Si vous ne mangez pas la chair du fils de l'homme / Jn 6 51-58 / Une homélie de JP Duplantier

« Si vous ne mangez pas la chair du fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. » Ni les disciples, ni les responsables n’ont saisi ce qu’il voulait dire. Pour nous, dans l’ensemble, nous nous sommes habitués. A condition que nous n’insistions pas trop… Il doit y avoir quelques petites choses qui nous manquent, pour entrer sur ce chemin.
En voici une parmi d’autres : notre condition humaine est notre état premier, mais ce n’est pas le terme, la gare d’arrivée de notre route. C’est la faute à l’amour de Dieu pour les hommes : le désir de Dieu est de nous prendre par la main pour nous conduire à la condition de fils de Dieu. Et ce n’est pas le même niveau, la même échelle. Nous pouvons sacraliser l’humanité, au point de tout y sacrifier, Dieu veut pour nous nous l’au-delà de l’humanité, il veut que les fils des hommes portent sa ressemblance. C’est ce qui est écrit dès la première page de la Bible. Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image ». Et Dieu le fait, et il n’arrête pas de le faire. Pour nous, c’est au-delà de nous, mais cela demeure le réel de notre désir, de nos vraies joies et de nos souffrances. C’est inscrit en nous. Saint Paul l’a écrit clairement : « la création tout entière attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. » (Romains 8,19). Il y a donc tout ce qu’il faut chez les hommes pour prendre cette route.
La première référence selon les Ecritures, c’est la création de la relation « homme-femme ». Ils sont deux, en vue d’une seule chair. Comme une parabole de l’aventure humaine. Jean, l’évangéliste, en écrit le commencement, à propos de Jésus-Christ : « au principe est le logos, il est tourné vers Dieu, et Dieu est le logos. » Ils sont deux, le Père et le fils, et ils sont Un.

