La croix, instrument
scandaleux de mort, d’humiliation, de torture, de dérision, de
souffrance et de haine.
Glorieuse…
Glorieuse pourquoi ?
Parce qu’on aimerait la
mort, l’humiliation et la torture ?
Parce qu’on admirerait la
dérision la souffrance et la haine ?
Parce qu’on donnerait la
prime à la douleur ? la récompense au supplice ?
Ou glorieuse parce que ce
serait la mort du héros…
Jésus, super-héros, donnant
sa vie sans broncher, endurant l’épreuve, modèle d’obéissance
à un Père sadique, bouc-émissaire innocent sacrifié pour payer
pour les autres ?
Rien de tout ça
Dans cette église, il y a
deux représentations de la croix.
La première, vous l’avez
sous les yeux. Elle est le point de fuite, le point focal, elle
attire tout à elle, depuis la rue, au-delà de l’assemblée,
par-delà l’autel et le tabernacle…
Elle tente de donner à voir
ce que le matin de pâque fait de la croix : un trou, un
passage, une ouverture de lumière dans le mur de pierre, une porte
d’où jaillit un corps étrange… pas seulement mal sculpté
(celui qui l’a faite n’est pas sculpteur), mais volontairement
bizarre, volontairement flou, tordu… un corps qui vient que l’on
ne connaît pas.
Pauvre image.
Impuissante à montrer, inapte
à faire comprendre, incapable de dire
La deuxième, c’est moi qui
l’ai sous les yeux au moment ou je vous parle. Je l’ai sous les
yeux parce qu’il est bon que celui qui parle d’ici se souvienne
au nom de quoi il parle.
Une croix qui porte un corps
figé dans son cri de souffrance. Il ne manque pas un muscle, il ne
manque pas un cheveux, c’est un corps d’homme sans l’ombre d’un
doute. Et il y a les clous, et il y a les blessures… pas seulement
bien sculpté (celui qui l’a faite n’est pas un génie), mais
volontairement ressemblant, un corps qui meurt et que l’on connaît
bien.
Pauvre image.
Impuissante à montrer, inapte
à faire comprendre, incapable de dire
Pourquoi nous faut-il deux
croix ?
La croix douloureuse et la
croix joyeuse ?
La croix de ténèbre et la
croix de lumière ?
La croix de la mort et la
croix de la vie ?
Il nous faut deux croix parce
que nous n’arrivons pas à comprendre que c’est la même….
Parce que nos esprits sont incapables de saisir, nos yeux sont
aveugles et nos nuques sont raides.
Nous ne prions pas assez
devant la croix. Nous ne la contemplons pas assez. Elle nous fait
peur parce que nous n’y voyons que douleur et mort. On lui préfère
d’autres images, d’autres figures… plus douces, plus féminines…
Aveugles à la croix,
aveugles à la gloire.
Il n’y a qu’une croix et
elle est glorieuse.
Parce que c’est le trône du
fils de l’Homme. Et que l’Homme, Dieu l’a voulu un peu moindre
qu’un Dieu, couronné de gloire et d’honneur.
En passant sur la Croix, le
Christ relève l’Homme tout entier. Tout l’Homme. Il entraîne
l’humanité toute entière. Il ne porte pas seulement sa
souffrance pour en faire sa victoire. Il porte toutes nos
souffrances pour en faire l’unique victoire.
Rien de ce qui fait un homme
ou une femme n’est étranger à la croix. Tout de nous s’y
dépose. Tout de nous s’y écrit.
La vieille mère qui dépérit
dans son ehpad
Le fils chômeur pataugeant
dans son divorce
L’adolescent dépressif rivé
à son téléphone et qui n’imagine pas de lendemains
L’époux esclave de ses
addictions
La veuve qui se sent partir en
solitude
Le jeune homme tétanisé par
l’angoisse de la maladie
L’épouse qui s’aperçoit
qu’elle n’aime plus
Le prêtre qui n’y croit
plus
L’enfant qui grandit sous
les bombes
Tous
Tous rassemblés dans la
croix
Tous embrassés dans la
gloire
Pas une larme qui ne tombe sur
le bois de la croix.
Pas une
prière-restée-sans-réponse qui ne s’y grave.
Pas un gémissement qui n’y
pénètre au cœur.
Le fils de l’homme prend
tout, Il se charge de tout, Il glorifie tout.
Il n’y a qu’une croix, et
elle est glorieuse.
Pas pour glorifier la
souffrance et la peine, mais pour mettre à mort la mort.
Pas parce que la douleur nous
obtient la récompense, mais parce que Dieu lui-même souffre de nos
souffrances.
Parce qu’il n’est
tout-puissant que de l’amour.
Pour qu’au nom du Fils
« tout genou fléchisse, au ciel, sur terre...
et aux enfers ».
╬ Amen
Sylvain diacre
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