@J Kirk Richards |
J’ai
une amie qui est adjointe au maire d’une ville moyenne de la
région. Le
plus clair de sa mission, consiste à trouver comment faire de la
place dans le cimetière municipal. Le
cimetière est plein, surpeuplé, il n’y a plus moyen d’accueillir
de nouveaux entrants. On
serre les rangs, on réduit, on empile, mais rien n’y fait. Et l’on
sait déjà que très vite la situation se répètera, le peu de
place libérée se remplira aussitôt.
Nous
avons parfois l’impression que nos vies ressemblent à cette ville.
Le
cimetière grandi, se remplit chaque jour un peu plus.
Sans
compter les morts que le monde s’applique à multiplier sur la
planète, à coup de guerres absurdes, de stupidité et d’argent,
il y a nos morts Les
amis, la famille, les connaissances…. jusqu’à nous donner
l’impression, l’âge venant, d’être le dernier debout au
milieu de tombeaux débordants.
Parfois,
il en suffit d’un seul, le très aimé, l’unique… qui s’élève
alors comme une muraille… l’incontournable qui bouche tout
horizon. Ce n’est ni bien ni mal, c’est comme ça… on ne peut
pas faire autrement.
Et
puis enfin, il y a notre propre tombeau. Celui
auquel il nous arrive de penser qu’on le veuille ou non. Là
aussi c’est peut-être une question d’âge… mais l’idée de
sa propre mort vient parfois très tôt.
Ce
tombeau-là, lui aussi, peut remplir toute la place. Il peut
s’imposer dans nos vies comme un monument très encombrant.
On
raconte que l’actrice Sarah Bernhardt dormait dans son cercueil
pour s’habituer… ce n’était qu’une coquetterie pour donner
l’illusion de ne pas avoir peur… mais
on connaît tous des gens tellement pris dans les filets de
l’angoisse, qu’ils semblent vivre dans leur tombeau.
Et
ce matin, nous voilà au bord d’un tombeau vide.
Avec
Pierre et le disciple que Jésus aimait, nous nous tenons sur le
seuil, et nous scrutons l’intérieur, et il n’y a rien. Personne
n’a pris le corps comme le suppose Marie-Madeleine, ce tombeau est
vide parce que celui qui était dedans en est sorti. La pierre est
roulée de l’intérieur.
Alors
nous nous réjouissons et nous chantons des Alléluia, Le Christ est
ressuscité, il est vraiment ressuscité !!
Mais
au fond, qu’est-ce que ça change pour nous que Jésus ait déserté
son tombeau ? qu’est-ce
que ça peut nous faire que le fils de Dieu ait poussé son couvercle
quand les nôtres restent définitivement fermés sur ceux qu’on
aime ?
On
est content pour lui, parce qu’on l’aime bien Jésus, on a appris
à l’aimer, alors c’est la victoire du héros, ça prouve bien
qu’il était exceptionnel, puisqu’il est fils de Dieu, forcément,
il lui fallait un truc en plus, du jamais vu, une fin d’histoire
spectaculaire…
Tant
mieux pour lui… Alleluia
Et
l’on retourne à nos tombeaux bien pleins.
Mais
ce sont nos oreilles qui sont pleines
Ce
sont elles qui n’ont rien entendu
Elles
n’ont toujours pas entendu qu’il n’est pas Fils de Dieu, mais
Fils et Dieu
Elles
n’ont pas entendu qu’il est Fils de l’Homme
Elles
n’ont pas entendu que le Verbe s’est fait chair
Elles
n’ont pas entendu la bonne nouvelle, l’heureuse annonce,
qui ne cesse de nous dire que nous nous trompons quand nous parlons
de vie et de mort
Elles
n’ont pas entendu « Lazare dehors ! »
Et
Paul, qui s’épuise à dire et à répéter sur tous les tons :
« par
le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau
avec lui »
« nous
sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous
vivrons aussi avec lui »
« vous
êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ
en Dieu. »
« vous
êtes ressuscités avec le Christ »
Le
tombeau vide de ce matin, n’est pas le tombeau du héros, c’est
le notre !
Ce
que nous fêtons ce matin, ce n’est pas la résurrection d’un
Dieu qui ne pouvait rien craindre de la mort, c’est notre
résurrection à nous ! La résurrection de chacun de nous !
La résurrection de toute chair puisque Dieu s’est fait chair !
Ce
tombeau vide, c’est le notre, c’est aussi celui de tous ceux que
nous avons portés en terre !
Bien
sûr il y a la mort et la grande angoisse, et la tristesse infinie et
les larmes et la peur, bien sûr il y a les quatre planches et
l’enfouissement et la perte.
Mais
ce matin, nous sommes mis sur le seuil, Nous
sommes convoqués sur le seuil,
Derrière
nous, des tombeaux pleins, débordants, saturés
Devant
nous, un tombeau non pas vide mais vidé
Derrière
nous, ce que nous connaissons, ce que nous savons
Devant
nous, ce que nous ne savons pas et ce que nous ne voulons pas
entendre
Sur
ce seuil, il se peut que nous soyons pris de vertige. En
nous penchant, nous n’aurons aucune aide car il n’y a rien…
rien à voir
Le
tombeau est vide et le tombeau lui-même a disparu
En
nous penchant, il va falloir simplement y croire
« il
vit et il crut »
Croire
enfin à notre résurrection
A
notre victoire sur la mort
Une
victoire acquise, définitive, sans conditions
A
notre vie éternelle
Celle
dont nous vivons déjà, dès aujourd’hui
Pas
une vie éternelle pour plus tard, pas une vie éternelle à monter
soi-même, une
vie éternelle reçue par grâce !
On
nous demande de nous saluer en disant « le Christ est
ressuscité » et de répondre « il est vraiment
ressuscité »
Mais
que disons-nous en disant cela ?
Que
disons-nous d’autre que « Nous sommes ressuscités » !
Le
Christ nous a entraînés dans sa résurrection, la
mort, c’est une affaire réglée dans les eaux du baptême !
Maintenant,
il va falloir consentir à notre résurrection !
Maintenant
pour nous, c’est Pâque ! Aujourd’hui ! Et demain et
tous les jours de notre vie éternelle ! Et le jour des quatre
planches et de l’enfouissement !
Et
si nous répondons « il est vraiment ressuscité », c’est
que nous résistons à y croire… il faut nous l’entendre dire
« oui, tu as raison l’ami, il est vraiment ressuscité… et
moi avec, et nous avec »
Que
nos alleluia n’acclament pas le souvenir de la victoire du héros
Qu’ils
acclament sans cesse notre
résurrection
Le
premier né d’entre les morts a fait de nous des fils de la
résurrection
Nos
tombeaux pleins sont des tombeaux vides
╬ Amen !
Alleluia !!
Sylvain,
diacre
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