Il
ne s’agit pas seulement d’un jeu de contraste entre du petit,
la paille, et du gros, la poutre.
Une
poutre, ce n’est pas un morceau de bois comme un autre.
Une
poutre, c’est un élément d’architecture, un morceau de bois
certes, mais un bois façonné, taillé, calibré, rendu droit et
lisse, un bois mis en forme.
Jésus
nous révèle que nous avons, dans notre œil, une poutre.
Si
cet œil est au singulier, ce n’est pas qu’un de nos deux yeux
soit exempté du problème, c’est qu’il s’agit de notre vision,
de notre regard, de comment nous regardons l’œil du frère, de
comment nous regardons le regard de notre frère.
Notre
œil est plein de poutre, notre regard est plein de poutre.
C’est
à dire que nous portons dans notre regard un élément structuré.
Nous
regardons à travers le filtre d’une poutre, nous regardons à
travers une construction, notre regard est mis en forme.
Nous
avons, tout prêt, déjà là, dans notre œil, toute une vision du
monde, toute une construction, toute une architecture qui déforme
notre regard.
Et
quand nous regardons l’œil de notre frère, c’est à dire quand
nous cherchons à comprendre son regard à lui, ce n’est pas sa
manière de voir que nous voyons.
Ce
que nous voyons, c’est qu’il ne voit pas comme nous, c’est que
son regard ne rentre pas dans notre construction… et c’est un
problème pour nous.
(...)
Nous
voudrions tant que notre frère porte le même regard que nous sur le
monde, qu’il voit les choses comme nous… nous aimerions tant
qu’il ait la même vision de l’Église, qu’il aspire au même
modèle.
Nous
aurions la même spiritualité, la même liturgie, la même morale,
les mêmes goûts…
Notre
poutre deviendrait enfin aussi la sienne !
Aveugles !
Hypocrites !
Si
chacun promène sur son frère un œil plein de poutre, qui pourrait
y voir clair ?
Nous
sommes des aveugles qui veulent guider d’autres aveugles… il se
peut que nous tombions dans un trou.
Mais
comment nous débarrasser de cette poutre ?
Comment
s’empêcher de se construire une belle vision du monde ?
Comment
libérer son regard ?
Mon
œil sera libre de voir quand il cessera de se poser sur ce qui ne le
regarde pas.
Quand
il cessera de se mentir, quand il cessera de vouloir entrer dans
l’œil de mon frère.
Chacun
sera comme son maître.
Mon
œil ne sera plus hypocrite, mon œil sera dans la vérité, quand il
entrera dans le regard du maître.
Nous
serons disciples, missionnaires ou pas, quand nous chercherons à
voir à la manière du maître.
Nous
serons disciples quand nous consentirons à ne pas prendre notre
vision pour la sienne.
Quand
nous consentirons à ôter la poutre qui nous empêche de voir avec
son œil à Lui.
« Je
suis le chemin, la Vérité et la Vie ».
La
Vérité, c’est Lui !
Le
regard de vérité, le regard sans poutre, le regard sans masque,
c’est le sien.
Demandons
au Seigneur qu’il libère notre regard, qu’il fasse tomber nos
belles constructions qui nous cachent la Vérité, qui nous empêchent
de porter notre fruit.
Nos
poutres, nous en faisons des croix sur lesquelles il donne sa vie.
Nos
poutres mettent à mort la Vérité elle-même.
Le
disciple n’est pas au-dessus du maître.
Laissons
le maître être le maître, et mettons-nous à son école,
ouvrons-nous à son regard, soyons disciples,
soyons-le
en Vérité.
╬ Amen
Sylvain
diacre
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