Prends ce qui te revient, et va-t'en / Matthieu 20 / Une homélie

En préparant cette homélie, en lisant et relisant ce texte, en le tournant dans tous les sens, en m'appuyant sur le psaume, la première et la deuxième lecture, je n'ai pas pu me résoudre à regarder les hommes qui ont été embauchés les premiers autrement qu'avec compassion.
Ici, on sait combien le travail de la vigne est dur. On sait ce que c'est que travailler une journée entière aux intempéries, courbé devant la vigne pour en prendre soin.
La situation décrite dans l'Evangile de ce dimanche est toujours d'actualité. Chaque jour, des femmes et des hommes sont embauchés pour la journée. Parfois, ils travaillent au noir pour un petit salaire. Alors, il n'est pas question dans le contrat de travail de cotisation pour la protection sociale ou la retraite et encore moins de taxe sur le travail.
Et, comme à toutes les époques, le journalier loue ses bras pour nourrir sa famille. Plus même, il propose sa force de travail pour ne pas se sentir retrancher de la société des humains.
Cet homme-là connaît la valeur du smic horaire, 9,53€. Alors quand après avoir travaillé 8 heures de rang, il touche autant que celui qui n'a travaillé qu'une heure, il a de quoi récriminer. Le dernier embauché reçoit une pièce d'argent, le premier se voit bien en recevoir au moins 8 ou 9.
Logique, Le travail est une valeur comme, au même titre que le m2 de terrain, que le litre de gasoil, que la prestation intellectuelle ou le lingot d'or. Et une valeur cela se multiplie ou se divise. On peut lui appliquer des opérations arithmétiques.
Ma perplexité a grandi lorsque j'ai lu cette phrase " Prends ce qui te revient, et va-t'en". Comment le Christ peut-il nous enseigner que le royaume des cieux est comparable à un maître qui dit à un de ses employés " Prends ce qui te revient, et va-t'en" ? Quand bien même, cet employé proteste. Car il proteste avec son intelligence, il raisonne avec ce que le Seigneur lui a donné, sa capacité à calculer. Bon sang, mais c'est juste de recevoir neuf fois plus quand on a travaillé neuf fois plus !
Curieusement, ce qui a dénoué mon incompréhension, ce sont les mathématiques elles-mêmes. Une pièce d'argent n'était-ce pas beaucoup pour une journée de travail ? Une pièce d'argent cela ne suffit-il pas à prendre soin d'une famille pour longtemps ?
Il y a comme une promesse d'abondance à travailler pour le Royaume des Cieux. Tout devient plus clair à la lumière du don de Dieu. Que peut-on recevoir de plus que l'abondance de l'amour de Dieu ? Cela a-t-il un sens de recevoir neuf fois plus de l'amour de Dieu ? L'infini multiplié par neuf c'est toujours l'infini ?
Cela rappelle, le texte de l'exode dans l'épisode de la manne : "Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop ; celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien. Ainsi, chacun en avait recueilli autant qu’il pouvait en manger" (Ex 16, 18)
On peut facilement imaginer qu'après des jours de privation dans le désert, les hébreux se sont précipités sur ce pain venu du ciel pour se gaver jusqu'à satiété. Là encore le don de Dieu était ni trop ni trop peu, juste ce qu'il faut pour vivre en homme digne.
La pièce d'argent c'est le salaire que chacun d'entre nous reçoit quand il travaille à la vigne du Seigneur. Car il n'y a pas de plus grande récompense que la joie de servir le Seigneur, que la joie de laisser venir l'Evangile se répandre dans le monde.
Annoncer l'Evangile, c'est le rôle qui est assigné à chaque baptisé qui reçoit le don de prophète.
Lors de notre baptême, le Seigneur est sorti au petit jour pour nous embaucher à sa vigne. Nous avons accepté le contrat qu'il nous proposait, à savoir le don de la vie qu'il nous a fait ce jour. Ce jour où nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ, nous sommes déjà ressuscités pour la vie éternelle. A quoi bon recevoir neuf fois la vie éternelle quand une fois la vie éternelle suffit ?
Il y en a qui sont baptisé bébé, d'autre au soir de leur vie et tous reçoivent l'abondance de la vie du Seigneur, tous nous sommes sauvés du péché qui nous pousse au calcul, à l'envie et à la comparaison.
Je voudrais maintenant m'adresser aux non baptisés. Il y en a peut-être dans l'assemblée. Ne tardez pas à venir à la rencontre du maître de la vigne ! La joie que procure le soin de la vigne du Seigneur est immense car c'est à ce jour que vous recevrez le salaire du Royaume des cieux. Lors de la rencontre du Seigneur au moment du baptême, vous entendrez "Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemin." Et cette parole vous délivrera de tout ce qui vous englue dans les logiques arithmétiques du monde.
Seigneur Jésus, toi qui as répandu ton sang pour la multitude, montre-nous le chemin de ta vigne où les pauvres attendent avec espérance l'annonce de ton Evangile.
Père, toi qui fais tout homme à ton image, donne-nous la force de sortir au petit jour pour travailler à ta vigne.
Esprit-Saint, toi qui visites les baptisés, ravive en nous la joie de notre baptême.
Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.

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