Surface du monde, face de Jésus-Christ / Jn 3 14-21 / Une homélie

@J Kirk Richards

Qu’est-ce qui peut sauver le monde ?

C’est une question terrible et qui semble bien légitime aujourd’hui. Une question que nous sommes nombreux à nous poser… En regardant le spectacle du monde, il peut nous arriver de céder à la tentation du désespoir car l’image du monde qui se lève devant nos yeux est profondément désespérante. L’Evangile semble vouloir nous attirer vers une autre manière de voir, une autre logique.

Car Dieu, lui, a aimé le monde,
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » il a « envoyé son fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé »
Ce monde que je n’aime pas, Dieu l’a tant aimé qu’il a donné son fils. Ce monde que je juge, le Fils ne le juge pas. Ce monde qui me désespère et que je condamne, il est déjà sauvé par le Fils

Pourtant il y a bien un jugement. Un jugement qui semble fondé sur la question de la foi « celui qui croit » « celui qui ne croit pas », et sur une histoire de lumière et de ténèbres. Alors en lisant un peu vite, nous sommes rassurés, car il nous semble reconnaître des mécanismes que nous connaissons bien et que nous aimons bien : il y aurait deux camps : - Ceux qui croient et qui seraient sauvés, et ceux qui ne croient pas et qui passeraient au tribunal - Ceux qui font des bonnes choses et qui vivraient dans la lumière, et ceux qui feraient de mauvaises choses et qui vivraient donc dans les ténèbres, bref, des gentils et des méchants… et évidemment, nous serions plutôt dans le camp des gentils !

Mais ce n’est pas du tout ce que dit le texte !
« la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises »
Tous les hommes ont préféré les ténèbres ! Nous avons tous préféré les ténèbres ! Voilà qui simplifie les affaires. Et face aux œuvres mauvaises, le texte ne pose pas les œuvres bonnes, mais « celui qui fait la Vérité », il n’y a pas de lutte entre le bien et le mal, il y a confrontation entre tous qui-font-du-mauvais, et un qui-fait-la-vérité !
Si nous voulions faire de ce texte de la morale, si nous voulions dresser deux camps, c’est impossible.

Qu’est-ce qui peut sauver le monde ?
    Le Fils unique de Dieu
Comment peut-il sauver le monde ?
    En étant Fils et en étant unique.
C’est à dire en devenant, dans le monde, ce qui nous sortira de notre préférence collective pour les ténèbres. Parce qu’il est Fils et parce qu’il est Unique, et si nous croyons qu’il est Fils et qu’il est Unique, il vient détruire notre fantasme d’une humanité comme une masse indistincte où nous serions tous pareils, les humains en paquet, les hommes comme un bloc homogène. La différence ne se joue plus sur la question du bien et du mal, mais sur la confiance que nous mettons ou pas dans cet unique qui fait la Vérité.

J’ai trouvé cette phrase dans un livre :
« Toute la surface du monde n’est que sang, larme et crachat.
Mais sous cette surface, et sans qu’aucune région ne puisse être exceptée ni soustraite de son étendue, il y a la face de Jésus-Christ.
Le monde est la sur-face de Jésus-Christ et cela suffit pour qu’il s’attire notre considération, notre contemplation et notre amour »*

Comment peut-on aimer le monde ?
        En y reconnaissant la face du Christ

Dans deux semaines, nous entrerons dans la semaine sainte, nous traverserons à nouveau la Passion. Ce n’est pas le serpent de bronze de Moïse qui sera dressé devant nous, ce sera la face de Jésus. En levant nos yeux vers cette face de sang, de larme et de crachat, c’est la face du monde que nous contemplerons. Et si nous aimons celui qui donne sa vie pour sauver le monde, et si nous y croyons, nous pourrons peut-être aimer le monde… et en l’aimant, nous libérer du désespoir.
Que le matin de Pâques nous trouve éblouis devant la face du ressuscité.
    Eblouis de la grâce d’être sauvés.
╬ Amen
Sylvain diacre
* François Cassignena-Treverdy Etincelles IV p 170

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