Nous voici comme le
petit poucet : retrouvant une à une quelques pierres qui
parlent sur notre chemin de retour vers la maison de notre Père qui
est aux cieux. Nous voici vigilants à ce qui vient.
Dès le commencement,
l’Esprit plane sur les eaux de la naissance des fils de Dieu. Le
souffle de Dieu plane sur les eaux, comme un aigle qui couve ses
petits. Sa présence, ses gestes et son souffle pénètre la chair
des fils d’homme. Ils vivront à jamais de cet amour premier.
Lorsque les petits
grandissent, il leur vient l’envie et le plaisir de voler de leurs
propres ailes. Et c’est beau. Puis, dès qu’ils mettent des mots
sur les choses, entre eux ils se parlent des choses, ils jouent avec
les choses, ils briquètent des briques avec la terre qu’ils ont
sous la main, et construisent des cabanes, des ponts sur les
rivières, puis des villes. Ils découvrent qu’ils ont la technique
dans le sang. Cela aussi, c’est beau.
Mais un jour ils
décident de bâtir une tour dont le sommet soit dans le ciel. Ils ne
parlent alors que d’une seule chose : se faire un nom sur
toute la terre. Rien ne les empêchera désormais de faire tout ce
qu’ils décident. C’est à ce moment-là qu’ils découvrent que
d’autres mots habitaient leurs langues à leur insu. Ces mots ne
parlaient plus seulement des choses, mais de ce qui se passaient
entre eux, dans leur tête, dans leur cœur : des mots pour la
joie, mais aussi des mots pour la jalousie ; des mots pour le
travail, et des mots pour la violence. Au bout de ces mots, ont
poussé des histoires d’amour mais aussi des querelles. La peur,
puis la haine, le meurtre et la vengeance ont proliférés sur leur
terre.
C’est là que la voix
du début et la lumière d’en-haut sont revenues. Ce n’était pas
un langage où les mots décident de presque tout, mais une langue
comme du feu. La langue qui vous fait le cœur brulant, à cause
d’une présence, où perce l’amour du début. Cette voix n’a
jamais cessé de visiter les fils d’homme.
Un jour, au temps de
l’exode, « Le Seigneur dit à Moïse : je vais venir
vers toi dans l’épaisseur de la nuée, pour que le peuple qui
m’entendra te parler, aie confiance en toi… La montagne du Sinaï
devint toute fumante, car le Seigneur y était descendu dans le
feu. » Le peuple répondit d’une seule voix : tout ce
qu’a dit le Seigneur, nous le ferons. »
Depuis, chaque année,
le peuple se souvenait et il chantait : « le Très
haut s’est choisi une part parmi les nations. Il a entouré son
peuple ; il la éduqué. Comme l’aigle protège sa nichée, il
étendait ses ailes sur eux. » (Deut.32)
Malheureusement cela
n’a jamais suffi à Israël. Il lui fallait aussi être comme les
autres peuples : avoir un chef, avec une armée, une économie
plus forte que les autres, une idéologie en avance sur les autres,
et surtout la promesse de vivre mieux, d’avoir toujours plus de
confort, de loisir, de biens à posséder, de sécurité contre les
prédateurs, les maladies et les changements climatiques. La
croissance est devenu leur dieu : la force de leur corps, la
croissance de leur commerce, la croissance de leur organisation
sociale. Pour faire un homme à l’image de Dieu, mon Dieu que c’est
long ! Pour que des liens solides se tissent avec Dieu, avec sa
présence, sa Parole, ses actes, le chemin est chaotique. Il y a de
belles rencontres et de terribles ruptures, et toujours la mort en
travers de la naissance des fils de Dieu.
C’est précisément
là, sur le terrain de la mort, notre ultime adversaire, que la
promesse de Dieu a révélé toute sa force : « la main du
Seigneur se posa sur moi, raconte Ezéchiel. Son esprit m’emporta.
J’étais au milieu d’une vallée pleine d’ossements. Alors le
Seigneur me commanda de prononcer sur eux ce que Dieu avait à leur
dire : « je vais faire entrer en vous l’Esprit et vous
vivrez… Quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai sortir,
vous verrez que je suis le Seigneur. »
Ce jour-là : « je
répandrai mon esprit sur toute créature, vos fils et vos filles
deviendront prophètes, vos anciens auront des songes, et vos jeunes
gens des visions. Même sur vos serviteurs et les étrangers qui
habitent chez vous, je répandrai mon esprit. »
Tel
est l’immense récit de ce que Dieu fait de nous tous depuis le
commencement : des fils qui portent sa ressemblance. Or
aujourd’hui, sachez-le, ce récit franchit un seuil. Du nouveau est
survenu chez nous. Jésus, le fils bien aimé, a pris sur lui toute
cette aventure : il a aimé la terre, aimé les hommes, il a
souffert de la main des hommes, il a affronté la mort comme nous,
mais rien n’a entamé le souffle de l’amour entre son Père et
lui, et sa chair a vaincu la mort. Il est celui qui vient au bout de
l’immense récit de l’aventure humaine.
« La création
toute entière gémit maintenant encore dans les douleurs de
l’enfantement. Elle n’est pas la seule. Nous aussi, qui possèdons
les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement,
attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. » Mais
Jésus se tient debout au milieu de nous. Il s’est levé d’entre
les morts. Et il dit à haute voix, au plus intime de ce qui a été
semé chez nous dès l’origine, quelque soit l’état de notre
chemin, au creux de notre attente, de notre désir : «
si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et que boive
celui qui croit en moi. Comme l’a dit l’Ecriture : de
son sein couleront des fleuves d’eau vive. »
Ensemble confessons
notre foi.
Textes de la vigile de Pentecôte :
- Gn 1, 1-3;2.4-7 : Le souffle planait sur les eaux
- Gn 11, 1-9 : La tour de Babel
- Ps 32
- Ex 19, 3-20 : La révélation au Sinaï
- Cantique de Daniel
- Ez 37, 1-14 : Les ossements desséchés
- Ps 106
- Jl 3, 1-5 : L'effusion de l'Esprit
- Ps 103
- Rm 8, 22-27
- Jn 7, 37-39
Jean-Pierre Duplantier
Textes de la vigile de Pentecôte :
- Gn 1, 1-3;2.4-7 : Le souffle planait sur les eaux
- Gn 11, 1-9 : La tour de Babel
- Ps 32
- Ex 19, 3-20 : La révélation au Sinaï
- Cantique de Daniel
- Ez 37, 1-14 : Les ossements desséchés
- Ps 106
- Jl 3, 1-5 : L'effusion de l'Esprit
- Ps 103
- Rm 8, 22-27
- Jn 7, 37-39
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