Vigiles de Pentecôte 2014 / Une homélie de JP Duplantier

Nous voici comme le petit poucet : retrouvant une à une quelques pierres qui parlent sur notre chemin de retour vers la maison de notre Père qui est aux cieux. Nous voici vigilants à ce qui vient.

Dès le commencement, l’Esprit plane sur les eaux de la naissance des fils de Dieu. Le souffle de Dieu plane sur les eaux, comme un aigle qui couve ses petits. Sa présence, ses gestes et son souffle pénètre la chair des fils d’homme. Ils vivront à jamais de cet amour premier.

Lorsque les petits grandissent, il leur vient l’envie et le plaisir de voler de leurs propres ailes. Et c’est beau. Puis, dès qu’ils mettent des mots sur les choses, entre eux ils se parlent des choses, ils jouent avec les choses, ils briquètent des briques avec la terre qu’ils ont sous la main, et construisent des cabanes, des ponts sur les rivières, puis des villes. Ils découvrent qu’ils ont la technique dans le sang. Cela aussi, c’est beau.

Mais un jour ils décident de bâtir une tour dont le sommet soit dans le ciel. Ils ne parlent alors que d’une seule chose : se faire un nom sur toute la terre. Rien ne les empêchera désormais de faire tout ce qu’ils décident. C’est à ce moment-là qu’ils découvrent que d’autres mots habitaient leurs langues à leur insu. Ces mots ne parlaient plus seulement des choses, mais de ce qui se passaient entre eux, dans leur tête, dans leur cœur : des mots pour la joie, mais aussi des mots pour la jalousie ; des mots pour le travail, et des mots pour la violence. Au bout de ces mots, ont poussé des histoires d’amour mais aussi des querelles. La peur, puis la haine, le meurtre et la vengeance ont proliférés sur leur terre.

C’est là que la voix du début et la lumière d’en-haut sont revenues. Ce n’était pas un langage où les mots décident de presque tout, mais une langue comme du feu. La langue qui vous fait le cœur brulant, à cause d’une présence, où perce l’amour du début. Cette voix n’a jamais cessé de visiter les fils d’homme.

Un jour, au temps de l’exode, « Le Seigneur dit à Moïse : je vais venir vers toi dans l’épaisseur de la nuée, pour que le peuple qui m’entendra te parler, aie confiance en toi… La montagne du Sinaï devint toute fumante, car le Seigneur y était descendu dans le feu. » Le peuple répondit d’une seule voix : tout ce qu’a dit le Seigneur, nous le ferons. »

Depuis, chaque année, le peuple se souvenait et il chantait : « le Très haut s’est choisi une part parmi les nations. Il a entouré son peuple ; il la éduqué. Comme l’aigle protège sa nichée, il étendait ses ailes sur eux. » (Deut.32)

Malheureusement cela n’a jamais suffi à Israël. Il lui fallait aussi être comme les autres peuples : avoir un chef, avec une armée, une économie plus forte que les autres, une idéologie en avance sur les autres, et surtout la promesse de vivre mieux, d’avoir toujours plus de confort, de loisir, de biens à posséder, de sécurité contre les prédateurs, les maladies et les changements climatiques. La croissance est devenu leur dieu : la force de leur corps, la croissance de leur commerce, la croissance de leur organisation sociale. Pour faire un homme à l’image de Dieu, mon Dieu que c’est long ! Pour que des liens solides se tissent avec Dieu, avec sa présence, sa Parole, ses actes, le chemin est chaotique. Il y a de belles rencontres et de terribles ruptures, et toujours la mort en travers de la naissance des fils de Dieu.

C’est précisément là, sur le terrain de la mort, notre ultime adversaire, que la promesse de Dieu a révélé toute sa force : « la main du Seigneur se posa sur moi, raconte Ezéchiel. Son esprit m’emporta. J’étais au milieu d’une vallée pleine d’ossements. Alors le Seigneur me commanda de prononcer sur eux ce que Dieu avait à leur dire : « je vais faire entrer en vous l’Esprit et vous vivrez… Quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai sortir, vous verrez que je suis le Seigneur. »

Ce jour-là : « je répandrai mon esprit sur toute créature, vos fils et vos filles deviendront prophètes, vos anciens auront des songes, et vos jeunes gens des visions. Même sur vos serviteurs et les étrangers qui habitent chez vous, je répandrai mon esprit. »

Tel est l’immense récit de ce que Dieu fait de nous tous depuis le commencement : des fils qui portent sa ressemblance. Or aujourd’hui, sachez-le, ce récit franchit un seuil. Du nouveau est survenu chez nous. Jésus, le fils bien aimé, a pris sur lui toute cette aventure : il a aimé la terre, aimé les hommes, il a souffert de la main des hommes, il a affronté la mort comme nous, mais rien n’a entamé le souffle de l’amour entre son Père et lui, et sa chair a vaincu la mort. Il est celui qui vient au bout de l’immense récit de l’aventure humaine.

« La création toute entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas la seule. Nous aussi, qui possèdons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. » Mais Jésus se tient debout au milieu de nous. Il s’est levé d’entre les morts. Et il dit à haute voix, au plus intime de ce qui a été semé chez nous dès l’origine, quelque soit l’état de notre chemin, au creux de notre attente, de notre désir : «  si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et que boive celui qui croit en moi. Comme l’a dit l’Ecriture : de son sein couleront des fleuves d’eau vive. »

Ensemble confessons notre foi.
Jean-Pierre Duplantier

Textes de la vigile de Pentecôte :
- Gn 1, 1-3;2.4-7 : Le souffle planait sur les eaux
- Gn 11, 1-9 : La tour de Babel
- Ps 32
- Ex 19, 3-20 : La révélation au Sinaï
- Cantique de Daniel
- Ez 37, 1-14 : Les ossements desséchés
- Ps 106 
- Jl 3, 1-5 : L'effusion de l'Esprit
- Ps 103  
- Rm 8, 22-27
- Jn 7, 37-39

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire