Que
dis-tu de toi-même ?
Quelle
question redoutable !
Nous
adorons nous dire nous-même. Nous passons le plus clair de notre
temps à nous raconter, à parler de nous, de ce que nous sommes, de
ce que nous faisons, de ce que nous pensons… le « je suis »
est sans cesse à nos lèvres.
« combien
de temps suis-je capable d'écouter l'autre avant de parler de
moi ? »
La
question « Que dis-tu de toi-même ? » ne serait
d'aucune difficulté pour chacun d'entre nous. Nous trouverions bien
quelque chose à dire…
Ce
n'est pas un reproche, c'est comme ça, l'homme est fait comme ça,
nous passons notre vie à peaufiner notre « je suis »,
nous avons même besoin de pouvoir dire « je suis » pour
grandir dans la vie et dans le monde.
Mais
pour Jean, ça ne marche pas comme ça !
Il
semble être incapable de répondre à cette question. Ce n'est pas
qu'il refuse (le texte le précise bien), c'est qu'il ne trouve pas
la réponse. Il sait qu'il « n'est pas », il sait qu'il
est pour un autre.
« Au
milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas »
C'est
celui-là, l'autre, qui l'empêche de dire « je suis »…
On
ne sait pas qui c'est cet autre, spontanément, on met Jésus à cet
endroit là, et on ne se trompe pas en le faisant, mais gardons le
texte tel qu'il nous est donné, ne fermons pas ce que le texte
laisse ouvert :
« Au
milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas »
Celui-là,
au milieu de nous, on ne le connaît pas… et si c'est le
Christ, on ne le connaît pas !
Nous
cherchions la joie de Jean,
elle
est là sa joie, elle est dans « je ne suis pas »
Jean
nous apprend que la plus grande joie, c'est d'accepter une présence
au milieu de nous qui nous empêche de dire « je suis »,
si il y a quelqu'un au milieu de moi que je ne connais pas, c'est
donc que je ne me connais pas !
Impossible
désormais de croire que je sais qui je suis, la case que j'ai
longuement appris à remplir et à colmater, voilà qu'elle contient
quelqu'un qui n'est pas moi, voilà que sur la photo de ma carte
d'identité, si rassurante, si ressemblante à moi-même, le visage
d'un autre vient s'imprimer… nous sommes deux sur la photo, il y a
quelqu'un que je ne connais pas qui vient brouiller ma belle image.
Quelle
joie de découvrir cela !
Quelle
merveilleuse annonce !
Car
nos « je suis » sont toujours des « je suis »
étroits, ratatinés… des « je suis » qui nous
réduisent à l'insignifiant, des « je suis » qui nous
enferment…
Puisqu'au
milieu de nous se tient celui que nous ne connaissons pas, notre « je
suis » étriqué et fini est donc un mensonge, nous sommes plus
que ce que nous croyons être, nous sommes une énigme à nous-même,
nous sommes ouverts et nous sommes infinis.
(...)
Gaudete !
Réjouissons-nous !
A
quelques jours de la venue parmi nous de celui que nous ne
connaissons pas ; Jean rétablit la vérité : la joie se
tient dans notre renoncement à dire « je suis ».
Ça
ne veut pas dire renoncer à notre identité, ça veut dire
accueillir en nous celui que nous ignorons et qui seul sait qui nous
sommes.
Réjouissons-nous,
car nous n'avons rien à faire ! C'est lui qui vient ! Il
est déjà là ! Il se tient au milieu de nous !
╬ Gaudete,
Amen
Sylvain,
diacre
(Photo : autoportrait de Dieter Appelt 1977)
(Photo : autoportrait de Dieter Appelt 1977)
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