Nous sommes en plein dans la
période de préparation aux mariages.
Lors de la dernière rencontre
avec un couple, au moment de se quitter, la fiancée, d’une
quarantaine d’années, me demande un peu gênée si elle peut me
poser une dernière question : comment fait-on le signe de
croix ?
Cette question m’a beaucoup
impressionnée. D’abord parce qu’après
tout ce temps de travail commun, il fallait une grande humilité pour
oser soulever ce problème que je n’avais même pas imaginé. Et puis je me suis demandé
si, au fond, ce n’était pas la meilleure question qu’elle
pouvait me poser, la meilleure préparation au sacrement :
Au nom du père, et du fils,
et du saint-esprit.
Tout est là.
Tout est inscrit, là.
Notre foi toute entière,
notre espérance, notre vie.
Nous nous tenons là, entre
ces quelques mots incompréhensibles : Au nom du père, et du fils,
et du saint esprit.
Quel est le sens de cette
phrase ? Il lui manque un début. On ne
peut pas commencer une phrase comme ça…. Quoi au nom du père,
et du fils, et du saint esprit ? Ou alors il y aurait quelque
chose après ? Au nom du père, et du fils,
et du saint esprit… quoi ? Rien.
Au nom du père, et du fils,
et du saint esprit. Et c’est tout.
Comme si ça suffisait, comme
si tout était dit.
Et oui, ça suffit… et tout
est dit.
La preuve c’est que nous
répondons « Amen ». Vous vous souvenez ce que veut
dire « Amen » ? Amen, c’est oui, mais c’est
un oui qui a du poids, c’est « oui c’est vrai, c’est
solide, oui je confirme »
Le père, le fils, et le saint
esprit.
Le mystère de la Trinité. Cette histoire de Trinité à
laquelle personne ne comprend rien, sur laquelle tout le monde se
casse les dents : trois en un, distincts mais unis, unis mais
pas confondus… sans écarts mais à distance, identiques mais
différents, contemporains mais procédant les uns des autres…
Un Père qui crée sans
engendrer, un fils engendré non pas créé, un Fils contemporain du
Père, un esprit ― un
souffle ― qui passe de
l’un à l’autre tout en étant de l’un et de l’autre, un père
qui est « paternité » avant d’être père, un fils qui
est « filiation » avant d’être fils…
Pour parler d’eux, de lui,
aucun verbe n’est approprié, aucune conjugaison n’est juste,
puisqu’il échappe au temps et à l’espace…
Alors oui : Au nom du père, et du fils,
et du saint esprit. Amen
Et en disant ça, on a tout
dit. Plus besoin de verbe, plus
besoin de conjugaison, il suffit de le nommer, de dire qu’ils ont
un nom, un unique nom… un nom que nul ne peut nommer, car ce nom
est un lieu. Au nom de… Dans
le nom du père, et du fils, et du saint esprit.
A chaque fois que nous disons
cette phrase qui est à peine une phrase, à chaque fois que nous
l’entendons dire, nous posons nos deux pieds dans le vertige de la
Trinité. Nous prenons place dans l’essence même de notre Dieu.
Plus besoin de chercher
ailleurs. Plus besoin de grands discours. Lisez 2000 ans de théologie,
étudiez tous les catéchismes, scrutez toutes les traditions, vous
finirez là… au plus sec, au plus nu : Dans le nom du père, et du
fils, et du saint esprit.
Vous vous préparez au
baptême ?
Entrez là et vous êtes
arrivés.
Vous vous préparez à
recevoir l’eucharistie ?
Discernez ça et vous serez
nourris.
Vous vous préparez à la
confirmation ?
Laissez-vous saisir par ça
et vous serez témoins.
Vous vous préparez au
mariage ?
Entendez ça et vous
deviendrez une seule chair.
Vous êtes pécheurs ?
Accueillez ça et vous serez
capables d’accueillir le pardon.
Vous êtes malades ?
Soyez baignés de ça et
vous serez soulagés.
Vous vous préparez à
mourir ?
Accrochez-vous à ça et
vous passerez.
Et si l’on vous ordonne
évêque, prêtre ou diacre, c’est là et seulement là que vous
êtes ordonnés.
Inscrivons à nouveaux nos
corps dans ce nom, il est inscrit partout, sur
toute chose, sur tout ce qui vit, il nous rassemble et nous déborde. Par lui, nous entrons dans la
sainte Trinité.
Au nom du
père, et du fils, et du saint esprit,
╬ Amen
Sylvain diacre