Je ne suis pas / Jn 1 6-8 19-28 / Une homélie

(...)
Que dis-tu de toi-même ?
Quelle question redoutable !
Nous adorons nous dire nous-même. Nous passons le plus clair de notre temps à nous raconter, à parler de nous, de ce que nous sommes, de ce que nous faisons, de ce que nous pensons… le « je suis » est sans cesse à nos lèvres.
« combien de temps suis-je capable d'écouter l'autre avant de parler de moi ? »
La question « Que dis-tu de toi-même ? » ne serait d'aucune difficulté pour chacun d'entre nous. Nous trouverions bien quelque chose à dire…
Ce n'est pas un reproche, c'est comme ça, l'homme est fait comme ça, nous passons notre vie à peaufiner notre « je suis », nous avons même besoin de pouvoir dire « je suis » pour grandir dans la vie et dans le monde.
Mais pour Jean, ça ne marche pas comme ça !
Il semble être incapable de répondre à cette question. Ce n'est pas qu'il refuse (le texte le précise bien), c'est qu'il ne trouve pas la réponse. Il sait qu'il « n'est pas », il sait qu'il est pour un autre.

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas »
C'est celui-là, l'autre, qui l'empêche de dire « je suis »…
On ne sait pas qui c'est cet autre, spontanément, on met Jésus à cet endroit là, et on ne se trompe pas en le faisant, mais gardons le texte tel qu'il nous est donné, ne fermons pas ce que le texte laisse ouvert :
« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas »
Celui-là, au milieu de nous, on ne le connaît pas… et si c'est le Christ, on ne le connaît pas !

Nous cherchions la joie de Jean,
elle est là sa joie, elle est dans « je ne suis pas »
Jean nous apprend que la plus grande joie, c'est d'accepter une présence au milieu de nous qui nous empêche de dire « je suis », si il y a quelqu'un au milieu de moi que je ne connais pas, c'est donc que je ne me connais pas !
Impossible désormais de croire que je sais qui je suis, la case que j'ai longuement appris à remplir et à colmater, voilà qu'elle contient quelqu'un qui n'est pas moi, voilà que sur la photo de ma carte d'identité, si rassurante, si ressemblante à moi-même, le visage d'un autre vient s'imprimer… nous sommes deux sur la photo, il y a quelqu'un que je ne connais pas qui vient brouiller ma belle image.

Quelle joie de découvrir cela !
Quelle merveilleuse annonce !
Car nos « je suis » sont toujours des « je suis » étroits, ratatinés… des « je suis » qui nous réduisent à l'insignifiant, des « je suis » qui nous enferment…
Puisqu'au milieu de nous se tient celui que nous ne connaissons pas, notre « je suis » étriqué et fini est donc un mensonge, nous sommes plus que ce que nous croyons être, nous sommes une énigme à nous-même, nous sommes ouverts et nous sommes infinis.

(...)

Gaudete ! Réjouissons-nous !
A quelques jours de la venue parmi nous de celui que nous ne connaissons pas ; Jean rétablit la vérité : la joie se tient dans notre renoncement à dire « je suis ».
Ça ne veut pas dire renoncer à notre identité, ça veut dire accueillir en nous celui que nous ignorons et qui seul sait qui nous sommes.

Réjouissons-nous, car nous n'avons rien à faire ! C'est lui qui vient ! Il est déjà là ! Il se tient au milieu de nous !

Gaudete, Amen
Sylvain, diacre
(Photo : autoportrait de Dieter Appelt 1977)

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