C’est cette relation entre la parole et Dieu qui manifeste la plus grande puissance. La puissance qui engendre des fils de Dieu. La principale différence entre la condition humaine et celle de fils de Dieu, c’est, pour l’humanité, la place des objets, des valeurs, des images. C’est de connaître le bien et le mal, et de nous persuader qu’avec ce principe nous allons tout dévorer, tout maitriser. Dans la condition des fils de Dieu, ce qui compte c’est la relation, l’interaction entre le fils et le père, entre Dieu et nous, entre nous, et le souffle d’amour qui maintient l’unité. C’est vivre sur la terre sous un ciel habité. C’est marcher à la lumière, comme Lui, le Christ Jésus.
Ce que dit Jésus, « manger la chair du fils de l’homme et boire son sang », désigne ce passage de la condition humaine à celle de fils de Dieu. Et ce passage est un acte de Dieu. Il ne concerne pas seulement un individu, une paroisse, il signale la véritable transformation en cours dans le monde, selon le désir de Dieu. Les sacrements, et tout particulièrement celui de l’eucharistie, réalise pour ceux qui accueillent cette action de Dieu, une substitution, encore voilée, mais réelle et décisive. Là où nous voyons du pain et du vin, là où nous ressentons l’expérience de le manger et de le boire, vient dans notre corps la présence du Christ. Sa chair et son sang habitent en nous. Et nous, nous demeurons en lui. Nous devenons les membres de son corps. Ce n’est pas pour après, c’est pour maintenant. C’est une action réelle de Dieu, qui modifie réellement la nature de nos liens entre nous, de nos liens avec Dieu, de notre perception des choses, de nos jugements, de nos désirs, de nos peurs…
Ce qui décide donc dans cette affaire, c’est notre accueil. C’est accueillir la chair et le sang du Christ dans nos corps comme un événement réel. C’est une expérience, pas une idée. Ce n’est pas d’abord un acte de culte, c’est dire « oui » à sa venue. Dieu trouve toujours le moyen de nous atteindre. C’est notre accueil qui peut faire défaut. Les façons dont nous l’accueillons peuvent être différentes, au cours du temps et selon les pays, les églises, les religions. Il y a des modèles pour la vie intérieure, pour la prière, la contemplation, l’engagement. On les critique ou on les préfère. Mais pour accueillir la chair et le sang du Christ, c’est dire oui, c’est tout. Ce n’est pas nous qui le faisons venir. C’est reconnaître qu’il est passé, et qu’il a agi, et qu’il demeure en nous maintenant, et que cette habitation du Christ en nous fait partie de notre histoire.
Nous avons tous dans notre mémoire ces moments où le Seigneur nous a consolé, pardonné, apaisé. Ces périodes où il a fini par changer, avec beaucoup de patience, certains de nos regards sur des personnes, sur nous-mêmes, sur notre société, sur notre église. Notre problème c’est d’oublier. C’est de ne pas en parler, jamais, à personne. Lorsque nous ne parlons plus jamais, à personne, ni à nos enfants ni dans les couples, ni entre amis, de nos rencontres heureuses, de nos souffrances, de nos amertumes et de nos désirs ; une partie de nos relations s’éteignent. C’est pareil avec le Christ. Nous risquons de devenir totalement insensibles au travail de Dieu chez les autres, et chez nous. Insensibles à l’aspiration de la création tout entière à la révélation des fils de Dieu. Nous avons des yeux mais nous ne voyons plus l’œuvre de Dieu. Nous avons des oreilles mais nous n’entendons plus la parole de Dieu, ses « appels » petits, simples, concrets, qui passent par notre corps, par les pleurs et les rires de ce qui nous entoure, par leur souffrance ou leur désir ou leur joie.
Il y a quelques semaines j’ai retrouvé un ami, perdu de vue. Il avait un cancer, les thérapies s’étaient succédé, et les choses avaient empiré. Il venait de décider de stopper ces traitements. Et voici ce que nous avons entendu de sa bouche, moi, sa femme et ses enfants : « Jésus Christ n’a cessé d’éveiller, de soigner, d’éclairer, d’inspirer mon cœur, mes pensées, mon corps, mes chemins, mes amours. Il nous a aimé, il nous aime, il nous aimera. Les graines de lumière, de confiance, de courage, ensemencent notre terre. C’est notre Dieu qui les sème, les arrose, les cultive. Ce ne sont souvent que de petites choses, mais çà illumine le sourire des enfants, les gestes des amoureux, les paroles des croyants, et çà donne la force de vivre au monde et de recommencer. Nous appelons cela l’incarnation : la venue dans la chair de la Parole de Dieu, de sa présence. »
« Mon espérance, maintenant, c’est sa promesse : Tout ce qui dans ma vie a porté la marque de cette présence de Dieu en moi, souvent à mon insu, tout ce que j’ai vu et entendu, tout ce qui en est resté caché, secret, et malmené parfois, tout cela va désormais être rassemblés entre les mains du Christ, sous le regard de notre Père des cieux. Rassemblés, unis, en un seul corps, dans la communion des saints, dans le corps du Fils bien aimé. Nous appelons cela la résurrection de la chair.
A nous autres, maintenant, d’écouter, de regarder ce que Jésus-Christ continue de nous faire voir et entendre, de sa force d’aimer, à travers les gestes et les paroles de ceux qui nous entourent, à travers les rencontres inattendues, certaines souffrances mêmes, certaines peurs aussi. Vivons sur cette terre, sous un ciel habité. Marchons à la lumière, comme Lui. La création toute entière attend avec impatience la révélation des fils de Dieu.

J.P.Duplantier

Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens?"/Mc 7 1-23 / Une homélie

"Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ?" Les pharisiens et les scribes voient dans l'attitude des disciples de Jésus comme une rupture avec la tradition. Ils semblent reprocher comme un comportement de révolte de la part des disciples. Essayons de comprendre l'attitude des pharisiens et des scribes puis celle des disciples et enfin celle de Jésus.

L'attitude des pharisiens et des scribes.

Les premiers, on le sait, observent strictement la loi. Ils l'observent à la lettre. Les seconds, les scribes sont quant à eux les spécialistes de l'écriture. Les uns comme les autres ont entendus parler des miracles de Jésus. Le passage que nous venons de lire se situe juste après la multiplication des pains sur la montagne. Il paraîtrait même que Jésus a marché sur l'eau pour rejoindre ses apôtres en perdition sur le lac de Tibériade. Mais de telles choses, ça ne rentre pas dans ce que les pharisiens et les scribes connaissent. En eux, s'insinuent le soupçon. C'est quand même bizarre que des gens suivent cet homme doivent-ils se dire. Ce Jésus, il parle en maître et ils sont nombreux à le suivre. De quel droit ? Alors, ils observent, ils espionnent et dès qu'ils voient quelque chose qui cloche par rapport à leur propre référence des valeurs, ils accusent : "Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ?" En fait, ils s'inquiètent de ce que le comportement des disciples peut avoir de révolutionnaire et venir bousculer une société bien ordonnée, qui ronronne.

Ce comportement-là, c'est un comportement qu'on connait bien, nous, les humains. On le connait très bien, nous, les humains du XXIème siècle. Car pour observer, ça observe, ça s'observe entre les générations, ça s'observe entre groupes sociaux différents. Combien de fois jugeons-nous par rapport à notre propre référentiel de valeurs ? Combien de fois arrêtons-nous un jugement sur quelqu'un sans même faire l'effort de comprendre. Cet homme mal habillé qui tend la main à la sortie de l'église, ne peut-il pas travailler ? Et l'argent qu'on lui donne, ne va-t'il pas le dépenser en alcool ? Se lave-t'il bien les mains avant de manger ? Ne profite-t'il pas d'un système social trop permissif ?

L'attitude des disciples.

De l'attitude des disciples on sait peu de chose. Ils mangent avec des mains impures. L'évangéliste Marc ajoute "c'est-à-dire non lavées". Et puis il énumère une liste de prescriptions qui concourent à la pureté. Probablement qu'une ou plusieurs prescriptions ont été ignorées par les disciples.  Quand il eut quitté la foule pour rentrer à la maison, ses disciples l’interrogeaient sur cette parabole. En fait les disciples parlent mais le passage a été retiré de la lecture d'aujourd'hui, et je vais me permettre de vous le lire :

"Quand il eut quitté la foule pour rentrer à la maison, ses disciples l’interrogeaient sur cette parabole. Alors il leur dit : « Êtes-vous donc sans intelligence, vous aussi ? Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans l’homme, en venant du dehors, ne peut pas le rendre impur, parce que cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, pour être éliminé ? » C’est ainsi que Jésus déclarait purs tous les aliments. Il leur dit encore : « Ce qui sort de l’homme, c’est cela qui le rend impur."

En fait, comme les pharisiens et les scribes, les disciples sont un peu prisonniers de la tradition. Certes, ils n'ont certainement pas une pratique aussi rigoureuse mais les histoires de ce qui rentre et qui sort ça les dépasse. En revanche, en aucun cas les disciples ne sont dans un élan révolutionnaire. Ils sont juifs, ils suivent la loi juive. A tel point qu'ils ne comprennent pas ce qui est nouveau dans ce que dit Jésus.

Et nous même, disciples de Jésus, nous aimerions bien être les représentants d'une rupture totale avec les comportements archaïques des pharisiens, des scribes et des disciples qui ne comprennent décidément rien à rien. Et pourtant il n'y a pas de révolution juste un désir de conversion exprimée par Jésus. Nous allons mieux comprendre ce projet dans l'attitude de Jésus.

Enfin, l'attitude de Jésus.

En premier lieu, Jésus ne remet en cause ni la loi ni l'écriture. D'ailleurs pour répondre aux remarques des pharisiens et des scribes, Jésus cite Isaïe le grand prophète : "Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi."

En second lieu, Jésus montre des connaissances anatomiques certaines et aussi bien terre-à-terre. Il rappelle la différence évidente entre le système digestif et le système vasculaire. Il est si trivial qu'il en est à comparer nos aliments avec nos déjections.

Jésus n'est pas un révolutionnaire. Il est juif. Il appelle juste ses interlocuteurs, qu'ils soient pharisiens, scribes ou disciples à se convertir, à ce que le comportement de chacun soit tourné vers le Père qui vient du ciel.

Il nous invite à nous dessaisir de nos habitudes, de nos rites, pour retrouver un étonnement dans tout ce qui nous est donnée de vivre dans notre relation à Dieu. Il nous appelle à regarder la part de Dieu qui habite en l'homme qui tend la main à la sortie de l'église.




Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son cœur.
Il met un frein à sa langue.




Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.

Leve-toi et mange / Jn6 41-51 / Une homélie

(...)
Pour remettre Elie en route, Dieu vient lui donner à manger :
« Lève-toi et mange ! »
Deux fois de suite, l'ange le touche, le réveille et ordonne « lève-toi et mange ! »
Pas de grands discours, pas de cellule psychologique : du pain et de l'eau.
(...)

Il y a donc un lien entre notre vie spirituelle la plus élevée et notre estomac.
Il y a un lien entre nos états d'âme et l'état de notre ventre.
Aujourd'hui, c'est très à la mode de dire que notre ventre est notre deuxième cerveau et l'on redécouvre avec émerveillement le rôle de nos entrailles dans notre équilibre psychique.
Mais l'Ecriture le sait bien depuis toujours, notre Dieu ne cesse de parler à notre ventre !
Depuis le fruit si séduisant du jardin de la genèse, jusqu'au petit livre avalé par Jean aux dernières pages de l'Apocalypse...

(...)

Dans nos vies, il arrive que, comme Elie, nous ayons la tentation de nous replier au désert, de nous installer sous un buisson et de dormir en attendant la fin.
Dans nos vies de foi, dans nos vies spirituelles, ça arrive bien souvent.
« Je n'y comprends plus rien, Dieu ne m'entend pas, je suis fatigué, j'ai assez donné, maintenant, que le Seigneur fasse sans moi... je me retranche dans ma solitude, ou dans mon silence... je me recroqueville sous le buisson de ma lassitude ou de mon amertume et j'attends que ça passe... »

« Lève-toi et mange ! »
(...)
L'ange ne dit pas vraiment à Elie « Lève-toi et mange car il est long le chemin qui te reste »,
il dit « lève-toi et mange car le chemin est trop grand pour toi »...
Et oui, évidemment !
Le chemin qui nous mène au Père, le chemin qui nous mène à la vie éternelle, ce chemin est trop grand pour nous, il n'est pas à notre mesure... il est trop grand pour que nous comptions sur nos propres ressources...
Le Seigneur nous donne la nourriture qu'il faut pour faire la route.
Il y a un pain pour cette route, c'est un pain qui se mange debout et qui met debout ceux qui le mangent...
Debout spirituellement, debout dans la foi, debout dans nos désert, dans nos défaites et nos fatigues, dans nos vieillesses et nos maladies, dans nos vies comme elles sont ...

Ce pain vivant descendu du ciel, ce n'est pas seulement l'hostie de nos eucharisties...
Le Christ donne sa chair de bien d'autres manières...
car la chair du Fils c'est aussi sa Parole,
puisque le Fils, c'est le Verbe,
et que le Verbe s'est fait chair.

Alors que nos ventres et nos oreilles soient aux aguets...
avec le Christ, ils sont désormais indissociables.

Elie doit manger , il doit aussi entendre qu'il doit manger

Levons-nous et mangeons

Amen
Sylvain, diacre

Jésus savait bien ce qu'il allait faire / Jn 6 1-15 / Une homélie

« Une grande foule suivait Jésus parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait en guérissant les malades. »
La foule tient une grande place dans l'Evangile.. Dans l'Evangile que nous avons entendu Jésus est avec ses disciples, mais c'est la présence de la foule sur laquelle il pose son regard qui amène la suite.
Cette foule est comme la figure de toutes les foules humaines, y compris les foules de notre temps. Ce matin nous sommes aussi la foule rassemblée et je voudrais évoquer d'autres foules . Celles des pèlerins (ceux du chemin de St Jacques, mais aussi ceux Lourdes, Fatima, Rome et bien d'autres). Je pense aussi aux foules de notre histoire : les foules qui protestent, les foules qui luttent..., les foules qui fêtent... et ces foules immenses qui traversent les mers et les continents en quête de paix et d'une vie meilleure.
La foule sur laquelle Jésus porte son regard est une foule en attente qui avait eu connaissances des guérisons , Ce n'est pas précisément une foule qui demande du pain (rien n'est dit à ce sujet) mais c'est une foule qui cherche son prophète ou son roi, son messie.

C'est au bénéfice de cette foule que Jésus prend une initiative :
« où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ? »
« JESUS SAVAIT BIEN CE QU'ILALLAIT FAIRE »
Ce qu'il veut faire dans un premier temps c'est nourrir la foule assemblée. C'est le miracle que nous appelons « la multiplication des pains ».
Le terme multiplication n'est pas ici une notion mathématique. Jésus ne calcule pas.
Ceux qui calculent se sont les disciples comme pour mettre en évidence la démesure du désir de Jésus

Et il va donner à manger à plus de 5000 hommes sans compter les femmes et les enfants, en partant de cinq pain d'orge et 2 poissons.
Le miracle a été concrètement possible parce qu'un petit garçon qui avait amené son repas pour la longue marche et la longue journée donne tout ce qu 'il a pour que Jésus puisse nourrir toute la foule et qu'il en reste « et il en restera douze corbeilles ».
Pour que que Dieu puisse agir il faut que l'homme apporte quelque chose , ce qu'il a et qui est sans proportion avec le don qui lui sera fait.
Jésus pris les pains et ayant rendu grâce il les distribua aux convives. La foule a changé de statut. Le miracle n a pas été fait devant elle, mais pour elle.

Et nous changeons de dimension. Le miracle DE LA FRACTION DU PAIN devient un signe et annonce une présence. (Emmaüs)
« Jesus savait bien ce qu'il allait faire » il allait faire ce pourquoi il a été envoyé par le Père, ce pourquoi il était venu, dans le monde, par l'action de l'Esprit Saint.

C'était juste avant la Pâques.
Le denier repas avec ses disciples approche, puis la passion, la mort de Jésus et sa résurrection. Jésus sait qu'il donnera tout ce qu'il a, sa vie car il est le CHRIST ( messie) FILS DE DIEU SAUVEUR.
Il dit de lui même « Je suis le pain de vie descendu du ciel » Voilà ce que Jésus annonce par son miracle qui devient un signe.
Nous sommes aujourd’hui les convives au repas du Seigneur. Nous sommes des femmes et des hommes en attente. Jésus connaît la faim de notre foule/ Nous sommes invités chacun à discerner quelle est notre faim et de la nommer.
Ce que nous attendons s'accomplit déjà.

Dans un instant vont être portés à l'autel le pain fruit de la terre et du travail des hommes, le vin fruit de la vigne et du travail des hommes »
A travers le pain et le vin c'est toute notre vie, tout notre être qui sont offerts pour être transformés, par le don du Christ.
La messe n'est pas une cérémonie religieuse symbolique et pieuse.
La messe nous engage, car le Christ s'engage; L'Eucharistie c'est l'accomplissement de la présence du Seigneur pour nous et en nous par son corps livré et son sang versé ; Nous ne mesurons pas assez la profondeur et l'ampleur de la grâce qui nous est faite.

Vous les marcheurs de St Jacques, et vous qui prenez d'autres chemin vous avez choisi de vous unir aux paroissiens qui sont là, pour célébrer la messe ?
Savez vous pourquoi vous prenez ce chemin ?
Ce que vous savez et vous en témoignez c'est l'attrait du chemin, c'est que c'est tout votre corps qui est sollicité par la marche, l'avancée, la progression . Vous y mettez du vôtre… Vous êtes partie prenante. Votre vie n'est pas étrangère à votre marche. Et le chemin n'est que le support de votre quête, de vôtre recherche et de votre consentement.
Vous êtes en union avec tous les pélerins. Et à l'arrivée quelle joie au milieu de la foule.Et au retour vers le quotidien il reste en vous une trace ineffaçable, vous ne revenez pas comme vous êtes partis. Et votre désir est d'y retourner...ou d'en garder le souvenir.

Permettez-moi une analogie avec l'Eucharistie
A la fin de chaque eucharistie, Nourris par la Parole et le Corps et le sang du Christ, vous ne repartez pas comme avant.
Depuis notre baptême la trace du Seigneur dans nos corps mortels n'est pas un souvenir, mais une réalité.
Nous sommes participants et partie prenante, en communion avec le Seigneur, en communion les uns avec les autres et avec tous les hommes. si nous consentons, corps et Esprit, à nous laisser transformer par la présence en nous de Celui qui nous nourrit de sa propre vie. Si nous laissons le Seigneur faire son travail en nous, cela se verra dans notre vie de foi, dans nos engagements humains, dans nos relations, et nous serons les signes de son amour et de sa paix pour tous les hommes.
Il faut que nous y mettions du notre, et le Seigneur donnera en abondance.
« Il en resta douze corbeilles. »

Robert Zimmermann
diacre

Homélie prononcée en présence des pélerins de St Jacques au prieuré de Cayac le 29 juillet 2018

Oser prendre la Parole / Mc 6 1-6 / Une homélie

Les trois textes bibliques de ce dimanche donnent le sentiment que « Oser prendre la Parole au nom de Dieu » et parfois une mission à hauts risques.
Les trois témoins qui nous sont présentés en ont fait chacun l'expérience.

