Es-tu celui qui doit venir ? / Matthieu 11 2-11 / une homélie

Es-tu celui qui doit venir ? Comment Jean le Baptiste peut-il poser cette question ? Nous le suivions dimanche dernier. Jean affirmait avec force : "Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales." Comment donc peut-il poser cette question ?
Jean est en prison. Jean est au plus bas dans un cachot. Jean serait-il pris par le doute ? Lui qui tressaillit dans le ventre de sa mère à la présence de Jésus lui-même dans le ventre de Marie. Serait-il pris par le doute ? Lui qui préparait la venue du Seigneur ? Lui, la voie qui criait dans le désert de Judée ?
Comment ne pas douter seul dans son cachot ? Comment ne pas douter alors que Jean sent la fin approcher ? Il a besoin d'être rassuré. Il a besoin de savoir si sa vie a servi à quelque chose. L'Évangile nous livre aujourd'hui un passage plein d'humanité. Jean, ce roc, cet homme qui parle avec assurance et force semble être pris par une sorte d'angoisse. La prison a-t-elle eu raison de cet homme ? L'Évangile casse le mythe du héros dont on pourrait vêtir Jean. Jean héros, s'éloignerait de nous. Son engagement serait pour nous au-dessus de nos forces. Son questionnement le rapproche et fait de lui un frère. Il nous signifie que nous aussi nous sommes appelés à l'annonce de la bonne nouvelle. Le baptême qui fait de chacun de nous un prophète. Il nous invite a annoncé comme Jean la venue du Seigneur.
Mais peut-être n'est-ce pas un doute que jean exprime depuis le soupirail de sa prison ? Ce qui étonne dans ce passage, c'est que Jean n'est pas coupé du monde. Il continue de recevoir la visite de ceux qui le suivaient. On peut imaginer sans trop s'éloigner du texte que Jean est au courant de ce qui se passe dehors. Peut-être a-t-il pris connaissance des foules que Jésus rassemble notamment sur la montagne. Peut-être un de ses disciples lui a rapporté ce que Jésus dit sur la montagne dans les béatitudes : " Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés." Comme ces mots ont dû le réconforter s'il les a entendus. Il doit savoir les miracles que Jésus fait comme autant de signes de la venue du Royaume. Il sait que Jésus guérit les paralytiques, les sourds, les aveugles.

Jean ne peut pas douter que Jésus est le Christ. Jean garde son attachement à celui dont la mission a été confirmée lors de son baptême au Jourdain Mais Jean a besoin que cela lui soit dit. Jean a faim d'entendre la bonne nouvelle.

Jean ne demande pas à ses disciples que Jésus en personne se déplace pour confirmer qu'il est le messie. Il ne ressent pas le besoin d'un contact. Il n'a pas besoin d'entendre de la bouche même de Jésus qu'il est bien celui qui doit venir. Il ne cherche pas à voir Jésus pour savoir qu'il n'y en a pas un autre à attendre. Jean a besoin d'entendre de la bouche de ses frères que le Christ parcourt la Galilée et la Judée pour annoncer le salut. Le simple témoignage de ses amis suffit.



Là encore comment ne pas être touché par ce passage qui rend Jean si proche de nous ? Car nous aussi nous avons besoin de la parole d'une sœur ou d'un frère dans la foi pour que nous entendions les paroles qui sauvent. C'est pour nous une nécessité que résonne dans nos oreilles par une voie humaine des mots tels que :
"Heureux ceux qui ont une âme de pauvre,
car le Royaume des Cieux est à eux.
Heureux les doux, car ils posséderont la terre.
Heureux les affligés, car ils seront consolés."

Pas des mots lus seul dans la Bible mais des mots prononcés par une personne qui témoigne du Christ.

Et de la même manière que Jean révèle en nous notre faim de paroles vraies, de la Bonne Nouvelle, de la même manière, nous sommes appelés à tenir la place des disciples de Jean qui n'hésitent pas à visiter un homme au plus bas pour témoigner de Celui qui vient.

Le monde espère une Bonne Nouvelle. N'ayons pas peur de dire que ce qui interroge les femmes et les hommes que nous rencontrons est en eux. Ne craignons pas de dire que Dieu est un Père qui les cherche. N'ayons pas peur de nous risquer au large, le Christ y est déjà, il nous précède en Galilée et il nous demande d'être les témoins de sa présence dans toutes nos rencontres. Dans nos rencontres les plus inattendues, dans nos rencontres les plus éloignées du centre.
Pas besoin d'avoir étudié longuement la théologie. Pas besoin d'être un exégète expert. Nous avons ce qu'il faut, le Christ nous invite tous les dimanches à venir puiser des forces à la source.
Réunis autour de cet autel, le Christ nous fait la grâce de sa présence pour qu'une fois fortifiés nous puissions partir au large témoigner de sa présence.
Témoigner de sa présence en nous et témoigner de sa vie dans celui que nous rencontrons.
Prophète du Très-Haut, Jean est venu préparer la route devant le Seigneur
et rendre témoignage à la Lumière.
Amen !
Dominique Bourgoin, Diacre
Isaïe35, 1-6a.10 ; Ps 145 ; Jc 5, 7-10 ; Mt 11, 2-11


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