"Avance en eaux profondes" / Luc 5 1-11 / Une homélie

« Avance en eaux profondes »
Avance au large dit la traduction liturgique, avance en eaux profondes dit le texte.
Ce n’est pas une distance horizontale en rapport avec le rivage, c’est une distance verticale en rapport avec le fond.

Qu’y a-t-il dans nos eaux profondes ? Par quoi sont habitées nos profondeurs ?
Quels sont nos désirs cachés, nos rêves profonds ?

On pourrait se dire que le rêve profond de Simon le pêcheur, c’est de pêcher le plus grand nombre de poissons, de faire la pêche du siècle, de remplir ses bateaux de poissons.
C’est justement ce que Jésus accomplit pour lui.
Le problème, c’est que ce désir comblé, les filets craquent, les barques s’enfoncent, et que l’on frôle la mort.
Aucune joie pour Simon devant l’accomplissement de cette pêche toujours rêvée.
Au contraire, de la peur, de l’effroi, et ce cri « éloigne-toi de moi, je suis un homme coupable ! »

Quand Jésus s’approche, quand il vient sonder nos eaux profondes, nous réagissons comme Simon-Pierre, ce que le Christ accomplit pour nous nous terrifie. Alors nous faisons tout pour mettre de la distance entre lui et nous.
Devant l’immensité de son amour pour nous, devant cet amour insaisissable pour nos intelligences, devant cet amour incomparable à nos amours bornés, devant ce don aveugle qui n’a que faire de notre indignité, nous dressons des remparts !
Et ces remparts, nous les recouvrons du joli papier peint d’une piété tordue.
Il faudrait communier comme ça plutôt que comme ça, se mettre dans cette position plutôt que dans celle-là, la recevoir de celui-là plutôt que de cet autre, ne pas toucher, ne pas boire… que sais-je encore, notre inventivité est sans limite quand il s’agit de mettre de la distance entre lui et nous.

Le problème, c’est que ce n’est pas nous qui allons vers lui pour le recevoir, c’est lui qui s’approche pour se donner.
Ce n’est pas moi qui vient, c’est lui qui m’attire.
Ce n’est pas pour moi que je communie, c’est pour Lui
Ce n’est pas pour mon salut, mais « pour la gloire de Dieu et le salut du monde » !

Que fait Jésus face à la déclaration de Simon ?
Rien. Il n’en a que faire !
Il lui donne une nouvelle perspective, un nouveau métier. Sa supposée culpabilité ne l’intéresse pas.

Recevoir un sacrement, c’est se laisser faire.
Se laisser faire par un amour qui nous dépasse.
Se laisser faire par une tendresse qui ne demande rien en retour
Se laisser faire par une miséricorde qui n’a pas de limites
Vous qui allez recevoir le sacrement des malades, laissez-vous faire.
Nous qui allons recevoir le pain vivant donné pour nous, laissons-nous faire.

Nous sommes indignes quoi qu’il arrive !
Nous sommes indignes du malade que nous soignons puisqu’il est le Christ
Nous sommes indignes du malade que nous visitons, puisqu’il est le Christ
Nous sommes indignes du pauvre et du prisonnier, puisqu’il est le Christ
Mais le Christ n’a que faire de notre indignité !
Il n’ignore rien de nos eaux profondes !
C’est là qu’il a choisi de jeter ses filets, c’est là qu’il a choisi de descendre.
Parce que son amour pour nous est une pure folie.

Ne soyons pas prisonniers de nos scénarios étroits mais soyons témoins enflammés de cet amour.
Soyons comme Paul, soyons comme Marie, esclaves du Seigneur,
esclaves, c’est à dire, toute obéissance.

Amen
Sylvain, diacre

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