Ezéchiel , dépêché auprès d'un « peuple de rebelles », révoltés contre Dieu, au moment de l'exil à Babylone, sait qu'il affrontera « le visage dur et le cœur obstiné. »
Paul qui a reçu des révélations exceptionnelles est accablé de difficultés et d'humiliations. « une écharde dans sa chair, une gifle de satan » Ils sont l'un est l'autre en situation de faiblesse, mais le Seigneur les confirme dans leur mission. Ezéchiel a pour appui le mandat de Dieu « Je t'envoie » et dans sa faiblesse Paul entend « Ma grâce te suffit »

Jésus lui même est affronté au manque de foi des habitants de son village.
Voilà que ces compatriotes sont choqués par son discours. Ils se demandent de quoi il se mêle. Il leur est difficile d'entendre une Parole si nouvelle, dont ils ne connaissent pas l'origine, qui renverse leurs habitudes, qui les éloigne de ce qu'ils connaissent, de leur tradition.
Dans leur réaction on peut détecter un brin de jalousie. Mais je voudrais prendre leur défense. Ils ont buté sur la simplicité de ce charpentier (fils) qu'ils ont bien connu et qu'ils ont vu grandir. Même s'ils connaissent sa réputation les habitants de son village ne pouvaient pas croire facilement en lui. D'une certaine manière leurs réactions soulignent la vérité de l'humanité de Jésus « vrai homme ».

Quant à nous, nous avons toute l'épaisseur du mystère pascal et toute la tradition (transmission) de l’Église qui nous permet de reconnaître aussi Jésus « vrai Dieu ». (dimension inaccessible pour ses compatriotes)
Et pourtant ne sommes-nous pas souvent à nous désoler lorsque nous constatons que nous ne parvenons pas à transmettre notre foi à certains de nos très proches. Nous nous trouvons en situation de faiblesse. Faiblesse qui évite l'orgueil, le centrisme de nos personnes. Faiblesse qui surtout laisse sa place à la puissance de la Parole. Malgré notre faiblesse le Seigneur compte sur nous.
« Ma grâce de suffit » nous dit le Seigneur.

C'est l'occasion alors d'entendre pour nous ce que Dieu dit à Ezéchiel « Ainsi parle le Seigneur Dieu… « Qu'ils écoutent ou n'écoutent pas ils sauront qu 'll y a un prophète au milieu d'eux » Pas de frontière à la Parole. Comme le dit Jésus Elle doit faire son chemin. « Le ciel et la terre passeront, mais ma Parole ne passera pas » Matthieu 24

Osons, risquons…
Cette liturgie est l'occasion de nous interroger sur notre rapport à la Parole de Dieu.
Pour la majorité de chrétiens le contact avec la Parole de Dieu se fait au cours de la messe. La liturgie de la Parole, première partie de la messe est la présence réelle du Verbe fait chair, depuis la première lecture jusqu'à l'offertoire, homélie incluse.
Cette homélie est toujours écrite et prononcée par un ministre, évêque prêtre ou diacre qui en ont sacramentellement la charge.
Personnellement je vous avoue que dans cet exercice je me sens en attitude de faiblesse devant la puissance de la Parole . Cela me dépasse souvent mais je dois m'effacer comme dit Paul « car quand je suis faible, c est alors que je suis fort » fort de la force du Christ.
A entendre les réactions après la messe ou dans la semaine qui suit, l'homélie semble être un point d'attention particulier des auditeurs . Sur le parvis vous entendez, « je n'ai rien compris à cette homélie » « Ce fut une belle homélie » L'homélie déterminerait la qualité de la célébration (les chants aussi). Avez vous déjà entendu des commentaires sur la Parole de Dieu elle même ? Sa pertinence… ses effets... ?
Vous connaissez la réponse.
Il y a là quelque chose d'étonnant, et le symptôme que nous attachons plus d'importance au prédicateur qu'à la Parole (majuscule). C'est à réfléchir !!!

