, non pas posé avec le linceul mais roulé à sa place. Ça n'a pas de sens, mais c'est là. Pour Jean, enfin, c'est encore plus fou. Il aimait Jésus et avait compris qu'avec lui rien ne se passait de façon normale : quelle que soit la situation, dans un mariage, avec les malades, dans sa façon de parler en paraboles, dans les débats avec ses adversaires, les choses prenaient tout de suite une autre tournure, et les aveugles voyaient, et les sourds entendaient et les révoltés s'apaisaient. Il ne savait pas comment ni pourquoi ; c'était son style. Pour lui devant le tombeau vide, pas de tentative de trouver une cause, pas de réflexe de constater les faits, froidement, silencieusement, il croit. Il ne sait pas qu'est-ce qui se passe, il attend la suite, il fait confiance.
 
C'est alors que le récit ouvre la porte de l'événement : ils n'avaient pas encore compris que selon les Ecritures Jésus devait se relever d'entre les morts. Il fallait... c'était écrit... Qu'est-ce qui commande ? C'est la volonté de Dieu, son désir sur les hommes : « faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance ». Dieu veut des fils qui lui ressemblent.
 
Et Dieu nous donne tout ce qu'il faut pour que nous portions son image, sa puissance d'amour. Mais dès que l'homme et la femme se rendent compte de l'équipement qu'ils ont reçu, ils adorent se sentir forts, libres et leur lien avec leur Père du ciel s'endort. Ils parlent ; ils imaginent ; ils construisent des systèmes des théories, des villes, des empires, et, au jour le jour, ils jouent avec la convoitise, ils rêvent de jouissance, ils grossissent démesurément comme la grenouille de la fable, et ils poussent les autres vers l'extérieur, se battent contre eux, si ça gène et ils marchent dessus comme s'ils finissaient par oublier qu'eux aussi avaient le droit de vivre, d'aimer. Dieu veut des fils et l'homme veut de l'homme, c'est tout.
Mais Dieu ne cède pas sur son désir. Il est patient, mais tenace aussi. Alors il faut qu'il nous réveille. Qu'il fasse se relever en nous son amour, parce que son amour est notre vie. C'est par lui que nous existons.
Quand le temps est venu, Dieu envoie son Fils bien aimé. Le premier-né des fils d'homme selon le désir du Père. Et les hommes ne le reçoivent pas ; ils voudraient bien sa force, son intelligence des choses et des gens, mais ils ne veulent pas de son lien d'amour avec son Père, de sa soumission heureuse au quotidien.
 
Et Jésus prend tout ça sur Lui. Dans sa chair, il s'offre à ce combat. Et il enlève notre péché. Ce qui pèse lourd, ce qu'il y a en trop chez nous, la tumeur de notre suffisance, de notre autonomie sans Père. Il fallait que notre condition de Fils ressurgisse au milieu de nous, en chair et en os. Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, aie pitié de nous.
 
Ainsi commence pour nous la levée des morts. Là où il y avait le trop, le poids de notre idolâtrie de l'homme, il inscrit pas à pas la vie du Fils, de l'obéissance du Fils, de la tendresse de Dieu.
Et vous savez comment cela se passe. Il nous donne d'abord la fraction du pain. Et les mots de notre langage se mettent à trembler. D'habitude le pain et le vin désignent un aliment et une boisson bien connus, et voici qu'ils deviennent la présence de son corps livré et de son sang versé. Cela reste du pain et du vin, mais cela nous montre, nous donne son corps et son sang. C'était une nourriture d'homme, cela devient la nourriture des fils de Dieu. Et il arrive que notre coeur devienne brûlant comme pour les disciples d'Emmaüs, que notre chair soit touchée, que sa présence nous devienne sensible.
 
Puis il nous donne des frères. D'habitude, la vie fraternelle et la vie sociale sont une sorte de solidarité avec ceux qui pensent et vivent comme nous ; ça marche plus ou moins. Même dans un couple qui s'aime, il surgit souvent des tensions, des colères, des oublis dévastateurs. Cela arrive pour trois fois rien et ça prend soudain des proportions incroyables, c'est hop, et ça détruit sans qu'on comprenne pourquoi. Et voici que la voix du Christ pénètre la, sans raison, par grâce. Et nous entendons que notre Père d'en haut aime la personne que nous sommes en train de rejeter, de juger, d'haïr déjà peut-être. Et voici que la soumission heureuse du Fils s'inscrit dans notre coeur, dans notre comportement, dans nos paroles. Si vous cherchez comment le Christ ressuscité se manifeste à vous, c'est là que ça se passe, quand cette inconnue se mêle à vos affaires de familles, à vos relations de travail, à vos angoisses personnelles, et vous apaise et commence à changer votre regard. Là où il y avait mon mari, ma femme, ma compagnon de travail que je ne peux plus supporter à cause de mes oeillères, de ma volonté propre, de mon droit à avoir raison et à aimer comme je veux, vient la révélation que Dieu les aime et a bien l'intention d'en faire des fils qui portent sa ressemblance. A nos yeux, à notre tête, à notre coeur, ils restent les mêmes, mais vous ne pouvez plus faire comme si ils n'étaient que ce que vous voyez ou entendez d'eux. Comme le pain et le vin de la messe, Dieu vous offre d'y découvrir des vivants en train de devenir des fils. Et les jugements, les injures parfois, la revendication de vos droits mêmes sont stoppés dans votre bouche, dans votre regard, dans votre coeur. Le Christ est à l'oeuvre chez vous et vous changez, et ça se voit. Et vous devenez pour vos proches des témoins en chair et en os de la présence du Christ ressuscité.
 
Depuis longtemps Dieu nous a donné aussi les Ecritures saintes, la Bible. Cela ressemble des histoires du passé, avec quand même des situations qui ressemblent beaucoup aux nôtres. Mais la force de ces récits c'est de nous mettre sous les yeux l'autre versant de l'aventure humaine, celui où Dieu intervient, secoue, apaise, soigne, transforme et révèle sa présence active. L’exercice de leur lecture, ensemble, est indispensable pour apprendre, voir ce que nous n'avons pas encore vu et entendre ce que nous n'avons pas encore entendu. Voila les façons dont le Christ crucifié pour nous est vivant chez nous aujourd'hui : il parle, il agit dans notre chair. Notre foi en Lui n'est pas seulement notre cri vers Lui : Seigneur ! Seigneur ! Ça ne suffit pas. Notre foi c'est de reconnaître ce qui vient de Lui vers nous. Chacun de nous connaît ces choses. Nous avons tous dans un coin secret de notre vie de ces visites qui nous ont bouleversés. C'est souvent enfoui, refoulé. Mais c'est là. Pour nous le baptême en est la première marque. Pour tous les autres l'acte créateur de Dieu en est l'invitation incessante. Rien ni personne n'est à l'abri du désir de Dieu de faire de nous des fils à l'image du Christ.
 
Notre joie ce matin, quel que soit l'état de notre chemin, est de reconnaître et de célébrer ensemble que Jésus-Christ s'est levé d'entre les morts et nous avec lui, et que sa puissance de transformation est active réellement maintenant chez nous.
Jean-Pierre DUPLANTIER

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire