Parabole de l'Ivraie / Mt 13 / Une homélie de JP Duplantier

Il me semble que les paraboles de Jésus, c'est pour nous rejoindre dans nos rêves, les merveilleux et les terribles.
 
Le royaume de Dieu, c’est comme une graine de moutarde. C'est la plus petite des semences quand on la met en terre. Mais quand elle pousse, elle dépasse toutes les autres. Elle devient comme un arbre, et les oiseaux du ciel y font leurs nids.
L'arbre pour les humains, c'est comme un rêve. D'abord, au pied de mon arbre, je vivais heureux, sous son ombre, sa protection, et au contact de ses racines, je colle à la terre, ma mère nourricière. J'aurais jamais dû le quitter, mon arbre. Mais je l’ai quitté et je passe mes jours et mes nuits à imaginer que je vais le retrouver, ce paradis perdu de mes commencements.
 
Parfois vient un autre rêve. Je crois avec Stevenson qu'un "oiseau magique" chante au coeur de chacun et comme il l’écrit si bien, "qui prétend observer l’homme en l'ignorant s 'expose à bien des déconvenues - car l’homme n'est pas seulement le tronc dont il tire sa subsistance, mais il se déploie dans le dôme de feuillage, traversé par les murmures du vent, peuple de nids de rossignols,» et le véritable réaliste est celui des poètes "qui grimpe après lui comme l’écureuil et ainsi entrevoie un coin du ciel pour lequel il vit".I
 
Un jour les disciples ont demandé à Jésus : « explique-nous clairement ces paraboles ». Jésus l’a fait. Mais ce ne fut pas vraiment ce qu'ils attendaient C’était comme s'il cherchait à les réveiller, à les faire sortir de leur monde imaginaire, à les faire retomber sur terre pour voir et entendre enfin la vérité de leur condition humaine. « Celui qui sème le bon grain, c'est le Fils de l’homme ; le champ, c'est le monde. Le bon grain ce sont les fils du Royaume ; l'ivraie, ce sont les fils du Mauvais. L'ennemi qui l’a semée, c'est le démon. La moisson c'est in fin du monde ; les moissonneurs ce sont les anges. »
 
Mais bon sang, de quoi parle-t-il ? Dans le monde, c'est quoi les fils du Royaume et les fils du Mauvais ? C'est qui le Filss de l'homme et le démon et les anges. C'est quoi la fin du monde, la moisson ?
Saint Paul a bien raison de nous le redire encore : « frères, l'Esprit saint vient au secours de note faiblesse ». Qu'Il vienne !
 
Qu’il vienne, à l’instant, à travers les quelques mots que je vais risquer et qui me font trembler, comme la présence du Christ va venir à travers le sacrement du pain et du vin et de la prière de Jésus.
Je pars sur le petit coin du monde dont parle Paul : la prière. Nous vivons deux versions de la prière, la prière d'en haut et la prière d'en bas. L'une et l'autre commencent dans le même mouvement : la rencontre avec un autre : désirer compter pour quelqu'un ; avoir une place dans son propre désir, être aimé de lui ou d'elle ; désirer irrésistiblement n'être pas seul ; souffrir et se battre par tous les moyens pour que cette solitude s'arrête.
 
Mais cette dynamique, cette énergie, bute sur le choix entre deux chemins. Je commence par celui que nous connaissons le mieux : la prière d'en bas. C'est une rencontre sous le régime de l’échange. Je te parle pour enter dans ton monde, me sortir de ma solitude, parce que j'ai besoin de sécurité, de me sentir exister, de compter pour quelqu'un, tel que je me représente toutes ces choses, parfois simplement pour grimper dans l’échelle sociale, ou pour de l’argent ou ses équivalents, pour découvrir de nouvelles jouissances. Je suis prêt à tout donner pour ça  pour être désirable par toi. Je suis prêt de la même façon à servir les autres, en donnant tout ce que je possède et le donner aux pauvres pour être juste aux yeux de Dieu, comme on me l'a appris. C’est la prière, la forme de la rencontre et du don de soi que rêve la terre des hommes. C'est très beau, fragile aussi et parfois très violent.
 
Et puis se lève parfois la prière d'en haut. Elle n'est pas sous le régime de l’échange, du gagnant-gagnant. Elle est sous le régime de la venue du Souffle qui attendait dans le secret de notre chair depuis le commencement. Je ne parle pas d'abord, je l'écoute. C'est sa visite impromptue qui réveille en moi le cri, la demande qui gisait au plus profond de mon être. L'objet de mon désir commence à laisser la place à son désir à Lui, à son désir de faire de nous des fils qui portent sa ressemblance. Je commence à redécouvrir ce qui est bon chez moi et chez les autres ; à découvrir des perles précieuses autour de moi qui donnent de l’éclat au trésor que je suis, comme l'écrit Alain Auderset. Je me mets à fixer un rendez-vous avec Jésus tous les jours ; il prend place dans mon agenda comme le reste. Je redeviens sensible aux signes qu'il m'envoie, par une rencontre, un émerveillement soudain, une situation qui se résout.
 
Je n'ai plus peur de me laisser déranger, même si parfois ça me parait dépasser les bornes. Je mesure mieux que ces deux versions de l'amour et de la prière sont des soeurs, comme Marthe et Marie. Il y a toujours un démon à l'affût qui me raconte avec beaucoup d'arguments que servir est plus important qu'écouter, que ce soit avec le Christ ou avec les autres. Je me souviens qu'il a dit que chaque fois que je donne un verre d'eau à l’un de ces petits c'est à Lui que je le donne et qu'il a dit à Marthe que la part que Marie a choisi ne lui sera pas ôtée, parce que c'est l'écoute du Seigneur qui instaure la lumière véritable dans tous les gestes de la solidarité humaine.
 
Viens Esprit créateur, le Souffle saint sur la terre de l’amour du Père pour tous les hommes, la voix du Fils qui nous a révélé ce que fait et dit la Parole de Dieu venue dans notre chair.
Jean-Pierre Duplantier

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