Autre expérience : la tentation parfois de changer un texte de la liturgie parce que nous trouvons qu'il est trop compliqué, trop difficile pour le public concerné(enfants, peu de foi, catéchumène, parents…)
Alors je pose la question : Qui suis-je pour décider quels sont les effets de la Parole sur ceux qui la reçoivent ? car il s'agit autant de la recevoir que de l'entendre.
Si nous nous risquons à la Parole de Dieu nous découvrirons souvent que le Seigneur nous a déjà précédé dans le coeur de ceux qu'il met sur notre route « De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir arrosé la terre, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet sans avoir porté du fruit sans avoir exécuté ma volonté . » Esaïe 55

Pendant cet été pourquoi ne pas prendre le temps pour prier avec la Parole de Dieu, seul ou en famille, entre amis quelques instants par un partage simple et spontané plus avec le cœur qu'avec l'intelligence ?

Dans un instant le Christ va nous nourrir de son corps livré pour nous et de son sang versé pour la multitude.
Que cette Eucharistie renforce en nous le désir et la joie d'oser nous risquer à la fréquentation du Verbe fait chair.
N'ayons pas peur de nous risquer à la Parole de Dieu.

Robert Z.

Mc 5 21-43 / Une homélie

(...)
 Jésus croise la trajectoire de deux femmes dont la vie est suspendue.
Deux femmes comme empêchées de grandir, d'avancer, d'être femme.
- L'une parce qu'elle est condamnée à la stérilité, parce que son flux ininterrompu lui interdit tout désir, lui interdit toute rencontre... elle n'aura pas d'homme, elle n'aura pas d'enfant.
- L'autre parce qu'un père un peu trop aimant refuse qu'elle grandisse...
l'empêche d'être femme.
Alors, l'enfant qui ne peut plus grandir préfère dormir. S'allonger dans la mort.


Jésus, vient faire œuvre de vérité dans ces deux vies.
Pour l'une, il va la contraindre à passer par la parole : « Tu peux me voler ta guérison, mais ton salut, tu l'obtiendras en me faisant face. La fin de ton mal, ton mal qui n'est pas ta maladie, ( ta maladie n'est que le symptôme d'un mal qui ne veut pas se dire ), ce mal, tu en seras libérée si tu te risques à la Parole, si tu te frottes à la Vérité...
alors, et alors seulement tu feras œuvre de Foi »

Pour l'autre, c'est une résurrection qui est un relèvement, une mise debout.
Et ça passe par un contact de la main et une parole adressée « Talita Koum »
Quelqu'un te touche et t'adresse la parole.
Il te nomme en vérité : non plus petite fille, petite fille que tu n'es plus, mais jeune fille, jeune femme, jeune femme debout que tu es appelée à devenir.
Ce n'est pas la fin, comme le croyait ton père, c'est simplement la fin de l'enfance.
C'est une remise au monde

Voilà l'œuvre du Christ dans nos vies
On peut toujours tenter de lui voler sa grâce... on le fait bien souvent, à chaque fois qu'on s'approche de lui « par derrière » sans chercher le face-à-face... en se cachant derrière nos attirails religieux, notre matériel de piété... on peut chercher la guérison par effraction... et il se pourrait que, comme dans l'évangile, ça marche !
Car Jésus se laisse voler dès qu'on l’effleure.
Mais notre Salut, mais notre remise au désir, mais notre remise au fruit, cela ne peut se passer sans la rencontre et la parole de Vérité.

On peut se coucher là et dormir
(...)
A l'adolescence, c'est presque un passage obligé.
Mais ça peut nous tomber dessus n'importe quand dans nos vies.
Cesser de s'épuiser à tenir debout, refuser d'un coup d'affronter nos vies, nos vies qui ne sont pas toujours drôles...
Mais le Christ nous veut debout, il nous veut en croissance
« La gloire de Dieu c'est l'homme vivant, l'homme debout, la vie de l'homme c'est de contempler Dieu, »(Irénée) de lui faire face.

