Trouver un trésor dans un champ, trouver dans une grotte des peintures
rupestres préhistoriques que personne n’avaient encore jamais vue, trouver un
billet gagnant du loto, çà vous change la vie. Tout désormais va être commandé
par votre découverte : vos émotions, vos comportements, vos décisions, vos
projets. Jésus nous dit que c’est un peu comme çà avec le Royaume des cieux.
Plus fort
encore. Un homme qui découvre une femme, belle, intelligente, travailleuse, qui
a souffert et a traversé ces épreuves, çà peut d’un coup le rendre follement
amoureux, complètement subjugué par cette perle précieuse. Et une femme, qui a
souvent des antennes encore plus développées que les hommes dans ce champ-là,
peut tomber, elle aussi, complétement folle d’amour. Jésus nous dit encore que
c’est un peu çà le Royaume des cieux.
Supposons maintenant que Jésus, le Christ, sa parole, ses gestes, sa
mort même et sa résurrection, son amour pour nous, soit passé par votre vie.
Supposons que vous vous rendiez compte peu à peu que cette présence insiste
chez vous depuis longtemps déjà, et qu’il y a dans le cours de votre histoire
personnelle, familiale ou même professionnelle, des rencontres, des joies
soudaines, des problème résolus de manière inattendu, des guérisons, qui
portent la marque de cette présence du Christ. Supposons qu’un jour, vous preniez
le temps de vous asseoir et de tirer sur le rivage le filet où se trouvent
rassemblées toutes ses surprises heureuses, comme le pécheur qui relève sa
nasse ou son casier.
Ce jour-là,
vous devinez que c’est Jésus qui a commencé à prendre les rênes de votre vie. Comme
il l’a dit, vous commencez à trier ce qu’il y a dans vos filets. Le critère du tris se précise avec le temps. Il s’agit de
séparer les pensées, les actes, les sentiments qui sont orientés vers moi-même,
à mon propre compte, des événements dans lesquels ce qui s’est passé semble
venir de Dieu. Séparer ce qui me met en lumière ou en colère si çà ne se
passe bien pour moi, d’un côté, et de l’autre ce qui est sensible en nous à la
gloire de Dieu, à son amour ; ce qui alimente en nous la louange.
Un exemple
nous est donné dans la conversation de Dieu avec Salomon qui nous a été raconté
dans la première lecture. « Demande-moi ce que tu veux, et je te le
donne », dit Dieu. Et Salomon demande un cœur attentif pour savoir
gouverner « ton peuple », pas le peuple d’Israël dont il est le roi,
son peuple en quelque sorte, mais le peuple qui appartient à Dieu.
« Puisque c’est cela que tu as demandé, répond Dieu, et non pas de longs
jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis, je te donne la
sagesse. »
En pratique, ce genre de tri de ce qu’il y a dans le filet de notre
vie, n’est pas facile, d’autant que nous devinons la suite : à la suite du
tri, il va falloir ne garder que la louange. Comment cela se fera-t-il, disait
Marie à l’ange. Je ne connais point d’homme capable de faire çà : mettre
de côté tous ses projets, ses connaissances, ses biens, ses désirs mêmes, et
laisser Dieu habiter chez moi, au point de finir par ne faire que ce qu’il
veut, et de ne plus vivre qu’à s’émerveiller de sa lumière et de son amour, de
l’écouter, de l’accueillir, comme l’autre Marie, la sœur de Marthe.
En clair,
c’est impossible. Dieu et nous nous n’habitons pas la même région. Nous aimons
cette terre, même s’il y a des injustices, des violences, des guerres. Nous
aimons cette terre, ce qui se voit, se touche. Ce que nous pouvons embrasser,
transformer, maîtriser, posséder. Nous aimons nos rêves de bonheur et même ceux
de vengeance : çà fait du bien. Ce n’est pas demain que nous allons lâcher
tout çà, pour Dieu, pour Jésus, même si l’Esprit saint souffle de temps en
temps et dépose en nous une joie qui nous bouleverse.
Et puis,
nous n’avons pas tous étaient choisis pour devenir des saints. A chacun son
chemin.
Il y a trois semaines, j’ai passé
quelques jours à Conques, avec les moines, les pèlerins et les touristes. Un
soir, un moine nous a aidés à regarder en détails le tympan de l’église. Au
milieu, Jésus, en gloire comme on dit, avec ses plaies aux mains, aux pieds et
au côté, et son regard sur nous, comme un appel silencieux, fidèle, amoureux,
tenace. Dessous deux portes, l’une ouvrant sur l’enfer, l’autre sur le paradis.
Dans l’enfer toutes sortes de personnages, comme enchainés par leurs vices,
leur violence. Il y a même des évêques, comme si même les vertus pouvaient être
défigurées. Dans le paradis, d’autres personnages, tournés vers le Christ,
sortant de leur tombes, marchant ensemble comme une procession attirée par la
lumière d’en-haut. Après nous avoir donné le temps de regarder cette étrange
fresque, le moine nous a dit : « quand nous entrons dans l’église,
nous entrons tous en venant de l’enfer et ce n’est pas très difficile de
retrouver sur la sculpture quelque chose qui nous rappelle tel ou tel détail de
notre propre vie. Quand nous sortons de cette église, nous passons par la porte
du paradis. A l’intérieur il n’y avait presque rien : un espace, une
architecture inhabituelle, qui nous invite à lever les yeux. Nous
déambulons ; détails après détails, une paix s’installe en nous, comme si
nous habitions une autre région de la vie. Nous ne voyons ni Dieu, ni Jésus, ni
l’Esprit, mais il y a une présence. Elle s’appelle la miséricorde. Et nous
habitons chez elle un moment. C’est pour cela que nous ressortons de l’église,
apaisés, lavés, un peu tremblants, un peu priants.
C’est çà le
pèlerinage : faire une halte en présence du Christ, de leur amour entre
son Père et lui, et du vent puissant qui nous vient de cette source ; Puis
revenir dans le monde, entaillés jusqu’au plus secret de notre chair, réveillés
par la miséricorde de Dieu, les yeux
lavés par l’amour de Dieu, un peu plus capables de voir sa lumière au jour le
jour, moins effrayés du temps qui nous reste pour que sa louange habite en
nous, pour que nous consentions à lâcher du lest, beaucoup de lest, pour que
nous devenions à son image, des fils qui portent sa ressemblance, comme le
parcours de Jésus sur notre terre, nous l’a révélé.
Ce n’est pas
possible de faire ce chemin avec ses propres forces, comme l’écrit Alain
Auderset, « il est si facile de se laisser emporter dans le flot des
affaires du quotidien… Alors fixez-vous un rendez-vous avec Jésus tous les jours.
Notez-le dans votre agenda, au même titre que vos autres activités ».
Faisons ce
pèlerinage, d’une manière ou d’une autre. C’est dans la chair de tous les
hommes que Dieu a semé ce trésor, cette perle précieuse de son amour pour nous,
de son désir sur nous. Faisons ce pèlerinage jusqu’à l’humble passage où la
terre et le ciel se sont aimés ; dans nos corps de poussière brillera la
lumière allumée par le Dieu qui nous connait.
Jean-Pierre Duplantier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire