Quand
j’étais enfant, je me souviens que nous passions des après-midis
entières à jouer à la chasse au trésor. Un truc était
caché dans le jardin, et il fallait le trouver en suivant des pistes
qui nous étaient laissées ici où là. Au bout du compte, le trésor
importait peu et sa découverte était toujours un peu décevante. La
grande excitation, la grande joie, c’était de se dire pendant tout
l’après-midi qu’un trésor était caché quelque part.
Jésus
continue de nous donner des indices sur le royaume des cieux.
Dans
un cas, c’est un trésor caché dans un champ, dans l’autre, une
toute petite perle distinguée parmi toutes les perles qui lui
ressemblent.
Le
trésor caché va rester caché. Celui qui le trouve le laisse là où
il est, et achète le champ. Sa joie sera d’être le propriétaire
du champs-dans-lequel-un-trésor-est-caché.
La
perle trouvée ne sera pas revendue pour faire fortune. Celui qui la
trouve va tout vendre pour en faire l’acquisition. Sa joie sera de
vivre sans rien d’autre que cette perle.
Dans
les deux cas, le royaume fonctionne sur de la perte.
Oui,
c’est un trésor, oui c’est une perle précieuse, mais en les
trouvant, on n'a qu’une envie : se dessaisir de tout, se séparer
de tout nos biens d’avant, pour jouir d’un bien plus précieux.
Ce bien plus précieux, ce n’est ni le trésor ni la perle, c’est
la Joie. La joie de savoir que dans mon champ un trésor est caché,
que dans ma main, roule une perle unique et belle.
Au
fond, ce que Jésus nous révèle, c’est le contraire de la fable
de La Fontaine ! Vous vous souvenez ? Le laboureur et ses
fils :
Un
riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit
venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous,
leur dit-il, de vendre l’héritage
Que
nous ont laissé nos parents.
Un
trésor est caché dedans.
Et
puis en fait, il n’y a rien dans le champ et le trésor c’est de
s’être tué à la tâche et d’avoir travaillé sans relâche
pour faire encore plus de profit : Travailler plus pour gagner
plus.
Dans
la fable, on est riche, on ne vend rien et on devient encore plus
riche !C’est le royaume de l’argent, c’est le royaume de
la terre. Dans l’évangile, on perd tous ses biens pour quelque
chose que l’on a trouvé par hasard, pour quelque chose qui nous
est donné et pour lequel on n’a rien fait. C’est le royaume de
la grâce, c’est le royaume des cieux.
Et
puis le royaume, c’est cette histoire de filet jeté dans la mer.
Un
filet qui ratisse large, qui prend tout sans faire de distinction. Un
filet qui implique donc de faire du tri. A la fin de la pêche, on
relève tout, et on sépare. La traduction liturgique dit :
entre ce qui est bon et ce qui ne vaut rien. Mais le
texte dit entre ce qui est beau et ce qui est pourri !
Ce n’est pas du tout la même chose.
Imaginons
le travail du royaume des cieux sur nos vies :
Le
filet aura plongé sous la surface de nos vies, il sera descendu dans
nos profondeurs, il sera allé piocher du côté caché de nos vies,
et il en reviendra lourd de tout ce qu’il y aura trouvé.
Alors,
le maître du filet s’assiéra, et, patiemment, il fera du tri. Le
jugement qui nous fait si peur, ce n’est rien d’autre que cette
opération de tri. Et il séparera non pas ce qui est bon, mais ce
qui est beau… ce qu’il trouvera de beau en nous… la belle part…
la perle unique, le trésor caché, de ce qui est pourri, c’est à
dire ce qui est déjà mort, ce qui s’est abîmé, ce qui est trop
vieux….
Les
anges − pas des
blondinets avec des ailes mais bien les mots de Dieu −
sépareront ce qui est beau et juste, de ce qui est pourri et
méchant.
Et
la part pourrie partira au feu et ce sera une très bonne nouvelle
pour chacun de nous.
Nous
qui vivons sous le règne de la terre, sous le règne de l’argent,
n’ayons pas peur de la venue en nous du règne des cieux. Faisons
notre la prière du jeune Salomon : « Seigneur, donne à
ton serviteur un cœur attentif ». Un cœur attentif aux
signes du Royaume des cieux dans ma vie
Le
Royaume n’est pas pour plus tard, il n’est pas la récompense
pour après la mort. Le Royaume des cieux il est là, caché au creux
de chacun de nous, enfoui en nous comme un trésor dans un champ. Le
Seigneur ne nous demande pas de transpirer pour retourner tout le
champ et mériter le trésor, il nous demande de nous réjouir de
cette présence cachée, comme dans les jardins des jeux de notre
enfance.
Seigneur,
donne à ton serviteur un cœur attentif à pressentir la Joie
cachée du Royaume.
╬ Amen
Sylvain
diacre
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