Laissons-nous relever par la Vérité.
La Vérité, c'est Lui
Soyons des hommes et des femmes pleins de foi, c'est-à-dire des hommes et des femmes pleins de désirs.
« Je t'exalte, Seigneur, tu m'as relevé »
Pour que je sois debout,
dans la Parole et dans la Vérité

Amen
Sylvain Diacre

À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ?/ Mc4 26-34 / Une homélie

Ce dimanche, Jésus nous apprend à quoi comparer le règne de Dieu. Et même si on est peu familiarisé comme moi avec les processus agricoles, on perçoit quelques traits caractéristiques.
Il y a d'abord comme de l'enfouissement. Il y a ensuite de la croissance. Puis il y a comme un processus inexorable qui échappe au cultivateur. Et enfin, il y a de l'utilité bien pratique à ce processus.

L'enfouissement.
Les semences ou la graine de moutarde sont jetées en terre.
Le règne de Dieu ça commence par un peu de hasard, Jésus évoque juste le geste de jeter, il ne parle pas d'un choix particulier. Même si mes connaissances en matière agricole sont faibles, je sais qu'il convient de semer dans une terre préparée pour recevoir les semences.
Dans ce passage, point de préparation, "Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence" il suffit de jeter la semence en terre.
Le petit mot "en" de "en terre" a attiré mon attention.
J'y ai vu comme une nécessité. Autant la préparation de la terre ne semble pas un impératif autant, il semble important que la semence soit enfouie. Cela crée du mystère, on ne sait pas ce qui se passe dans le secret de la terre. Et puis ça rejoint ce qui est en bas, ça tombe et ça s'enterre.
C'est comme pour chacun de nous, il y a quelque chose de semer dans le terreau de notre chair. On ne sait pas ce que c'est mais on sent que ça frémit quand le Seigneur passe. C'est semé en nous, c'est révélé à notre baptême, c'est confirmé à notre confirmation et ça nous pousse aujourd'hui, ici, ça nous invite à répondre à l'invitation du Christ.

La croissance.
Il y a une croissance.
Il y a une croissance qui est présentée comme disproportionnée.
Jésus souligne la croissance entre la petitesse de la graine et la taille de la plante.
Je suis allé voir des images de plantes de moutardes sur internet. Il me semble que Jésus exagère quand il dit que des oiseaux y nichent. Certes la plante grandit jusqu'à hauteur d'homme mais elle ne devient pas aussi grande qu'un arbre. Alors j'ai vu dans cette exagération comme le désir de montrer que le règne de Dieu est comparable à quelque chose qui part du tout petit et qui nous dépasse.
La graine de moutarde on peut la tenir dans la main, le règne de Dieu non. Le règne de Dieu, on peut le contempler dans nos mains, mais on ne peut pas le prendre.

Un processus inexorable.
"Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit." Là encore mes maigres connaissances sont trompées. Il me semble que le travail agricole est plus dur que ne semble le dire Jésus. Mais, accueillons sa parole avec confiance car ce que Jésus veut nous dire c'est que le règne de Dieu se construit.
Quoiqu'on fasse il grandit. Il grandit sans nous à notre grand désespoir.
Dieu n'a pas besoin de nous pour faire venir son règne. Il se construit parfois malgré nous.
A nous, il revient deux attitudes.
La première. Nous ne devons pas aller contre la venue du règne de Dieu. Nous ne devons pas participer à sa destruction ni même désirer la destruction. Et c'est si facile quand on pense à la pollution et au gaspillage.
La seconde. Il nous revient de l'accueillir. Il nous revient de louer le règne de Dieu. Il nous revient de faire monter notre louange dans la prière. Il nous revient de contempler Dieu dans la création, dans nos rencontres.

L'utilité.
Le règne de Dieu est comparable au blé qui nourrit les hommes.
Le règne de Dieu est comparable à la plante de la moutarde qui protège les oiseaux.
Le règne de Dieu ce n'est pas un concept éthéré. Ce n'est pas une vue de l'esprit inutile.
Le règne de Dieu c'est du concret, c'est du solide, ça sert, ça nourrit et ça protège.
Dieu fait venir son règne pour nous pour nous sauver.

Le règne de Dieu qui vient tout petit en moi,
Qui grandit au-delà de toute mesure sans que je n'y puisse rien, et bien malgré moi
Et qui ouvre mes lèvres pour publier la louange :

Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur,
de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut,
d’annoncer dès le matin ton amour,
ta fidélité, au long des nuits.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.