Vigiles Pascales / Luc 24 1-12 / Une homélie


 La pierre est roulée et le tombeau est vide

Jésus, le beau Dieu, si bon, si doux, si puissant, si plein d’amour, Jésus est mort, défiguré, humilié sur la croix, on l’a mis dans un trou, on a posé une pierre dessus.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

Les disciples si lents à comprendre, si lents à croire, les disciples missionnaires s’enferment, minables et lâches, ils ont posé une pierre sur leurs illusions.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

Les femmes viennent à l’aube profonde caresser un cadavre, parfumer un mort, dans la honte de ne pas l’avoir fait le jour qu’il fallait, d’avoir préféré la loi au soin de celui qu’elles aimaient. Elles ont posé une pierre sur ce corps abandonné.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

Le monde est en guerre, des peuples se déchirent, on bombarde, on rase des villes, on torture des otages, on s’envoie des drones, on tue les enfants et les vieillards. Sur tout espoir de paix, le monde a posé une pierre.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

Nous avons choisi l’argent. Sur les arbres, sur les fleuves et les ruisseaux, sur les bêtes et les bestioles, sur l’air qu’on respire, on a choisi le pétrole, la clim, l’avion, la grosse voiture et le steak. Sur la nature, on a posé une pierre.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

On a élu des fous, on choisit des tyrans, parce qu’on veut de l’ordre, parce qu’on veut défendre son grand écran, sa grosse voiture et son steak. Sur la démocratie, sur la justice, on a posé une pierre.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

On a enlevé la joie à nos enfants. On leur a mis des angoisses de réussite, on leur a mis du parcoursup et des horizons bouchés, on leur a interdit l’espérance, on leur a mis des réseaux pour ne plus se parler, on leur a cloué un téléphone dans la main. Sur nos enfants, une pierre est posée.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

On a mis l’Église dans un trou. Un trou de silence pour que rien ne se dise de sa crasse et de ses mensonges. On a mis des mosaïques pour décorer le trou, de l’or et de la dentelle, de la tradition et des valeurs. Et l’Église pourtant si belle, s’est mise à sentir la mort.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

On a fait des prêtres fatigués. On les a éclaboussés d’abbé Pierre et de Bétharam, on a mélangé les saints et les tarés. On a fait des évêques pétris de peur, des diacres tristes et transparents. Sur nos vocations on a posé une pierre
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

On a roulé une pierre sur nos chairs, on a couvert nos corps. On a dit que c’était triste de vieillir, on a dit que la maladie nous humiliait, qu’il valait mieux mourir, que c’était plus digne. On a dit qu’un corps différent c’était un corps exclu, on a jeté des pierres sur des chairs amoureuses de leur semblables.
Sur nos corps comme ils sont, on a posé une pierre.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

Sur nos vies on a posé la pierre de nos échecs.
la pierre de nos deuils
la pierre de nos désarrois
la pierre de nos petits arrangements, de nos colères imbéciles, de nos regrets si lourds.
Mais la pierre est roulée et le tombeau est vide

C’est pour ça que nous sommes là dans la profonde nuit
C’est parce que la pierre est roulée et que le tombeau est vide
C’est pour ça que nous croyons,
C’est dans le mouvement de la pierre qui se roule, c’est dans le vide du tombeau que nous sommes baptisés, c’est notre fondation, c’est notre source, c’est notre horizon et c’est notre Joie.
C’est dans cette ouverture et ce vide que vous allez maintenant être baptisés.

Le terrain est penché, la pierre toujours veut revenir à sa place.
Le diable et le monde travaillent sans relâche à la replacer, à remplir le tombeau.
Le diable et le monde nous disent qu’à la fin le tombeau doit être plein et que c’est la pierre qui gagne.
Il faut la nuit de Pâque, il faut le torrent de la voix de l’Ecriture, il faut le feu la flamme et l’eau, il faut nos chants, nos corps côte à côte, coude à coude, pour que la pierre à nouveau libère le vide du tombeau.
Devant l’éternelle pierre, il faut des alléluia qui soient des cris, des alléluia qui dynamitent la pierre qui menace sans cesse de faire machine arrière.

La pierre est roulée, le tombeau est vide, le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité.

╬ Amen Alleluia !
Sylvain diacre
Email de Christophe Mirande

1 commentaire:

  1. Nous étions tous restés clouer en écoutant ce sermon. Oui, la pierre est roulée mais menace de revenir nous empêcher de voir le tombeau vide... Merci beaucoup Sylvain.

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