Croix Glorieuse / Jn3 13-17 / Une homélie

Fête de la croix glorieuse
La croix, instrument scandaleux de mort, d’humiliation, de torture, de dérision, de souffrance et de haine.
        Glorieuse…

Glorieuse pourquoi ?
Parce qu’on aimerait la mort, l’humiliation et la torture ?
Parce qu’on admirerait la dérision la souffrance et la haine ?
Parce qu’on donnerait la prime à la douleur ? la récompense au supplice ?

Ou glorieuse parce que ce serait la mort du héros…
Jésus, super-héros, donnant sa vie sans broncher, endurant l’épreuve, modèle d’obéissance à un Père sadique, bouc-émissaire innocent sacrifié pour payer pour les autres ?

Rien de tout ça

Dans cette église, il y a deux représentations de la croix.
La première, vous l’avez sous les yeux. Elle est le point de fuite, le point focal, elle attire tout à elle, depuis la rue, au-delà de l’assemblée, par-delà l’autel et le tabernacle…
Elle tente de donner à voir ce que le matin de pâque fait de la croix : un trou, un passage, une ouverture de lumière dans le mur de pierre, une porte d’où jaillit un corps étrange… pas seulement mal sculpté (celui qui l’a faite n’est pas sculpteur), mais volontairement bizarre, volontairement flou, tordu… un corps qui vient que l’on ne connaît pas.
Pauvre image.
Impuissante à montrer, inapte à faire comprendre, incapable de dire

La deuxième, c’est moi qui l’ai sous les yeux au moment ou je vous parle. Je l’ai sous les yeux parce qu’il est bon que celui qui parle d’ici se souvienne au nom de quoi il parle.
Une croix qui porte un corps figé dans son cri de souffrance. Il ne manque pas un muscle, il ne manque pas un cheveux, c’est un corps d’homme sans l’ombre d’un doute. Et il y a les clous, et il y a les blessures… pas seulement bien sculpté (celui qui l’a faite n’est pas un génie), mais volontairement ressemblant, un corps qui meurt et que l’on connaît bien.
Pauvre image.
Impuissante à montrer, inapte à faire comprendre, incapable de dire

Pourquoi nous faut-il deux croix ?
La croix douloureuse et la croix joyeuse ?
La croix de ténèbre et la croix de lumière ?
La croix de la mort et la croix de la vie ?

Il nous faut deux croix parce que nous n’arrivons pas à comprendre que c’est la même…. Parce que nos esprits sont incapables de saisir, nos yeux sont aveugles et nos nuques sont raides.

Nous ne prions pas assez devant la croix. Nous ne la contemplons pas assez. Elle nous fait peur parce que nous n’y voyons que douleur et mort. On lui préfère d’autres images, d’autres figures… plus douces, plus féminines…
    Aveugles à la croix, aveugles à la gloire.

Il n’y a qu’une croix et elle est glorieuse.
Parce que c’est le trône du fils de l’Homme. Et que l’Homme, Dieu l’a voulu un peu moindre qu’un Dieu, couronné de gloire et d’honneur.

En passant sur la Croix, le Christ relève l’Homme tout entier. Tout l’Homme. Il entraîne l’humanité toute entière. Il ne porte pas seulement sa souffrance pour en faire sa victoire. Il porte toutes nos souffrances pour en faire l’unique victoire.
Rien de ce qui fait un homme ou une femme n’est étranger à la croix. Tout de nous s’y dépose. Tout de nous s’y écrit.

La vieille mère qui dépérit dans son ehpad
Le fils chômeur pataugeant dans son divorce
L’adolescent dépressif rivé à son téléphone et qui n’imagine pas de lendemains
L’époux esclave de ses addictions
La veuve qui se sent partir en solitude
Le jeune homme tétanisé par l’angoisse de la maladie
L’épouse qui s’aperçoit qu’elle n’aime plus
Le prêtre qui n’y croit plus
L’enfant qui grandit sous les bombes
    Tous
Tous rassemblés dans la croix
Tous embrassés dans la gloire
    Pas une larme qui ne tombe sur le bois de la croix.
    Pas une prière-restée-sans-réponse qui ne s’y grave.
    Pas un gémissement qui n’y pénètre au cœur.

Le fils de l’homme prend tout, Il se charge de tout, Il glorifie tout.

Il n’y a qu’une croix, et elle est glorieuse.
Pas pour glorifier la souffrance et la peine, mais pour mettre à mort la mort.
Pas parce que la douleur nous obtient la récompense, mais parce que Dieu lui-même souffre de nos souffrances.
    Parce qu’il n’est tout-puissant que de l’amour.
Pour qu’au nom du Fils « tout genou fléchisse, au ciel, sur terre... 
            et aux enfers ».

╬ Amen
Sylvain diacre

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire