Un
jour, alors qu’il marchait avec ses disciples, dans la région de
Césarée, il leur
demanda qu’est-ce qu’on pensait de lui. Ils répondirent :
Jean-Baptiste, celui qu’Hérode avait fait exécuter, ou Elie, ou un autre
prophète. Mais Jésus précise : je ne vous demande pas
de me comparer à des personnages, envoyés par Dieu, et dont vous
avez déjà une idée plus ou moins juste. Dites ce que je suis pour vous.
Dans
la bouche de Pierre vient le mot Christ. Dans notre traduction, on
écrit Messie.
Mais nous savons bien qu’il y a un écart entre Jésus-Christ et le
messie que les juifs attendent. Alors Jésus précise les choses. Il est
celui qui vient après l’homme. Il est le Fils de
l’homme.
Et
voici le parcours, la dynamique de ce Fils de l’homme : souffrir, être
rejeté,
être tué et, le troisième jour, se lever, ou ressusciter comme nous
disons. Nous pouvons trouver des causes à ses souffrances, à son rejet
et à sa mort. Mais pour « se lever d’entre les
morts », nous sommes dépassés, notre raison s’affole, la structure
de notre connaissance se révèle limitée, incomplète.
Jésus, le Christ, le Fils de l’homme, nous échappe dans son chemin, dans sa vérité,
dans sa vie.
Le suivre alors, qu’est-ce que c’est pour nous ? Là encore nous pouvons
répondre avec des choses
que nous connaissons déjà : prier, venir à la messe, lire la Bible
et agir en conséquence, comme le dit l’apôtre Jacques : partager avec
ceux qui sont dans le besoin, tenir sa langue et
pratiquer la justice. C’est un bon programme. Mais souvent c’est le
moteur qui est en panne. Il faudrait une force à l’intérieur de nous qui
nous pulse à la suite du Christ. Surtout si le
parcours du Fils de l’homme passe par perdre ce qui fait notre vie,
notre générosité personnelle, notre convoitise, notre volonté de
maitrise et bien d’autres choses encore, pour sortir vers le
Royaume de Dieu.
Or
cette force est déjà en nous, et ce n’est pas celle de notre volonté et
de notre
connaissance. C’est l’impact mystérieux de l’Esprit au plus
profond ; c’est la façon dont il a inscrit la Parole vive de
Jésus-Christ et la volonté de notre Père de nous conduire par la main
jusqu’à lui. Cette expérience étonnante de la venue du Fils de
l’homme dans la vie des apôtres a eu lieu à travers ce qu’ils ont vu et
entendu de Jésus. Mais Jésus leur a été enlevé et c’est
l’Esprit, le jour de la Pentecôte, qui leur fait reconnaitre
que Jésus accomplissait tout ce qui avait été annoncé dans les
Ecritures, et
que le propos de Dieu visait tous les hommes. Et dès la deuxième
génération, avec ceux qui n’avaient pas connu Jésus, c’est cette venue
en eux, de la Parole vive du Fils de l’homme, et celle de
la force de son Esprit qui a changé leur existence et la nature de
leur désir. Ils l’ont reçu à travers le témoignage des apôtres et des
disciples. Mais la foi leur a été donnée par Dieu, à
travers ces témoins.
Je nous souhaite que cette année nous appliquions à reconnaître
ce don de Dieu, reçu par chacun sans que nous n’ayons encore rien fait,
ni rien demandé. Sans doute nous ne souvenons pas des moments décisifs
de cette venue du Christ en nous. Mais ce n’est pas de souvenir
qu’il s’agit, c’est de reconnaissance de son initiative dans notre
vie.
C’est
cet acte de Dieu en nous qui nous fait entendre la Parole qui nous est
donnée à
chaque eucharistie. C’est ce don de Dieu qui nous fait passer, à
chaque messe, du pain et du vin que nous mangeons et buvons, à la
nouvelle condition humaine de membres du Corps du Christ, à la
nouvelle condition humaine de fils de Dieu. C’est ce don de Dieu en
nous qui passe à travers nos actions de partage, de justice et
d’intelligence. C’est ainsi que le Fils de l’homme, lui-même,
élargit sa présence et son amour à tous ceux que nous rencontrons.
C’est lui, à travers nous, qui évangélise. Suivre Jésus-Christ, c’est
vivre de lui.